celui d’un ruban à deux couleurs tranchées : d’un côté, des champs immenses
couverts, suivant la saison, de trèfle et de fèves en fleurs, de millet-dourah
ou de froment; de l’autre, des sables arides qui s’étendent à perte de vue.
Vers le sud-est, dans un vallon incliné où se voit une petite enceinte Arabe avec
quatre sycomores, le sol est couvert de fragmens de granit, de basalte (1), de grès
de poteries, et de débris d’un poudingue qui appartient à la montagne même. Tel
est le lieu que les architectes des pyramides ont choisi pour y élever ces constructions
gigantesques ; ils ont sans doute dressé le plateau d’avance, et disposé
les chaussées non moins colossales qui devoient servir à charier et élever les
matériaux jusqu’au niveau du sol. Les restes de trois de ces plans inclinés se
voient encore du côté de l’est, et montrent, par leur emplacement et leur direction
, par quelle route sont venus les matériaux.
Les trois grandes pyramides sont placées sur ce plateau dans la direction du
nord au sud, ou plutôt du nord-est au sud-ouest, en raison de leur grandeur, et
à ce qu’il paroît, de leur antériorité ; ainsi la plus considérable et la plus ancienne
est à la pointe saillante du nord-est, la plus petite et la plus récente est à la partie
la plus reculée au sud-ouest; les trois sont à peu près sur une ligne droite. Des
fossés ont été creusés dans le roc, autour des deux principales : aujourd’hui on
les retrouve en partie comblés par les sables ; on reconnoit aussi les enceintes qui
environnoient la deuxième et la troisième. Autour de la première sont neuf
petites pyramides ruinées, reste d’un plus grand nombre qui lui servoient de ceinture,
au moins au midi et au levant.
A l’ouest de la même est une multitude de grands tombeaux rectangulaires (de
2.4 mètres sur 10, ou 74 pieds sur 3 1 ) ; les sables les recouvrent : mais la forme
en est régulière et très-apparente; ils forment un carré aussi spacieux que la pyramide,
et sont au nombre de 14 dans un sens et de 14 dans l’autre ( 2 ). On juge j
que ce sont des tombeaux, à l’un d’eux plus grand que les autres, dans lequel nous
sommes descendus. Ce carré est précisément au nord de la deuxième pyramide
et au couchant de la première, et aligné avec les côtés de toutes deux; ce qui
forme un arrangement symétrique, résultant évidemment d’un plan régulier. Il
existe encore, et en grand nombre, des tombes à la surface du sol : d’autres sont
des hypogées ou catacombes, c’est-à-dire, sont enfoncées dans le rocher; pour
les creuser, il a fallu tailler verticalement les parois de la montagne, comme dans
les hypogées de Thèbes.
Nous voyons au levant de la deuxième pyramide les débris d’un édifice carré
de 50 mètres [ i yo pieds ] de côté; au couchant, des catacombes dont l’entrée
est dans lefond du fossé, et au-devant de la troisième les restes d’un monument
remarquable, mieux conservé et plus grand, dont il sera parlé en son lieu. Enfin,
( 1 ) Auprès d elà g r a n d e pyramide , on voit une autour de la p r e m i è r e et de la TRO ISIÈM E, et il
quantité considérable de basalte volcanique en éclats; à diffère encore, à d’autres égards, du plan du colonel
cent pas au N. O ., on remarque une grande masse de Jacotin.
basalte à fleur du rocher. Je dois faire observer que Pococke ne s’est aperçu de
(2) ^Pococke, dans le plan quil a donne (t. I , pl. 16), la symétrie de ce plan qu’en le dressant, à son retour
a figure un bien plus grand nombre de petites pyramides en Angleterre.
au sud de cette dernière, on voit une quatrième pyramide ( 1 ) beaucoup plus
petite que les autres, avec deux pyramides à degrés. Quant au fameux s p h i n x , il
est isolé, a environ 600 mètres [300 toises] à l’est de la s e c o n d e pyramide et
tourne lui-meme du côté du levant (vers TE. N. E.).
L’aspect général de ces monumens donne lieu à une observation frappante:
leurs cimes, vues de très-loin (2 ) , produisent le même genre d’effet que les sommités
des hautes montagnes de fonne pyramidale, qui s’élancent et se découpent
dans le ciel. Plus on s’approche, plus cet effet décroît. Mais, quand vous n’êtes
plus quà une petite distance de ces masses régulières, une impression toute différente
succédé, et, dès que vous gravissez la côte, vos idées changent comme
subitement; enfin, lorsque vous touchez presque au pied de la g r a n d e pyramide
vous etes saisi d une émotion vive et puissante, tempérée par une sorte destupeui-
et d accablement. Le sommet et les angles échappent à'la vue. Ce que vous éprouvez
n est point 1 admiration .qui éclate à l’aspect d’un chef-d’oeuvre de l’art, mais
c est une impression profonde ; l’effet est dans la grandeur et la simplicité des formes,
dans Je contraste et la disproportion qui existe entre la stature de l’homme et l’immensité
de l’ouvrage qui est sorti de sa main. L ’oeil ne peut le saisir, la pensée même
a peine a 1 embrasser. C ’est alors que l’on commence à prendre une grande idée de
cet amas immense de pierres taillées, accumulées avec ordre à une hauteur prodigieuse.
On voit , on touche à des centaines d’assises de 200 pieds cubes, du poids
de 30 milliers, à-des milliers d’autres qui ne leur cèdent guère, et l’on cherche à
comprendre quelle force a remué, charié, élevé (3) un si grand nombre de pierres
colossales, combien d’hommes y ont travaillé, quel temps il leur afallu, quels engins
leur ont servi; et moins on peut s’expliquer toutes ces choses, plus on admire la
puissance qui se jouoit avec de tels obstacles.
Bientôt un autre sentiment s’empare de votre esprit, quand vous considérez
jetât de dégradation des parties inférieures : vous voyez que les hommes, bien
plus que le temps, ont travaillé à leur destruction. Si celui-ci a attaqué la sommité,
ceux-là en ont précipité les pierres, dont la chute en roulant a brisé les
assises. Ils ont encore exploité la base comme une carrière; enfin le revêtement a
disparu par-tout sous la main des barbares. Vous déplorez leurs outrages; mais
vous comparez ces vaines attaques au massif de la pyramide, qu’elles n’ont pas
diminue peut-être de la centième partie, et vous dites avec le poëte :
Leur masse indestructible a fatigué le temps 1 4.).
Suspendons ici nos réflexions sur ce monument, dont bientôt nous parierons plus
en détail, et achevons de jeter un coup d’oeil générai sur l’ensemble des lieux.
prls'ieta 8™"eUra éCr!t CeSm° 'S- 4 .- rV R A M .DE , trop vince du Kaire, à plus de neuf lieues à vol doiseau, et
JV R s „ „ . 1. J . eIles ra’ o m foun" fréquemment des anales de direction
IV. ü. Sous le nom de QUATRIÈME pyramide, d autres pour la détermination des points sur la carte Z
» ont décrit une grande, située près de Saqqârah; mais phique. «« P°'"ts sur la carte topogrami
dTc ür r f ° r m é l i P S ai" si U PTra- ( 3 ) J-« Pi«™ du sommet s'élevaient à 580- envi-
G zeh quatrième en grandeur parmi celles de ron au-dessus de la vallée.
(a) Je les ai aperçues de Barchoum, village delà pro- mens^Rome' . ^ ^ * Pr°P°S ^ m° nU‘