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parfaitement marquée j par ia dépression de tout Je terrain, depuis Tâmyeh, en
passant par Terseh, Senhour et Abchouây el-Roummân. A son extrémité qui est
vers l’ouest, ie lac n’a pas autant perdu de son étendue en largeur ; le Qasr Qeroun
dont il. est aujourd’hui éloigné d’une dcmi-lieue, est une barrière qu’il n’a jamais
pu dépasser ni même atteindre.
Du côté du nord, le lac s’avançoit peu au-delà de la ligne qui le 'termine au-
jourd hui. Les ruines qui existent de ce cô té , et sur-tout le rocher, en fixent la
limite.
Ainsi les calculs que peut faire le géographe sur l’ancienne étendue du lac du
Fayoum, ont des bases certaines, et il ne court point le risque de s’égarer beaucoup.
Or, si l’on mesure, sur la nouvelle carte de l’Égypte, le contour du lac,
en suivant les lignes que je viens d’indiquer, et descendant au midi de manière
à former une espèce d’arc ou de croissant, tant à l’est qu’à l’ouest, on trouve plus
de quarante lieues. Sa plus grande largeur en avoit quatre ; sa longueur, dix-sept (i).
A cette vaste étendue, on reconnoît. le lac de Moeris. En effet, quelle application
plus juste pourroit se faire ailleurs des paroles suivantes de Strabon ! « Cette prc-
» fecture (l’Arsinoïte) renferme un lac considérable, du nom de Moeris, qui a la
» couleur et 1 aspect de la mer— Son étendue et sa profondeur le rendent propre
» à recevoir les eaux du débordement, et à garantir les champs et les habitations.»
C e que l’auteur ajoute, regarde l’autre usage auquel étoit consacré le lac de Moeris.
«Quand le Nil décroît ensuite, il rend, par les deux embouchures d’iin canal,
» l’eau .qui est nécessaire à l’irrigation. A chaque embouchure du canal, il y a
» des digues au moyen desquelles les architectes maîtrisent les eaux qui affluent
» dans ie lac et celles qui en sortent. »
Crocodilopolis ou Arsinoé.
Le nom A’Arsinoé donné au-chef-lieu du nome et au nome lui-même n’appartient
pas à la haute antiquité; ce nom est celui de l’épouse et soeur de Ptolémée-
Philadelphe (2). Avant les Lagides, la ville capitale s’appeloit Crocodilopolis, ou
ville des crocodiles, à cause du culte dont ces animaux y étoient honorés. C ’est
sous ce nom qu’Hérodote nous la fait connoître. Diodore de Sicile ne fait pas
mention de cette ville. En général, les anciens historiens donnent peu de rensei-
gnemens sur la province Arsinoïte : cependant les deux monumens les plus extraordinaires
de 1 antiquité Egyptienne y étoient situés, le labyrinthe et le lac de Moeris;
mais c étoit une raison pour que ces deux grands ouvrages seuls pussent trouver
une place dans les relations concises des auteurs. 11 n’existe donc qu’un petit nombre
de passages anciens, au sujet de la ville ou du nome d’Arsinoé. Strabon est celui
(1} Voyez, la pl. (i, E. M . vol. I , et la grande carte neur d’Arsinoé. Voye^ Pline, Hist. nat. I iv . XXXVI,
topographique de l’Égypte. chap. 9, et liv. x x x y i l , chap. 8, et ci-après, pag. 43 *
(2) Philadelphe éleva plusieurs monumens en l’hon- la description de l’obélisque de Begyg.
q u i donne le plus de détails sur cette préfecture; mais il ne parle de la ville elle-
même que pour la nommer. Le but du géographe étoit principalement de fixer
la position du lac de Moeris, et celle du labyrinthe par rapport à la ville capitale.
Pline connoissoit les deux noms de la province. Après avoir énuméré les nomes
d’Égypte, et dit qu’il y a deux nomes Arsinoïtes, il ajoute ; Quidam ex his aliqua
nomina permutant, et substituant alios nomos, ut Heroopoliten, Crocodilopoliicn (ti)s
Ptolémée donne la position exacte de la ville, et il rapporte aussi les deux noms.
Dans les écrivains postérieurs, il n’est question du nome et de la ville que sous
le nom d’Arsinoé. Cependant Etienne de Byzance, écrivant long-temps après,
rapporte encore l’ancien nom de Crocodilopolis ; mais il ne faut pas entendre que,
selon lui, la ville fût placée dans le lac de Moeris, comme on l’a prétendu d’après
ces mots, -mMi âv rô MoteJSl -m vÊ xm: le sens du passage est que la ville étoit située
sur ses bords ; ce qui est encore assez difficile à expliquer.
Nous possédons plusieurs médailles frappées du temps d’Adrien, pour le nome
d'Arsinoé. La plus précieuse est celle qui porte au revers un crocodile; les autres présentent
la tête d Arsinoé (2). Ces diverses médailles prouvent à-la-fois que la ville a
eu les deux noms de Crocodilopolis et d’Arsinoé, qu’elle étoit le chef-lieu d’un nome ;
enfin que cette préfecture existoit du temps d’Adrien avec le nom Al Arsinoïte.
Dans les manuscrits Qobtes, la ville porte constamment le nom A’Arsinoé ou
Arsenoé.
Je passe sous silence les récits des Arabes au sujet de cette ville ; il ne lui fut
pas imposé d’autre nom, lors de la conquête de ces peuples, que celui de ville
principale du Fayoum, Medynet el-Fayoum, nom qui subsiste encore. Le mot de
Fayoum lui-même est sans doute un reste de l’ancienne dénomination de la province;
car je ne considère pas comme une origine admissible du mot de Fayoum
la tradition rapportée par certains auteurs Arabes au sujet du canal qui apporte
les eaux dans la province, et qui, disent-ils, fut creusé par Joseph en mille jours,
ilf-youm (3).
La ville actuelle, qui a succédé à l’ancienne, est encore très-florissante; mais
elle n’est pas tout-à-fait au même lieu. Les ruines d’Arsinoé en sont distantes de
quelques centaines de mètres, vers le nord. Elle a été détruite de fond en comble.
Les colonnes de granit et de marbre dont ses édifices étoient ornés ,■ ont été
transportées à Medynet el-Fayoum, où on les trouve, partie dans les mosquées,
partie en débris isolés au milieu de la ville; quelques-unes sont d’une grandeur
considérable.
(1) Plin. Hist. nat. Iib. V, cap. 9. du grand lac renfermé dans cette province. ( Mém. gêogr.
(2) Voyez la planche représentant les médailles des et hist. sur l*Egypte, tom. I , pag. 391.)
nomes, A. vol. V, et les mémoires sur la géographie M- Champollion pense que le nom de la province
ancienne et comparée. Le cabinet de M. Tôchon ren- vient directement de (pour EUïOUJ XXX0 4 A
ferme plusieurs médailles de ces différens types. mk ou Ï ÏK Z ^X TTXO**-)> le nome ou le pays aqueux. (L 'È -
(3) M. Marcel a conjecturé, avec plus de vraisem- gypte sous les Pharaons, tom. I , pag. 326.)
lance, que le mot de Jtom ou fayoum vient du qobte Les Arabes attribuent aussi la fondation de la ville à
ÏTXO-W. ou cJ>xq.M., et signifie la mer ou grande étendue Joseph; quelques Chrétiens prétendent que Jésus-Christ
t f au‘ [Dee. Egypt. tom. I I I , pag. 162.) M. Etienne lui-même fonda Bahânah, qu’ils placent sur le bord du
Quatremère envisage aussi le nom de Fioum comme lac. ( Déc. Egypt. loc. cit.)
venant de XO-V-, qui signifie mer en qobte, à cause