quantité de briques cuites, annonçant d’anciennes habitations, et que les fellâh ont
coutume d’y ramasser pour bâtir.
Je citerai ici Agatharchide, qui compte au nombre des cinq nomes placés entre
Memphis et la Thébaïde, le lieu appelé Phylaca, et, selon d autres,Schcdia, où
l’on percevoit le tribut des marchandises apportées, du pays supérieur. Il n’y a. pas
d’autres vestiges d’une préfecture de ce nom ; mais le nom de Schedia, commun
au poste du lac Mareotis, près d’Alexandrie, offre un rapprochement curieux (1).
Je conclus que le château-fort dont parle Strabon, sous le nom de Thebdica
Phylace, étoit placé, non à Darout même ou plutôt Deroue't el-Cheryf, mais à
Deroueh Sarâb-amoun, où étoit une ancienne habitation,'et non loin du couvent
actuel, appelé par abréviation Deyr Abou-Sarâbàm. L ’autre position, appelée par
les Grecs Hermopolitana Phylace, étoit, selon ma conjecture, soit à Qasr-Hour,
soit à Darout-Achmoun, qu’il fàudroit appeler Derouet-Achmoun : ce mot paroît
signifier, en effet, enceinte Hermopolitaine (2).
§. V I .
Rapprochement et Conclusion.
Il ne faut pas chercher dans Hermopolis, nom qui semble entièrement Grec,
le véritable nom que portoit la ville Égyptienne. L e nom actuel d Achmouneyn
est peut-être plus propre à nous faire retrouver l’ancien. Achmoun ou Chmoun
me paroît en être certainement le reste; car les habitans m’ônt rapporté que cet
endroit s’appeloit autrefois Medynet-Achmoun, ville d’Achmoun. C e nom a la
plus grande ressemblance avec Chmoun, 'en grec Chemmis et Chemmo, nom d une
divinité Égyptienne, suivant Diodore de Sicile et d’autres auteurs. Achmoun ,
dans la basse Égypte, et auprès de l’ancienne ville de Mendès, donne son nom au
canal Mendésien. Achmym, dans la Thébaïde, a succédé à l’ancienne Chemmis,
la Panopolis des Grecs. Enfin Chmoun ou Schmoun est le nom qui, dans tous les
manuscrits Qobtes, répond à Hermopolis Magna (3).T e s Arabes ont ajouté, par
euphonie, l’élif initial, comme dans Achmym, Asouân, Esné, etoeaucoup d autres
noms.
Le nom de Darout-Achmoun, village situé en face d’Achmouriéyn, montre
encore, que'la même dénomination a appartenu à tout ce quartier de l’Egypte;
c’étoit peut-être le nom du nome lui-même d’Hermopolis. Au reste, je n’entreprendrai
pasi.de chercher dans les débris de l’ancienne langue Égyptienne la signification
du mot Achmoun ( Schmun ou Smun, sêlon Jablonski) : c’est une tentative
que ce savant a faite sans beaucoup de succès (4).
( i ) Geogr. vet. Scriptores. - (4) Jablonski traduit Chmoun, CLj-19-CnfSV> par octavus.
* (2) JDour.it l’un des pluriels de Dâr j \ ï , Mercure, dit-il, fut le huitième dieu ajouté aux sept
signifiant domus, mansio, & c . planètes ; comme si Mercure n’étoit pas lui-même une des
(3) Voyez les Mémoires sur l ’Egypte par É. Quatre- sept planètes! Voyez le Panthéon des Egyptiens, pag. 300
mère, où ce savant a cité à l’appui du fait un grand etsuiv. *
nombre de textes Qobtes. Voyez aussi l ’Egypte sous les ’ Le village où sont les ruines de cette grande ville, a
Pharaons, par M. Champollion. ’ proprement pour nom Nefs cl- Achmouneyn, et non
Dans
Dans son Traite dlsis, Plutarque dit que les uns font cette divinité fille de
Mercure, et les autres, de Prométhée, parce que celui-ci est la source de toute
sagesse et de toute prudence, et celui-là l’inventeur de la grammaire et de la
musique ; c’est pourquoi à Hermopolis, ajoute-t-il, on donne les noms à’Isis et
de* Justice à la première des Muses, qui est la Sagesse, . et qui fait connoître les
choses divines aux hiêraphores et aux hiérastoles, appelés ainsi, de ce qu’ils portent
les choses, sacrées, ou s’habillent de vêtemens sacrés (i).
Ce passage nous fait entre.voir pourquoi Mercure étoit honoré à Hermopolis.
Dans tous les temples, Isis et Osiris étoient l’objet du culte universel ; mais Thoih
ou le Mercure Égyptien, à qui l’on attribuoit symboliquement la découverte des
lettres, des sciences et des arts, etoit pour ces peuples l’origine de l’ordre et de la
justice, qui doivent présider à l’économie de la société. Les Hermopolitains avoient
un culte particulier pour Mercure ; et des animaux, tels que l’ibis et le cynocéphale,
lui étoient consacrés dans cette préfecture : mais les hommes versés dans la con-
noissance des symboles savoient que ce culte étoit, au fond, en l’honneur de la
divinité mère des arts et des sciences, et la première des Muses, selon Plutarque'
Citons encore cet auteur, qui, dans le même Traité, a rassemblé tant de traits
curieux de la religion Égyptienne. On montre, dit-il, à Hermopolis, un hippopotame,
symbole de Typhon, sur lequel est un épervier combattant contre un
serpent (2). Il seroit aisé de trouver dans les bas-reliefs Égyptiens, et sur-tout dans
les Typhonium, un sujet analogue ; mais l’état de ruine du temple d’Hermopolis
ne nous a pas permis d y dessiner beaucoup de sculptures, et de retrouver l’emblème
rapporté par Plutarque, dont le sens d’ailleurs n’est pas très-difficile à saisir (3).
Elien, après avoir rapporté les motifs assez puérils de la consécration de l’ibis
a Mercure, dit que, suivant A p io n , la vie de cet oiseau étoit très-longue :
Apion, ajoute-t-il, cite en témoignage les prêtres d’Hermopolis, qui lui avoient
montré à lui-même un ibis immortel (4). Élien se donne la peine de combattre
ce récit et la possibilité du fait matériel. Qui ne voit que ce langage figuré
exprimoit une idée très-simple; savoir, l’origine divine des arts et des sciences,
dont Mercure passoit pour l’inventeur, Mercure dont l’ibis étoit le symbole vivant!
J irai plus loin, et je supposerai que l’ibis immortel montré à Apion étoit une
.de ces figures de Thoth à tête d’ibis, si fréquentes dans les monumens Égyptiens,
et que l’on voit sur l’architrave du temple d’Hermopolis. Cette figure
composée étant 1 image d’un des dieux de l’Égypte, il n’étoit pas surprenant que
les prêtres 1 appelassent immortelle. A u reste, la vie de l’ibis passoit pour être,
ainsi que celle de l’épervier, d’une durée extraordinaire.
Dans un des dialogues de Platon ( in Phcedro), Socrate s’exprime ainsi : J’ai
appris que, vers Naucratis, on adoroit un ancien dieu appelé Theuth. auquel
étoit consacré l’ibis; ce dieu, le premier, inventa les nombres, le calcul, la
Achmouneyn. Le sens du mot nefs [ ] est aine [ spiritus,
anima, vita, magnitudo, sanguis, iP’c.J, et le verbe
nefas, aux différentes formes, a plusieurs sens, respirer,
croître, briller, Sic.
(1) Plutarque , Je Iside et Osiride,
A . D .
(2) Ibid. §. 50.
(3) Voy. la Descrip.t. d’Edfoû, A . D . chap. V, f . V U ;
et la planche 6 4 , A . vol. I , où l'on voit un épervier symbolique,
à corps de lion, foulant aux pieds un.serpent.
(4) Ælian. de Natura animal, cap. x x ix , Lond. 1744*
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