
E lle est du re et appro che beaucoup de la pierre num ism ale : c’est la prem ière
m açonnerie. Ô n n’y vo it des pierres ordinaires que dans les parties réparées ou
bâties plus récem m ent. Celles-ci sur-tout son t tend res, mauvaises et rem plies de
\ vides. S ouvent aussi l’extérieur des m urs est en d u it d’une espèce de m ortier. Ces
rem parts p o rte n t p ar-to u t des traces de la corrosion d o n t nous avons parlé en
détail ailleurs, à l’occasion des granits; mais ici, où les m atériaux son t calcaires,
l’action des divers sels m uriatiques qui se form ent ou se décom p osent en si
grande quantité sur le territo ire d’A lexandrie, vient encore se joindre d’une m anière
très-efficace aux autres causes que nous avons assignées à cette destruction
universelle de ses m onum ens. D ans une to u r ru in é e, les m oellons o n t fus é. à l’air
com m e auroit fait la chaux v iv e , tandis que les m ortiers so n t restés dans leur
intégrité. L a m êm e particularité s’observe dans d’autres tours près du p o rt vieux.
A ussi leurs v o û tes, quoiqu’en pierres de taille, sont souvent revêtues d’un enduit
p ro p re à les conserver.
L ’encein te G recque fut m ainten ue assez lo n g -tem p s ap rès-la conquête des
Sarrasins, qui ne bâtirent la leur que bien après [ 14 1']- Suivant A bo u-l-fed â,
A ’m rou ebn-el-A’s , général d’O ’m ar, la p rit d’assaut après un siège de quatorze
m ois, la dixièm e année de l’hégire ( ou p lu tô t vers 6 4 0 ). Q uo iq ue les Arabes,
dans la prem ière fougue de leurs conquêtes et le p rem ier élan de leur grandeur,
fussent loin d e ravager to u t ce qui ne cho q u o it pas leur fanatism e ( 1 ), d’autres
intérêts leur faisant négliger A lexandrie, la p o pulatio n dim inua considérablem
e n t; e t , vers le m ilieu du ix.c siècle, suivant E lm acin, sous le califat d’el-
M o tao u ak el, c’est-à-dire, plus de deux siècles après la co nq u ête, E bn T o u lo u n ,
go uverneur de T É g y p te , fit abattre les m urs antiques et construire ceux que
nous voyons. B eaucoup de leurs réparations son t postérieures en co re, et ne
rem o n ten t guère au-delà de l’expédition de Selym I ." , au com m encem ent du
x v i.' siècle [ i 4 2 ]-
O n se servit, p o u r l’enceinte de T o u lo u n , des m atériaux de l’ancienne : de là
cette confusion qui règne dans l’em ploi de ces m atériaux de toutes les espèces et
de toutes les formes. Elle fut réduite, com m e on le v o it, de plus de m oitié [ 143],
et l’on ne conserva que les parties les plus essentielles et les plus voisines de la
m arine. L es A rabes aban don nèrent princip alem ent les bords du lac Mareotis, qui
se desséchoit p ar suite de l’encom b rem ent des canaux supérieurs tirés d u Nil.
C ’est enco re un im m ense ouvrage que cette encein te, quoiqu’elle ait été si fort
restrein te par les Sarrasins, qui éto ien t, à cette époqu e, très-portés aux grandes
choses. Ils retirèren t leurs lim ites, d’une m anière très-reconnoissable, sur le front
par lequel nous en tro n s, en co n to u rn an t sensiblem ent le bassin de Kibotos, laissé
en d eh o rs, ainsi que le canal navigable qui leur servit de fossé et de défense;
p u is, p o u r être m aîtres des eaux potables, ils les firent en trer dans leur ville en
d éto urn an t l’extrém ité de ce canal, com m e nous l’avons v u , e t bâtirent le p rem ier
p o n t qui est dessus [ 144]-
Plusieurs tours et groupes de tours, tels que ceux que nous voyons aux deux
(1) O n sait que c’est le f anat isme, bi en plus q u e l’i gnor anc e , qui leur fit détruire la bibliothèque.
extrém ités de ce fro n t, offrent encore de belles m asses, qui se p réto ien t à une
grande résistance. L eu r vaste capacité et la solidité des m urailles en faisoient
autant de forteresses : aussi l’enceinte actuelle so u tin t-elle plusieurs sièges ou
attaques plus ou m oins sérieuses [ 14 y 1.
E n jetant un coup-doeil général sur la ville A rab e, on n’y vo it que quelques
ham eaux mal bâtis, mais assez peuplés ; quelques po rtes de bains, une couple de
m osquées et deux ou trois couvens. L es restes d’habitations so n t entourés d’une
quantité de petits jardins plantés de palm iers cultivés par les propriétaires de ces
deux villages [1 4 6 ]; O n est frappé du contraste de cette verdure avec le sol aride
des décom bres, avec ces deux m ontagnes de poussière et de terres rappo rtées, l’une
a gauche et 1 autre à dro ite de la ville, ainsi qu’avec ces énorm es tours et ces hautes
m urailles en lambeaux. U ne im age continuelle de d e stru ctio n , qui semble vous
poursuivre, fatigue l’oeil et attriste l’ame. L ’am oncellem ent successif de tous ces
débris a élevé toute la surface du terrain ; on l’exploite et on le reto u rn e sans
cesse dans tous les seps, p o u r construire ou o rn er la ville m o d e rn e , o u po u r
découvrir des antiquités à vendre; on y trouve des scories qui in diquent qu’on
y a fait des fours à chaux, et c’est avec les beaux fragm ens d ’antiquités en m arbre
et en pierre calcaire qu on les alim entoit. L a ville Sarrasine co n tien t en co re, en
effet, une foule de débris de m onum ens, su r-tou t beaucoup de piédestaux, de corniches,
de chapiteaux, de bases et de fûts de colonnes. Plusieurs de ces bases, qu’on
a forées, fo rm ent des margelles de puits ou de citern e; des troncs de fû t sciés
servent de m eules de m oulin : nous avons vu u n chef-d’oe uvre de sculpture en
m arbre blanc em ployé com m e m oellon dans un m auvais m ur. O n trouv e parto
u t, et principalem ent dans les m onticules de décom bres grands et p etits, beaucoup
de têts de vases de terre. L eu r quantité prodigieuse est fo rt difficile à
expliquer : ne po urro it-on pas, par cette raison, supposer qu’une partie pro v ien t
de la décom p osition des m ortiers de béto n et de rem plissage, dans lesquels on
sait que les anciens en faisoient en trer une certaine quantité! Il est singulier, au
reste, que cette frêle espèce de débris soit presque la seule qui ait parfaitem ent
résisté à l’action du clim at, qui ronge les m atériaux les plus durs et les plus p récieux
d o n t avoient été form és les m onum ens d ’A lexandrie [1 4 7 ].
L ’enceinte A rabe renferm e des antiquités rem arquables enco re d eb o u t, les fo n dations
de quelques édifices fam eux, e t les em placem ens de plusieurs autres que
nous exam inerons dans les articles suivans.
A N C I E N N E B A S I L I Q U E D I T E D E S S E P T A N T E [ 1 4 8 ] ,
O U M O S Q U É E D E S M I L L E C O L O N N E S .
A pres etre en tre par la p o rte m o d ern e dite d e s C a ta c om b e s , on trouve im m édiatem
ent à gauche un édifice carré qui est une m osquée qu’on a désignée sous
le nom de m o sq u ée d e s m ille C o lo n n e s ou d e s S e p ta n te . C e plan ( i ), par sa beauté,
sa g rand eur, sa p u reté, a tous les caractères de l’antiquité ; de plus, la m atière de
1 édifice, c est-a-dire, cette belle forêt de colonnes qu’on y rem arque et qui dom ine
(i) Voyez planche 3 7 , A. vol. V •
A. D . L a