fournissent aussi matière à quelques rapprochemens sous le rapport de l’art. J’ai dit
que le chapiteau des colonnes avoit de l’analogie avec celui des colonnes d’un
temple de Thoricion (i). C ’est en effet la même proportion, le même profil.
Dans l’un et dans l’autre, il y a un filet carré sous le tailloir ; au-dessous est une
partie purement conique, et des listels ou filets en retraite la joignent au fût. mais
ceux-ci ont une courbure, et à Antinoé ils sont absolument carrés. Comme,
sous Adrien, Icpoque du style Dorique Grec étoit déjà fort ancienne, et l'emploi
de ce style presque tombé en désuétude, on avoit sans doute perdu la tradition
des belles formes, et le caractère s’étoit altéré. Ce qui distingue ce chapiteau de
ceux des temples de Minerve, des Propylées et des temples de Délos et d’Agri-
gente, c’est que les moulures ou listels, dans ceux-ci, appartiennent au corps
même du chapiteau, tandis qu’à Antinoé ( et c’est la même chose dans presque
tous ceux de Pæstum ou Posidonia ) ils appartiennent plutôt au fût, ou bien le
séparent du chapiteau. Au reste, le chapiteau Dorique Romain du théâtre de
Marcellus, avec trois annelets ou listels placés entre le quart de rond et le fût,
ne diffère guère de celui d’Antinoé que par ce quart de rond, au lieu d’un cône
renversé.
Comme j’ai déjà eu occasion de comparer l’hippodrome à des monumens
du même genre, je ne ferai pas ici d autres rapprochemens entre cet édifice et
les autres, et je terminerai ce paragraphe par quelques nouvelles remarques sur
l’arc de triomphe d’Antinoé. Ce qui le caractérisé particuliei ement, ce sont les
trois arcs si élancés du milieu et des côtés, et le fronton qui occupe toute la
largeur.
Aucun édifice ne se rapproche autant de celui-ci pour le caractère de l’élévation
que l’arc de Marius à Orange, plus pur d’ailleurs pour le style: mais celui d’An-
tinoé diffère, t p a r les fenêtres placées au-dessus des petits arcs, là où, dans l’arc
de Marius, il y a des trophées; 2.0 par le fronton, qui a la largeur du bâtiment
entier, au lieu de s’appuyer sur le grand arc seulement; 3.° enfin par les colonnes
basses et isolées, tandis quà Orange elles sont engagées et s’élèvent jusqu’à l’entablement.
' . -
Quoique le haut du bâtiment soit un peu ruiné, on voit aisément qu’il n a
jamais eu d’attique comme l’arc de Marius ; et 1 on n a aucune raison de croire qu il
y ait eu au sommet un char triomphal.
Le plan de l’arc d’Antinoé l’éloigne aussi de tous les autres connus : celui qui
s’en écarte le moins soüs ce rapport, est l’arc de Septime-Sévère, auquel il ne
manque que deux issues pour avoir la même disposition. Dans l’arc de Septime,
dans celui de Constantin, les colonnes sont isolées des façades comme à Antinoé.
Au reste, il n’y a à Rome que ces deux arcs de triomphe qui soient percés de
trois portes. *
La façade de l’arc d’Antinoé est plus petite que celles des arcs de Marius, de
Septime-Sévère et de Constantin : mais elle l’emporte de beaucoup sur les dimensions
de ceux d’Adrien, de Trajan à Bénevent, de .Titus, &c. ; elle est de la meme
(1) Voyez 11 .Parallèle des édifices anciens et modernes, par Durand, pl. dj.
grandeur que la façade de la porte Saint-Martin à Paris. Quant à sa profondeur,
qui a environ dix mètres et demi, elle est plus grande que dans aucun arc connu.
L e monument d Antinoé est à peu près double, dans cette dimension, des arcs
de Marius et de Septime, et de la porte' Saint-Martin. Les issues latérales qui
sont pratiquées, dans cette épaisseur, ajoutent beaucoup à la magnificence du
monument.
§. XII.
De la Ville Egyptienne appelée Besa, et des Ruines environnantes.
L e sol qu’Adrien choisit pour bâtir Antinoé, avoit été celui d’une ancienne
ville Égyptienne. De son temps, elle étoit tombée en ruine, et peut-être lui
fournit-elle des matériaux. L ’emplacement de Besa paroît avoir été au pied de la
montagne et au nord de la ville Romaine. Ce qui me le fait penser, c’est qu’on y
trouve quantité de murs et de constructions en briques ruinées, cuites au soleil, et
d’une grande épaisseur, telles que les muraillès Égyptiennes: on voit encore de
ce côté une espèce de rue sur laquelle s’aligne la porte du nord-ouest de la ville
Romaine. Le champ cultivé qui est au-delà, vers le Nil, a probablement appartenu
à l’enceinte de Besa, qui, en tout, n’occupoit pas la moitié de l’emplacement
d’Antinoé. En outre, il y a au nord-est une enceinte e,n briques solides, qui
enferme ces ruines, et qui se rattache à celle de la ville d’Adrien: elle est fort
anguleuse; on remarque plusieurs tourelles dans son développement (1).
Malgré la vraisemblance de cette conjecture, je dois observer que les Romains
ont laissé des constructions en briques crues, semblables à celles des Égyptiens
pour la' pose dés matériaux, quoique moins épaisses; il se pourroit donc que les
murailles que j’ai décrites fussent d’ouvrage Romain. Il n’existe pas assez de traces
certaines d’un travail Égyptien pour fixer avec précision l’emplacement de Besa :
mais il n’y a aucune apparence que cette ville fût au midi d’Antinoé ; dans ce
dernier endroit a existé une ville Chrétienne, dont nous parlerons plus tard (2).
Besa est le nom d’une très-ancienne divinité de l’Egypte, quirendoit des oracles
célèbres dans la ville d’Abydus, ainsi que nous l’apprend Ammien Marcellin (31. Il
est encore question, dans Eusèbe, du dieu Besa (4 ). Il n’est pas douteux qu’An-
tinoé n'ait été bâtie dans le même local que la ville consacrée à ce dieu, puisqu’elle
a porté, selon Photius, le nom de Besantinoé (y), nom évidemment composé de
Besa et d’Antinous. C’est ainsi qu’on voit beaucoup de noms formés de ceux de
deux divinités Égyptiennes, comme Sarabamoun ou Serapammon, Hermanubis,
(1) Voye^ pl. 5 4 » fi g. 1. On a oublié d’indiquer dans (4) 'O arJ'ptiom'nç ¿ a A s « Oiï Bïiottç. ( Dionys.
la gravure les petites tourelles rondes situées aux angles■ Alex, apud Euseb. /. v i , c. qi.) ■
d’une des faces de l’enceinte, plus modernes sans doute (5) Photius, Biblioth. cod. 279. Helladius, dit-il, étoit
que les ruines. Égyptien de nation, et de la ville d’Antinoüs, ou, comme
(2)' Voyeç'.ci-dessous, pag. 38. il l’écrivoit lui-même, Besantinoiis. Voyez Jablonski,
(3) J’ai déjà cité ce passage d’Ammièn dans la Des- Panthéon Ægypt. pag. 201, part. 3.
cription d’Abydus. Voyez A. D . chap. X I , pag. 6,