
jumeaux. Les faces de leurs pyramidions sont sculptées : dans l’un, ce sont des
dessins d’ornement du genre des étrusques, mais qui peuvent être hiéroglyphiques,
puisque nous les retrouvons dans la suite des inscriptions des deux obélisques;
dans l’autre, ce sont des scènes religieuses ( i ). Ils ont tous les deux trois rangées
longitudinales de sculptures qui se correspondent encore de l’un à l’autre dans la
distribution des masses ou des cadres. Souvent même ce ne sont pas seulement
ces masses ou groupes, mais les individus mêmes, qui se ressemblent. C ’est surtout
dans l’ordre horizontal que ces espèces de phrases ou tableaux se répondent
bien d’un monolithe à l’autre. Immédiatement au-dessous des deux pyramidions,
on remarque par-tout trois éperviers coiffés de la même manière; au-dessous
encore, trois cadres parallélogrammiques, où le taureau, la charrue, et Osiris,
Horus, ou différentes figures de dieux assises et ayant des têtes diverses, jouent
un rôle presque semblable; ensuite trois masses d’étrusques; puis trois scarabées
aux ailes déployées et semblables, entremêlés de bâtons auguraux ou d’épées; après
cela, par-tout six demi-lunes ou hémisphères: au-dessous, les trois cadres oblongs
se répètent horizontalement, mais arrondis par les angles, et les quatre des bords
de chaque face se ressemblent mot h mot, si je puis m’exprimer ainsi. Ensuite la
ressemblance des groupes ou des détails dans le sens horizontal commence à se
perdre. On la retrouve cependant, un peu plus bas, dans les quatre cadres parallélogrammiques
arrondis et externes qu’on rencontre les premiers en descendant ;
puis encore, dans les deux rangs suivans de même espèce vers la base.
On voit que le premier tiers de la longueur des deux obélisques est presque
absolument semblable pour le sens, et qu’il l’est sans doute complètement pour le
sujet général du discours.
Maintenant on pourroit faire des observations analogues entre les deux faces
dessinées de chaque obélisque séparément, puis entre les trois zones verticales d'une
seule face, observées chacune d’abord en descendant et ensuite transversalement, et
l’on y trouveroit sans doute beaucoup plus de choses : mais il suffit d’avoir mis le
lecteur sur la voie. On peut toujours tirer du coup-d’oeil que nous venons de
jeter, ce résultat général, que la symétrie des masses diminue en descendant, et à
mesure qu’on passe des deux obélisques à un seul ; de ses quatre faces examinées
horizontalement,à deux; de deux à une; des deux rangs longitudinaux extrêmes de
la même face, comparés entre eux, à ces deux mêmes rangs pris ensemble et confrontés
avec celui du milieu. Enfin la variété des détails augmente dans le même
ordre et jusque dans la même colonne; c’est-à-dire que lorsqu’il y a plusieurs objets
semblables ou analogues entre eux qui se trouvent rapprochés, c’est dans le sens
horizontal que la similitude ou l’analogie règne. II me paroît évident aussi, d’après
les encadremens des petits tableaux, l’enchaînement de plusieurs objets dans le sens
vertical, leur défaut de suite numérique tlans le sens horizontal, et l’aspect général
du dessin, que ces sortes d’inscriptions se lisoient par colonne en descendant ;
qu’on pouvoit bien établir en même temps un certain rapport momentané intuitif
(i) Cette gravure des pyracnidions, et sur-tout des ne l’avons pas ob crvée sur les autres obélisques, dont
tableaux d’offrande.«, est une chose remarquable : nous les pyramidions sont ordinairement unis.
ou de symetrie entre plusieurs masses prises horizontalement, et sur-tout entre les
deux cadres coirespondans des zones externes, mais que, même dans un groupe
pris à part, on lisoitpresque toujours en descendant [y 4],
Ces lésultats généraux s accordent avec la marche de l’esprit humain dans toute
composition ou classification d’objets. Pour rendre cette observation plus sensible,
je vais en faire une explication hypothétique. Je suppose que, sur les deux
obélisques, on ait voulu traiter un sujet religieux et astronomique ; le culte du
Soleil, ou un hommage à Osiris, &c. Les deux monolithes forment ensemble le
livie. Chacun deux, pris séparément, en est un grand chapitre, divisé en quatre
parties principales qui correspondent au nombre des faces. Chacune de ces parties
est subdivisée en trois colonnes, dont les deux extrêmes ont entre elles un rapport
de symétrie plus particulier que celui qu’elles ont avec la bande intermédiaire.-
Enfin ces bandes se partagent en cadres ou groupes semblables à des paragraphes
de cette quatrième subdivision de l’ouvrage; les groupes se subdivisent eux-mêmes
ensuite en autant, d idées qu’il y a d’emblèmes, ou en autant de membres de phrase
quil y a d emblèmes collectifs, et en autant de signes d’idées ou de mots qu’il y a
de caractères hiéroglyphiques [75 1.
Les auteurs de cette espèce de livre ont établi une telle harmonie dans la distribution
des matières comprises dans les divers chapitres, divisions et subdivisions,
quil en résulte aux yeux cette symétrie de dessin que j’ai fait remarquer dans
l’ordre horizontal.
On conçoit bien maintenant comment, avec du soin et l’esprit d’ordre et d’analyse
si remarquables parmi les anciens Égyptiens ( 1 ), les prêtres, les savans et les
sculpteurs eux-mêmes pouvoient s’entendre pour former ces espèces de tableaux
synoptiques qu’ils rendoient symétriques jusque dans l’étendue des idées et du
discours, et conséquemment dans le dessin des emblèmes. On conçoit encore
comment ils pouvoient appliquer un semblable système de distribution méthodique,
non-seulement à la religion, à l’astronomie, mais encore à toute autre
théorie ; a la morale, la législation, la médecine, et même à une classification d’histoire
naturelle ou de bibliothèque, &c. Mais ici je crois que le sujet de l’ouvrage
est particulièrement astronomique et religieux, lie à lagriculture, et par conséquent
aussi au régime du N il. Les éperviers, les scarabées,le taureau, les gémeaux, le
sphinx, le cynocéphale, la lune ou la terre, le phallus ou le signe de la génération,
les instrumens aratoires, 1 embleme de leau, le lotus, le crocodile, l’ibis, le canard,
le serpent, & c., semblent 1 indiquer assez clairement. La division des légendes
de chaque obélisque sur quatre faces et en douze bandes pourroit bien aussi avoir
quelque rapport aux quatre saisons et aux douze mois de l’année.
Si tous les signes ctoient tellement bien dessinés, et les objets usuels qu’ils représentent
tellement connus de nous, que nous pussions les nommer, je présume
qu au moyen des observations que je viens de faire, on pourroit lire ces vingt-quatre
(1) La belle régularité de leurs plans d'architeclttre, esprit méthodique parmi les anistes comme parmi les
la distribution de leurs ornemens et sculptures, Pexécu- autres Égyptiens,
lion technique des figures elles- mêmes, tout prouve cet
!