
D IV IS IO N D E L A D E S C R I P T IO N .
Le coup-d’ceii qu’on vient de jeter sur tout cet ensemble, fournit une division
naturelle et méthodique de la description détaillée que nous avons à faire, en
deux sections principales : t.° la ville; z.° ses environs. Nous y observerons la
même marche qu’on vient de suivre dans cet aperçu générai des ruines.
S E C T IO N PREMIÈRE.
V ille d ’Alexandrie.
P o u r suivre avec une entière clarté la description des antiquités de la ville,
jl faut considérer alternativement le plan particulier qui montre les ruines qu’on
trouve maintenant sur le sol de l’ancienne cité ( i ); la carte générale que-nous
venons de parcourir, et sur laquelle on a indiqué en partie ce que ces restes
furent autrefois; enfin le dessin intitulé Alexandrin restituta (2), dans lequel nous
avons tâché de mettre chaque monument à sa place, d’après l’examen des vestiges
comparés aux témoignages des auteurs anciens, afin de donner une image la plus
fidèle possible d’Alexandrie dans les temps de sa splendeur.
On doit comprendre dans la surface de la ville antique, dont nous avons fait
apercevoir les contours ( entre la mer, Nicopolis, Eleusine, le lac Mareotis et
Necropo/is), la presqu’île du Phare, les ports, et l'intervalle qui les séparait autrefois
comme aujourd’hui. Ces quatre objets principaux faisoient essentiellement
partie de l’ancienne Alexandrie, ou des établissemens qui en dépendoient, et
auxquels elle devoit sa première existence. Leur réunion forme la partie maritime
de cette ville, ou le S. I." de cette section ; la partie intérieure formera le S. II.
§. I."
Partie maritime.
R H A C O T I S E T A U T R E S Q U A R T I E R S .
U n des premiers objets qu’on a pu remarquer en entrant dans Alexandrie par
le port Eunoste, est un monticule très-élevé qui le domine, ainsi que tout le territoire
environnant. C ’est aussi ce point qui fut le premier distingué dans tous
les temps, le plus anciennement occupé, et comme le noyau de la ville dA -
lexandre. Il est naturel de commencer par-là cette description ; l’ordre géographique
et l’ordre chronologique sont ici d’accord.
On ne trouve point de ruines antiques sur cette espèce de montagne, parce
qu elle a été recouverte de décombres dans les temps modernes [4 ]. Il est vraisemblable
cependant qu’on pourroit y en découvrir quelques-unes, si 1 on par-
venoit jusqu’à l’ancien sol ; car il n’est pas douteux que ce ne fût là le quartier
( 1 ) Voyez É. M . vol. I I , pl. S;. (2) Voyez A . vol. V , pl. i* .
appelé Rhacotis, qui, suivant Strabon, dominoit [5 } les. arsenaux. Or nous verrons
quil y avoit des arsenaux, de part et d’autre de ce point, dans chacun des
deux ports.
Le même auteur ( 1 ) raconte que « les anciens rois d’Égypte, contens de leur
» bien-être, et désirant peu l’importation des produits du dehors, avoient la plus
» grande aversion pour tous les marins étrangers, sur-tout pour les Grecs, que
» la misère de leur pays portoit à convoiter les richesses des autres contrées et à
» les piller. C ’est pourquoi ils' fortifièrent ces lieux, en y mettant une garnison
» qu’ils logèrent dans un endroit qu’on nommoit Rhacotis, qui fait, dit-il, main-
» tenant partie d’Alexandrie, et qui étoit alors un hameau. »
Indépendamment des décombres qui ont exhaussé cet emplacement, il est très-,
vraisemblable qu’il étoit déjà élevé naturellement, vu le choix qu’on en avoit fait
pour un point de défense. S’il n’a pas été conservé comme forteresse, lors de la
première fondation d’Alexandrie, il a dû successivement se couvrir de bâtiment
civils, et Strabon dit effectivement que ce quartier s’éievoit de son temps au-dessus
de la mer. L ’habitude d’y porter les déblais de la ville moderne vint encore
accroître cette éminence au point où nous la voyons aujourd’hui [ 6 ].
L ’espace qui entourait Rhacotis, « fut confié ( par ces mêmes Pharaons ) à des
» pâtres qui avoient aussi des forces et des moyens pour repousser les étran-
■0 gers (2). » Ainsi ce désert, séparé de l’Égypte, était alors habité, comme le
sont encore de temps en temps les environs d’Alexandrie, par de misérables
tribus [7]. Les moeurs et les habitudes des hommes ont aussi peu changé en Orient
que la nature des choses et des lieux.
Tel étoit donc l’emplacement qu’Alexandre choisit pour y fonder une ville
de toutes pièces, et qu’il reconnut propre à devenir le centre du monde. Les
chétives huttes de Rhacotis devinrent un quartier considérable et brillant d’A lexandrie,
comme Strabon vient de le dire, et qui conserva long-temps son nom.
Ptolémée l’astronome désigne la ville même sous les deux dénominations d’A lexandrie
et de Rhacotis. Tacite nous apprend aussi que le temple de Sérapis fut
bâti dans le quartier qui se nommoit Rhacotis. Jablonski (3) assure que les Égyptiens
indigènes se servirent pendant long-temps de ce dernier nom et font toujours
conservé. Il remarque que les interprètes Qobtes du nouveau Testament,
toutes les fois qu’il est fait mention d’Alexandrie dans le texte Grec, traduisent
ce mot par Rakoti, et que la même chose s’observe dans les livres d’église Qobtes.
Il paraît effectivement qu’il y avoit des quartiers distincts dans Alexandrie, et
qu’ils se désignoient par les cinq premières lettres de l’alphabet, Nous ne pouvons,
sur ce nombre, en marquer que deux avec certitude : celui de Rhacotis,
et le Bruchion, que nous verrons dans la suite. Les deux auteurs Juifs Philon et
Josèphe [8 1 prétendent que les Juifs avoient donné leur nom à deux quartiers
de la ville; mais on n’est certain d’autre chose, sinon qu’une partie de leurs habitations
étoit voisine du bord de la mer et du Bruchion, comme nous aurons
occasion de Je remarquer. Ces divisions d’une si grande ville étoient, au reste,
( 1 ) Strab. Ceogr. l ib. XVI I . (2) Ib id . ( 3 ) P a n th . Æ g y p t . l ib. 1 1 , cap. V.