
Sa séparation d’avec ia branche de Damieue a lieu au-dessous d’Atryb, à quatre-
vingts kilomètres au sud-ouest de Sàn, et ses eaux se jettent dans le lac Menzaleh
à vingt-deux kilomètres au nord-est des ruines. Son cours total, quoiqu’assez
direct, ne laisse pas d'offrir un développement de plus de quinze myriamètres
jusqu’à la bouche d’Omm-fareg.
Si 1 on veut comparer ce premier aperçu de l’état des lieux avec le texte des
traditions, on ne pourra guère douter que le canal de Moueys ne soit l’ancienne
branche Tanitique, et l’on ne pourra s’empêcher de reconnoître dans les ruines de
San celles de l’ancienne Tanis, ville royale sous les Pharaons, dont l’èxistence
remontoit déjà à une assez haute antiquité du temps de Moïse, et qui depuis n’a
manqué ni d’importance ni de quelque célébrité. Nous n’insisterons pas sur les
preuves par lesquelles cette double identité peut être établie ; car elle se trouve
à peu près consacrée par le témoignage unanime des auteurs qui ont traité de
la géographie comparée de la basse Egypte. Nous renverrons aux Mémoires déjà
cités de Malus et du général Andréossy, et à ceux de nos collègues MM. Girard (i)
et du Bois-Aymé (2). La conviction qui naît de leurs travaux s’accroîtra, s’il est
possible, par la connoissance des détails dans lesquels nous allons entrer sur
chaque partie des ruines que nous n’avons fait qu’indiquer.
Le contour irrégulier du sol de la ville est assez exactement de sept mille trois
cent cinquante mètres : sa longueur, du nord au midi, porte deux mille quatre
cent trente mètres ; et sa largeur, dix-sept cent dix mètres. La surface est légèrement
sillonnée par les traces des eaux pluviales qui tombent quelquefois en
hiver. Ces rares averses et les vents régnans tendent sans contredit à niveler le
terrain : mais leur action s’exerce bien insensiblement, et cela est aisé à concevoir;
le sol, tout meuble qu’il est, se trouve arrêté, ou même fixé jusqu’à un certain
point, par les tessons et les fragmens de toute sorte qu’il renferme,-ou dont il
est jonché en une infinité d’endroits.
La partie méridionale des ruines a peu de relief. Les principaux massifs de
décombres occupent la partie septentrionale; ils y sont rangés en forme de circonvallation
autour d’une petite plaine à peu près carrée, et qui peut avoir environ
cinq cents mètres de côté. La grande place dont nous avons déjà fait mention
est prise sur cette plaine, au moyen de l’enceinte en briques crues.
Cette enceinte nous avoitparu régulière et rectangulaire; mais les relèvemens
géométriques de M. Jacotin lui donnent une forme trapézoïdale qui approche
sensiblement de celle d’un parallélogramme un peu obliquangle : le grand côté
moyen a trois cent dix mètres; et le petit côté moyen, deux cent trente : le grand
axe se dirige, à peu de chose près, de l’est à l’ouest. Cette construction est dans
un état de dégradation fort avancé ; on l’escalade aisément en montant sur les
décombres qui masquent les paremens extérieurs et intérieurs. Malgré ce qu’elle
a perdu de sa hauteur, elle s’élève encore à cinq mètres en beaucoup d’endroits.
Il ne nous a pas été possible d’en déterminer exactement l’épaisseur; tout ce
( 0 Hist.nau tom, I I , pag. 343. (2) Antiquités-Alémoires, tom. I , pag. .277 et 291.
qu’on peut dire, c’est qu’à ras de terre elle n’avoit pas moins de six mètres. Les
briques portent quarante-six centimètres sur vingt-deux ; leur- épaisseur est de
quatorze : e lfe se composent de terre du Nil pétrie avec de la paille hachée;
leur juxta-posmon a lieu sans autre intermédiaire qu’un peu de limon d’une pâte
tres-nne. r
Cette maçonnerie grossière, mais qui étoit parfaitement appropriée au climat
contient soixante-onze briques par mètre cube; ce qui fait vingt-un mille cinq
cents milliers de ces briques pour toute l’enceinte, en supposant qu’elle n’ait eu
originairement que cinq mètres de hauteur sur cinq mètres et demi d’épaisseur
moyenne (,). Si l’on considère qu’il falloir extraire l’argile, amener les pailles,pétrir
les mélangés, et mouler soigneusement les pièces; si l’on fait attention aux frais
et aux dechets que le battage, le séchage et le transport de masses aussi fragiles
devoient entramer, et si l’on se représente la main-d’oeuvre que la mise en place
devoir exiger, on pourra estimer qu’un millier de ces briques, tout posé, cor-
respondoit a peu près au travail d’un homme pendant une année. Cette quantité
de travail, dans un pays où les gens du peuple subsistent à si peu de frais, étant
evaluee a cent francs seulement, l’enceinte auroit coûté un peu plus de deux
millions de francs, et il auroit fallu employer trois mille ouvriers pendant sept
ans pour la bâtir. Mais, quel qu’ait été l’objet de cette enceinte, il est peu probable
quon lui ait originairement donné moins de hauteur que d’épaisseur; tout
porte a croire que le pied de la muraille est actuellement enterré dans le sol
environnant. D ’un.autre côté, l’on reconnoît que les parties les plus saillantes'
sont tout aussi dégradées que les autres : d’où l’on peut présumer que l’élévation
de 1 enceinte, avant sa dégradation, excédoit d’une quantité notable celle dont
nous sommes partis dans le calcul précédent, et qu’ainsi il faudroit augmenter
plutôt que diminuer les évaluations approxhnatives de main-d’oeuvre et de dépense
dont nous venons de donner l’aperçu.
L enceinte est tout-à-fait rompue en quatre ou cinq endroits différens. Si l’on
entre par l’ouverture qui partage la face septentrionale, on y trouve, indépendamment
de deux énormes blocs de granit rouge de Syène que la décomposition
spontanée a entièrement défigurés, une statue de femme de la même
matière, et que le temps n’a guère mieux traitée. Cette statue, coiffée en Isis,
ayant les pieds joints, les bras tombans et serrés contre le corps, et portant vingt-
huit décimètres de longueur, se présente couchée de côté sur le sable. Elle a
tout le derrière du corps, ainsi que la plante des pieds et le sommet de la tête,
engages dans une portion du bloc rectangulaire sur lequel elle a été sculptée;
ce qui semble indiquer qu’elle a dû être encastrée debout dans une construction [
et quelle y jouoit Je rôle cie cariatide.
Si 1 on avance ensuite dans l’intérieur de l’enceinte, on reconnoît que la place
est traversée dans sa plus grande longueur, c’est-à-dire, de l’est à l’ouest, par
une belle ligne de débris qui la partage en deux parties, dont l’une est à peu près
(1) Un millier de ces briques tient la place de onze milliers de nos briques de Paris.