
cet édifice. Les deux manières de le prononcer et de l’orthographier lui donnent
aussi deux sens différens. Le nom dé Qasr-Qcroun, qui paroît le véritable, signifie
le palais cornu; et il est probable qu’il vient des quatre pointes avancées que forme
vers les angles , la corniche qui le couronne : en effet, le portique des ruines
d Antinoé a reçu des Arabes le nom d'Abou-l-qeroun, à cause des angles que forment
les tailloirs de ses chapiteaux Corinthiens.
Presque tous les voyageurs et les écrivains qui en ont parlé, ont adopté le nom
de Qasr Qâroun (i), palais de Caron, apparemment à cause d’une fable des Arabes
reçue dans le pays, fable d’ailleurs assez ridicule. Suivant les uns, un homme de
ce nom s établit sur les bords du lac, où il exigeoit, à l’insu du prince, un tribtit
des parens qui alloient enterrer leurs morts de l’autre côté : il gagna de grandes
richesses et construisit ce bâtiment. Suivant d’autres, Caron étoit le nom d’un
homme chargé, suivant les lois du pays, de passer les corps à travers le lac de
Mceris, pour qu’ils fussent ensuite déposés dans des catacombes placées au-delà (2).
Paul Lucas a imaginé'l’existence d’un certain Caron, maître de cette partie de
1 Egypte °ù il y avoit, dit-il, plusieurs villes et trois mille villages, qu’il stérilisa en
la couvrant de sables (3). Il se demande ensuite si ce Caron ne seroit pas celui des
Grecs et des Latins. Jamais les auteurs Grecs, ou Latins n’ont présenté Caron
sous ce rapport. Au reste, quoique la fable du nautonnier infernal soit très-probablement
d’origine Egyptienne, je pense qu’on ne peut en chercher une preuve,
comme 1 ont fait quelques écrivains, dans le nom, mal prononcé, de cet édifice,
qui d’ailleurs n’a jamais été un palais, ni un château, ainsi que l’appellent les
Arabes (4 ).
Il faut donc s’en tenir au premier nom de Qasr-Qeroudfy),.qui est conforme au
génie de la langue Arabe. Le Jac du Fayoum, appelé Birket-Qjroun, aura pris
naturellement le nom d’un édifice qui étoit près de ses bords; peut-être aussi le
doit-il aux deux pointes en croissant que formoient ses extrémités.
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(2) Paul Lucas, y * Voyage, tora. II.
(3) Vansleb parle aussi d’un seigneur Caron, maître
de tout le pays.
(4) Quelle probabilité y a-t-il que les Arabes aient
conservé la tradition de cette fable, quand on sait qu’en
général ils n’ont aucune notion des temps un peu reculés
de l’Egypte; que leurs auteurs attribuent la construction
des pyramides, les uns à Nemrod, les autres à Giân ebn
Giân, souverain du monde avant Adam, et que plusieurs
bâtissent le Kaire six siècles avant le déluge! On peut
apprécier la tradition Arabe sur Caron par ce qu’en dit
un de leurs auteurs, qui le fait cousin - germain de
Moïse. Voyez ' dans les Mémoires de VAcadémie du j
inscriptions, toni. I II, page 6, un extrait des obser- j
vations de Fourmont sur l’enfer .poétique ; et la Biblio- I
theque Orientale de d’Herbelot, pag. 259 et 311.
(j)
SECTION III.
Description des Ruines situées près de la Pyramide
d’Haouârah, considérées comme les restes du Labyrinthe,
et Comparaison de ces Ruines avec les Récits des anciens;
Suivie de la Description de la Pyramide d’el-Lâhoun;
P a r MM. J O M A R D e t C A R I S T IE .
P R E M I È R E P A R T I E .
Description des Lieux.
§. I ."
Ruines situées auprès de la Pyramide.
A deux lieues environ de distance au sud-est de Medynet el-Fayoum, et à
trois quarts de lieue au nord du canal de Joseph, s’élève un plateau très-étendu,
dominant sur toute la province, et se prolongeant à l’est jusqu’en face d’el-
Lâhoun, village situé à l’entrée de la gorge du Fayoum. C ’est à l’angle sud-ouest
de Ce plateau, presque au nord du village d’Haouârah, qu’est bâtie une pyramide
en briques cuites au soleil, semblable à celle d’el-Lâhoun, mais d’une plus grande
dimension. Quand on se fend de BenySoueyf à Medynet el-Fayoum (1), on passe
au pied de celle-ci, et à quinze cents mètres de la première.
Des ruines considérables ont été découvertes au nord et à l’ouest de la pyramide
d’Haouârah : ces ruines, par leur étendue, par leur position et par la nature
des vestiges qui subsistent, appartiennent incontestablement au fameux labyrinthe;
cest ce que démontrera la description que nous allons en faire, comparée à celles
qu ont données les anciens. Ainsi sera résolue, nous l’espérons, la question si
long-temps agitée de l’emplacement du labyrinthe : quant à la question du lac de
Mceris, qui est liée avec la première, il a paru un Mémoire sur ce sujet dans
le tome I.CI des Mémoires d'antiquités (2).
(1) Nous emploierons quelquefois, pour abréger, le (2) Voyez le Mémoire sur le lac de Mceris, A. M .
nom de Médine, au lieu de Medynet el-Fayoum. tom. 1, pag. yp.