a 20 mètres [ 10 toises] de longueur. Je regrette de n’avoir pu faire de fouilles
en cet endroit. Le sommet du couronnement est dégradé, et les faces le sont également
en beaucoup de’ parties. Je ne puis faire aucune autre conjecture, si ce n’est
que ce petit monument étoit réellement une pyramide, mais sans pouvoir assigner
sa destination ( i ). Un peu plus loin est une salle découverte, en partie debout, et
dont le plan est assez remarquable. Ses dimensions sont d’environ 7m8 sur y'"85
[ 24j! sur 18ds] (2). Vis-à-vis, sur le sol de la rue, gisoit un bloc de granit couché,
de 1 mètre [ 3 pieds ] de long sur om67 [ 2 pieds ] en carré. La matière est des
plus belles ; je n’y ai découvert aucune trace de figures ni d’hiéroglyphes. En suivant
la grande rue, toujours vers le Nil, on arrive à un point où les ruines s’écartent
à droite et à gauche : cet espace forme une sorte de triangle alongé dont la base
est le bord du fleuve; c’est une plaine traversée par une dérivation du Nil, sans
aucun indice de ruines. On présume que la ville étoit terminée en cet endroit
par un port demi-circulaire ; aujourd’hui cet espace est à sec et couvert d épines ( 3 ) ,
et le canal y apporte peu d’eau. En même temps qu’il s’est creusé, le sol voisin s’est
élevé par les alluvions du Nil et par les sables que les vents y ont chariés, de manière
que l’inondation n’y atteint plus dans les crues ordinaires.
Le village actuel, comme on l’a vu, a retenu parfaitement le nom antique; il
est assez peuplé et gouverné par trois cheykhs : on y voit une mosquée à minaret.
Il est infesté d’une grande quantité de renards, qui ont leurs repaires dans les décombres.
La quantité considérable des agates et des petits cailloux qu’on y trouve
mérite d’être remarquée : comme j’ai rencontré la même chose dans les ruines des
anciennes villes, et que ces cailloux sont précisément les mêmes que ceux qu’on
voit à la surface du désert, c’est-à-dire , des quartz roulés, colorés, transparens,
opaques, Sic., on pourrait en tirer une conséquence intéressante, savoir, que
les lieux d’habitation ont été établis ou ont pris naissance dans le désert même,
ou bien qu’on a exhaussé le sol par les sables apportés du désert. C ’est pour
cela que , lorsqu’on pratique des fouilles profondes, ces fouilles font reparoître
les cailloux.
Sur le bord du Nil, entre Benhâ et les ruines, sont des tours en briques cuites,
dont le plan est elliptique et de 8 mètres sur 4 mètres [ 4 toises sur 2 toises ]. Pour
en comprendre l’usage, il faut les comparer à des puisards absolument semblables
pour la forme et la construction, que j’ai vus en d’autres endroits dans l’intérieur
des terres. L’eau du Nil entre par des ouvertures étroites, et de là on l’élève au
moyen des roues à pots.
A l’extrémité nord des ruines, sur le Nil, est une grande construction, ouvrage
antique, parfaitement exécuté avec un excellent ciment, et en briques cuites qui
ont été disposées en assises régulières. Elle a sur le Nil deux pans, ou faces à angles
très-obtus, l’une d’environ 20 mètres [ 1 o toises], et l’autre de 14 mètres [ 7 toises].
On distingue dans chaque face trois arcades en plein cintre, également en briques,
et qui portent le poids supérieur. Je ne doute point que cet ouvrage d art, qui se
rattachoit peut-être à un système de quai, n’appartienne à l’antiquité. Un pan de
( i ) V oye z pl. 2 7 , Ant. vol. V , f ig .J j +■ ( 2 ) Ibià.fig. 3 , y , 6. ( 3 ) Hedysarum alhagi, ibid. fig. j .
U
muraille étant tombe, a ete reconstruit, ou plutôt remplacé par un mur en
briques, assez bien fait lui-même, mais avec un ciment différent, et d’un travail
qui est loin d’égaler l’exécution du reste. Dans celui-ci, on reconnoît la main des
Arabes, et dans 1 autre, celle des anciens. A u reste, cette digue a aussi l’aspect
d’une construction propre à la défense. Les modernes y ont établi une roue a
pots (t).
En suivant les ruines le long du fleuve, on remarque une autre partie d’enceinte
aussi revêtue et en formé de quai, depuis levasement des ruines jusqu’à
l’angle sud-ouest. Elle est très-solide, quoiqu’on l’ait bâtie en briques crues, et
que, tous les ans, elle supporte le poids d’une masse d’eau énorme avec l’action
d un courant rapide : c est ce qu’on voit d’ailleurs aux ruines de Thèbes, à
Louqsor. Peut-être ce quai fait-il ici, comme à Thèbes, fonction d’éperon, tant
pour soutenir les eaux que pour diriger le courant (2). II paraît, d’après ces
vestiges, que, dans cette partie de son cours, le Nil coule dans le même lit
qu’autrefois.
On ne fait plus de fouilles depuis long-temps dans les ruines d’Athribis; c’est
du moins ce que m’ont assuré le cheykh et différens habitans, et c’est par le
motif que les dernières avoient été infructueuses. Cependant il est difficile de
croire qu on ny trouvât pas, si I on cherchoit avec soin, des fragmens, des vases,
des médaillés particulièrement de nome, et d’autres antiques. Quant aux monumens
en pierre, si aujourdhui Ion n’en voit pas, pour ainsi dire, de traces,
pas même les matières dont on les avoit construits, il ne faut pas en être surpris,
èn songeant avec quel acharnement les habitans modernes ont converti en
chaux tout le marbre et la pierre calcaire qu’ils ont trouvés dans les villes anciennes.
On sait qu’en Egypte, et sur tout dans la basse, les restes de l’antiquité
les seuls ou les mieux conservés sont ceux qui sont éloignés des habitations
actuelles. La raison en est que le transport des pierres volumineuses, qui n’étoit
qu’un jeu pour les anciens Égyptiens, est un obstacle trop difficile à vaincre
pour leurs apathiques et ignorans successeurs.
Les restes aujouidhui visibles d Athribis ne peuvent se comparer, même pour
I étendue, aux villes de la haute Egypte ; cependant je crois qu’ils méritent de
fixer l’attention des voyageurs à venir, tant sous le rapport des fouilles qu’il
reste à faire afin d’y trouver des fragmens d’antiquité, que pour éclaircir l’histoire
dune ville qui paraît avoir joué un rôle de quelque importance pendant une
assez longue suite de siècles.
Dans le chapitre X X ci-dessus, j’ai parlé de la branche Athribitique et de la
branche Busiritique , qui forment en grande partie le nome d’Atryb. Il suffira
donc ici de dire qu’une ligne dirigée de Benhâ el-A’sel à Chybin el-Qanâter ( la
meme qui divise encore la province de Charqyeh de celle du Kaire ) limitoit
cette ancienne piefecture au sud-ouest, et le Busiritïcus fiuvius de Ptolémée à
lest, jusqua el-Tybeh LcijJI. La limite à l’ouest est une ligne oblique d’el-Tybeh
(1) Voy. pl. 27, Ant. vol. V , fig. f , p. Dans la v u e , on a supposé la constructio n baignée par les hautes e aux du Ni l .
(2) Ib jd. f i g .y .