L a hauteur apparente est d’environ douze mètres (*) avec le soubassement ; mais
il est impossible d’en juger exactement, les sables s’étant accumulés contre la construction
et élevés dans beaucoup d’endroits jusqu’au sommet. L ’axe de l’édifice est
dirigé sur le grand quadrivium d Antinoé.
Entre l’épine et le pied de l’amphithéâtre, il y a un espace large de plus de vingt-
six mètres : ainsi dix chars auraient pu aisément passer de front. Ce monument,
quoique très-grand, le cède en étendue aux grands cirques de Rome, puisque ceux
de Caracalla et de Romulus avoient environ quatre cents mètres. La proportion
de la longueur à la largeur, dans celui d’Antinoé, est d’environ 4 à i : ce n’est pas
non plus la même que celle des cirques de Rome, qui est ordinairement de s à i.
On sait que le Circus maximus fut orné d’un obélisque par ordre d’Auguste.
A Antinoé, il eût été plus facile d’amener un des obélisques de la haute Egypte : il
est possible qu’Adrien ait aussi érigé, dans son hippodrome, une de ces magnifiques
aiguilles ; mais je n’ai vu aucune trace d’un pareil travail.
Les dimensions de l’hippodrome présentent, avec lés mesures Egyptiennes, des
rapprochemens dignes d’attention. La longueur totale est de mille pieds Égyptiens
ou dix plèthrcs': la longueur de l’épine a sept cent cinquante pieds ; sa largeur
vingt ; et celle du cippe demi-circulaire qui est à l’extrcmité, quarante. Le commencement
de l’épine est éloigné de l’entrée dé ¡ hippodrome de cent pieds ou
un plèthre. Entre son extrémité et le fond du cirque, il y a cent vingt pieds. L ’ouverture
du cirque a cent quatre-vingt-dix pieds, et sa largeur totale, deux cent
cinquante, ou le quart juste de la longueur totale (i). Il est évident que ces rapports
exacts ne sont pas fortuits, et l’on doit conclure que des artistes Égyptiens, habitués
à l’emploi des mesures Egyptiennes, ont tracé le plan de cet édifice.
Il est sur-tout bien remarquable que la longueur de l’épine est égale à la base
de la grande pyramide de Memphis (2). Je ne doute pas qu’A drien, curieux des
antiquités Égyptiennes (3 ) , ne se soit plu à consacrer ainsi, dans un monument
qui lui étoit propre, des mesures qui rappellent les ouvrages et les institutions de
ce peuple célèbre. Au reste, ces mesures sont les mêmes que celles des Grecs:
le pied de XHecatompedon étoit le même que le pied Égyptien (4 ).
Ebn-Maqryzy offre un passage curieux au sujet de ce monument. « La ville
» d’Antinoé, dit-il, est une des plus considérables du SaVch on y voyoit un cirque
33 qui servoit, dit-on, de Nilomètre ; il étoit entouré de colonnes de granit rouge
33 qui étoient éloignées les unes des autres de l’intervalle d’un pas, et dont le nombre
33 égaloit celui des jours de l’année solaire ( y ). 33
( * ) La figure iy , planche 60, porte, par erreur, 4m
au lieu de 12m.
(1) Voyez la planche 60, fig. ¡6 , A . vol. IV , et l'explication
des planches. Voyez, aussi mon Mémoire sur le
système métrique des anciens Egyptiens, chap. IV, §. V ,
A . M . tom. I , pag. j jj .
(2) La mesure prise au-dessus du socle de la pyramide
est de 230m,9 (voyez le mém. cité ci-dessus, chap. III,
$. 1 " ) . L’épine du cirque en a 230; les neuf décimètres
qui manquent font une différence presque insensible
de tyû *Iu*on peut attribuer au mesurage, autant qu'à
l'erreur de construction.
(3) Ce prince étoit excessivement curieux de toutes
les choses merveilleuses. . . ‘AJ'pictvoç ntfï-myt. Ttunmr td
yne/tpyn mAv'opayu.oycar. . . Adrianus quanquam curiosi-
tatum omnium explorator, (Niceph. Callist. H ¡st. eccles.
lib. IV, cap. 2. )
(4) Voye^ le mémoire cité ci-dessus.
(î) V°ye& les Mémoires géographiques sur l'Egypte
par M. Etienne Quatremére.
Quant
Quant au Nilomètre prétendu, il est à peu près certain qu’il n’a jamais existé dans
le cirque, puisque le niveau de celui-ci, aujourd’hui supérieur au niveau du Nil,
l’étoit encore davantage dans les temps anciens. J’ai été curieux de calculer quel
étoit l’intervalle qui devoit séparer lés colonnes d’après le passage de Maqryzy : j’ai
trouvé le circuit intérieur de six cent huit mètres ; en divisant ce nombre par 3 6<,
on trouve 1 m,6y pour l’entre-colonnement d’axe en axe ; et si l’on suppose lés
colonnes grosses de om,9, la distance entre deux étoit om,7 7, ou le pas simple de
Héron et de S. Épiphane. On pourrait faire encore d’autres suppositions (1). Quoi
qu’il en soit, cette immense colonnade en granit devoit produire un effet admirable.
On est étonné de ne pas voir une seule des colonnes en place, bien que le
temps, d’une part, et, de l’autre, les sables amoncelés contre l'édifice aient pu les
faire disparaître.
D’après le rapport des auteurs, on célébrait des jeux gymniques à’ Antinoé :
Tv/WUKOi ¿ y à v h 7 ? ’AïTi'roû) êmiiXeiTUi (¿ ). ‘A n i t p e r ou x * j ¿ y à v ’¿ y t la f ’Av-uyoeiof 0 xa t
tp *>Sv >ivoVsrov (3). Dans S. Jérôme, on trouve le passage suivant : « Ils ont élevé
33 aux morts des tombeaux et des temples, et nous voyons encore aujourd’hui
33 qu AntinoUs, favori d’Adrien-César, reçoit des honneurs dans la ville qui a été
33 fondée sous son nom, quon y célèbre des jeux gymniques, et que cet empereur
33 lui a consacre un temple avec des prophètes (4 )* ” L ’hippodrome et le monument
du sud étoient les théâtres de ces jeux, qui consistoient probablement en
combats, en luttes de toute espèce, en courses de chars et de chevaux. Au reste, il
seroit difficile d’établir sur ce sujet une conjecture certaine, les historiens ne nous
ayant transmis aucun détail.
§. V I I I .
Des Colonnades et des Rues principales d’Antinoé ; Statue d’Antinoüs.
D e toutes les rues qui divisoient la ville d’Antinoé en ses différens quartiers,
il n y en a que deux qui soient aujourd’hui bien distinctes : l’une, qui est longitudinale,
se rend du théâtre a la porte du nord-ouest ; l’autre , transversale, va
de lare de triomphe a la porte de l’est. Elles sont aujourd’hui presque nettes
ou peu encombrées; 1 une et l’autre étoient d’immenses colonnades : par-tout où
il n y a point de temples ou de monumens sur le bord de ces rues, on trouve
une rangée de colonnes de 1 ordre Dorique Ç re c , la plupart tronquées comme
des bornes ou même jusqu’à la base. Ces colonnes sont d’une proportion médiocre
¡mais leur multitude devoit produire un effet pour ainsi dire magique,
sur-tout si elles étoient toutes, comme on le pense, ornées de statues. Leur lar-
(0 Voyez le Mémoire sur le système métrique des anciens le même diamètre aux colonnes, la distance entre les
gyptiens, chap. ix , i.re section, A .M . tom. I , pag. 6t+ fûts seroit de om,88 ou 3 pieds Romains.
et 7 * . _ (2) Gymnici ludi in Antinoé celebrantur. (Sophron.)
J ai fait aussi le calcul pour le circuit extérieur ; celui- (3) Antinous : cujus sunt ludi agonales, Antinon dicti, et
ci est de six cent cinquante mètres, et l’intervalle d’une oetate nostrâ acti. ( Niceph. Cail. Hist. eccles. I. Ill,c . 16.)
colonne à l’autre s’en déduiroit de i'»,78. En supposant (4) Hieronym. in Vit. script. eccles.
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