
rocher : il y a de- gros quartiers de pierre qui sont suspendus au-dessus du Nil
sans qu’on puisse reconnoître d’où ils viennent et comment ils demeurent en
place sur une pente aussi escarpée.
Auprès, vers le nord, est une partie très-saillante du rocher, qui paroît avoir
été mise dans cet état par l’exploitation qu’on a pratiquée tout alentour. Ce grand
massif a lui-même été taillé dans l’intérieur; il présente de tous côtés des ouvertures,
et, à une certaine distance, il ressemble à un grand édifice percé de portes
et de fenêtres (i). Le nom qu’on lui donne est Establ A ’ntar (2), c’est-à-dire,
les écuries d 'A ’ntar ; c’est ainsi que les Arabes appellent un prétendu géant de
l’antiquité (3). Ce lieu se nomme aussi Dyotuîn.
Parmi les distributions de cette vaste carrière, on remarque une très-grande
salle à cinq côtés, quia quatre-vingts mètres environ, sur quarante-deux : quatre
piliers seulement la soutiennent; les autres piliers qu’on avoit réservés, se sont il
écroulés. L ’humidité des pluies qui descendent du sommet de la montagne, a I
pénétré jusqu’au ciel de la carrière ; et ce plafond se divise par des fissures qui I
font présumer sa chute prochaine.
Pendant l’inondation, ou après la fin des travaux de la campagne, quelques I
fellâli s’y retirent avec leurs bestiaux : aussi le sol est-il couvert d’excrémens de 11
boeufs, de moutons, de chèvres, &c. Le nom d’Establ reçoit donc encore son I
application. On a voulu, pour un motif semblable, faire un rapprochement entre I
Establ-A 'ntar et Hipponon ; mais cette dernière position étoit à cent vingt mille I
mètres plus au nord.
Au-dessous de ce point, il y a encore d’autres carrières qui annoncent que les
Egyptiens ont fait de grands travaux dans la montagne. Un long mur Égyptien,
en briques d’une grande épaisseur, qu’on trouve près du Nil, et tracé parallèlement
au fleuve, confirme cette idée. Les briques sont énormes, et les habitans disent que
c’est un ouvrage de la plus haute antiquité. Je crois très-probable, quoique la
géographie n’en fasse point mention, qu’il a existé une position ancienne dans cet
endroit ; il est possible que le N il, en abandonnant Meylâouy, et se portant à l’est,
ait détruit les vestiges de cette ancienne ville.
Deyr Anbâ-Bychây (4 ) est le nom d’une grande enceinte renfermant une église
Chrétienne, et située près de Deyr el-Nakhleh, au midi de Deyr Abou-Hennys,
qui touche aux ruines d’Antinoé. A l’est, il y a une très-grande quantité de tombeaux
. C’est là que les Chrétiens de Meylâouy et d’el-Bayâdyeh viennent enterrer
leurs morts.
L ’enceinte a environ soixante-sept mètres sur cinquante-quatre ; elle est très-bien
bâtie. L ’intérieur renferme beaucoup de maisons et des rues alignées ; le monastère
est ancien, et les constructions semblent neuves. L ’église est la plus belle que
j’aie vue dans toute l’Egypte. Son plan ressemble à celui de Deyr Abou-Fâneh; il
(1) Voyez pl. /. constellation céleste, s’appelle Antaris. Mais ce rapport
(2) jXXc J .M de noms est peut-être purement fortuit.
(3) C ’est, dit-on, un surnom de Typhon; or le scor- (4) ^L^oLôlj i )
pion lui étoit consacré, et le coeur du scorpion, dans 1a
est divisé en plusieurs salles : dans celle de gauche est un tombeau. 11 y a encore
une seconde église, où l’on arrive par un escalier.
J’ai vu là quatre à cinq tableaux, un peu moins mal peints que ceux des autres
églises. Dans l’un est le saint du lieu avec son nom écrit en arabe, BâbâBycJiouay ( i ) ;
il pfôrte une longue barbe et un beau costume : la couleur est assez agréable, et
le dessin moins incorrect. Dans l’autre, le même saint porte le nom A’Anbâ
Byclwuay (2). Bycliouay ou Bychây est le nom du saint\Anbâ, ainsi que Bâbâ, signifie
évêque Ou abbé. Un troisième tableau représente S. George à chevai, perçant le
démon de sa lance.
Sur des tablettes attachées à la muraille, je vis plusieurs livres écrits, les uns en
arabe, les autres en qobte, d’autres enfin dans les deux langues. Je fus surpris de
trouver dans cette enceinte un seul prêtre, et plus encore, d’y voir, au lieu d’un
de ces religieux abrutis et d’un extérieur presque repoussant, qui habitent les monastères
d Egypte, un homme plein d’urbanité, même de manières recherchées, et
qui n’étoit point sans quelque instruction : il auroit donné l’idée plutôt d’un abbé
d’Europe que d’un solitaire de la Thébaïde (3).
Derrière Deyr Anbâ-Bycho.uay, est une gorge dont le côté méridional est
rempli de grottes Égyptiennes : les portes sont taillées régulièrement ; l’accès en
est difficile, et je n’ai pas eu le loisir de visiter ces catacombes. C ’est probablement
une d elles que le P. Vansleb appelle la grotte hiéroglyphique, bien qu’il l’indique dans
une vallée appelée Ouâdy-Gâmous, que j’avois vue plus-au sud, vers Establ-A’ntar.
Entre l’enceinte appelée Deyr, qui est au nord d’Antinoé (4) , et le village de
Cheykh-Tmây, le Nil est encaissé par la montagne Arabique, ou plutôt par une
chaîne plus basse, haute de cent pieds seulement ; un large plateau, qui a douze
cents mètres, la sépare de la chaîne proprement dite; c’est le chemin des caravanes.
A un certain endroit, la montagne est ouverte en forme d’anse, et les
Égyptiens y ont bâti un mur épais de 1 “ 3, en briques crues, arrangées de
champ et à plat. Une large crevasse par où s’écoule un torrent pendant l’hiver,
et devant laquelle est placée la muraille antique, fait présumer l’origine de celle-ci.
L’anse a vingt-sept mètres de large environ; elle se comble de plus en plus par
les dépôts de limon. Auprès est une excavation , mais qui paroît naturelle. Il
n’y a au loin à Ja ronde aucune espèce d’habitation ( s ).
§. IX.
Environs d ’Hermopolis, Deyr Abou-Fâneh, Èfc.
L a description spéciale que j’ai donnée d’Hermopolis, chef-lieu du nome dont
je m’occupe, me dispense de rien dire ici de ses ruines ; il en est de même de
(1) LL Deyr Anbâ-Bychây, par les manuscrits en qobte qu’ils
. . Hj . . pourraient en rapporter.
V ) . (4) Antinoé et ses environs ont été spécialement dé-'
(3) Les voyageurs qui parcourraient ce quartier reculé crits dans le chapitre précèdent des Descriptions,
de l’Egypte, seraient payés de leur peine, s’ils visitoient (j) Voyez pl. A . vol. V,