centimètres; ce qui donneroit à peu près quinze pieds d’exhaussement du soi de
ia ville en cet endroit depuis dix-huit siècles.
[78] Lorsque Pline dit de l’obélisque de quatre-vingts coudées, sans sculpture,
que Philadelphe erigea à Alexandrie, quil le plaça in Arsinoëo, il faut entendre,
dans un lieu d’Alexandrie consacré à Arsinoé, et non pas dans la ville dlArsinoé
ou Cleopatris, qui etoit sur la mer Rouge, près de Suez ; car cela impliqlieroit contradiction
avec ce que Pline a déjà annoncé de l’érection dans Alexandrie même.
Mon interprétation est plus naturelle que de supposer qu’il y a une lacune dans Ce
passage de Pline, et qu ensuite on exécuta ce genre de transport dont il décrit les
moyens, 1 emploi de deux bateaux accoles, & c., sans parler des canaux de Suez et
peut-etre d Alexandrie, qu il auroit etc nécessaire de traverser. Il n’y a pas de raison
pour supposer non plus que 1 érection eut lieu d’abord dans une autre ville d’Ar-
sinoé ou Crocodilopolis au Fayoum ; et si l’on étoit tenté de croire que l’obélisque
dessiné par M. Caristie sur les ruines de cette seconde ville, est le même que celui
de Pline, parce qu’il manque, comme lui, de pyramidion, je ferois remarquer qu’il
n a que douze mètres soixante-dix centimètres de hauteur, au lieu de. quatre-vingts
coudées, et qu’il a des figures sculptées, au lieu d’être uni. Le reste du récit de Pline
convient également à mon interprétation, lorsqu’il dit : « Mais, comme cet obé-
» lisque genoit le port, un préfet d Egypte, nommé Maxime, le transporta dans
» la place publique, après en avoir fait couper le sommet. Il vouloit y substituer
» un faite doré : ce projet resta sans exécution. » On ne sait ce qu’est devenu cet
obélisque, qui seroit fort reconnoissable à Rome et à Constantinople par l’enlèvement
de son pyramidion. Nous verrons qu’il a pu servir à la fabrication de la
colonne Dioclétienne.
Voilà donc encore un autre renseignement sur les antiquités d’Alexandrie. Il
y avoit un édifice, un temple, un palais, ou simplement un lieu consacré à A r sinoé,
dans les arsenaux, ou » les bords du port, puisque le monolithe y gênoit
le service de la marine; ensuite un obélisque sans sculpture et tronqué fut élevé
sur la place publique de la ville [forum ] .
Il est naturel de supposer que les premières cassures des bases des deux obélisques
ont été faites lorsque les premiers Ptolémées les firent enlever de la haute
Egypte; et voilà pourquoi les entailles carrées sont un peu près de la fin des inscriptions
hiéroglyphiques. Ensuite ils firent bâtir le soubassement que nous voyons,
firent creuser ces entailles, et poser les monolithes sur les supports de métal;
ptiis, dans les ravages qu Alexandrie éprouva, ces obélisques ayant-été renversés,
les Grecs du Bas-Empire ou les Arabes en releverent un sur. son ancien soubassement
, écornèrent sa base par éclats, en faisant disparoître ses cavités angulaires,
de manière à lui donner une forme pyramidale renversée, et à l’envelopper dans
la maçonnerie recente et grossière qu on voit autour. Il reste donc douteux qu'ils
aient relevé celui que nous voyons encore couché.
[79] Plusieurs de ces obélisques quon voyoit à Rome du temps de Pline, s'y
trouvent encore, après avoir ete renversés lors des nombreux saccagemens dé cette
ville, et ensuite relevés ou transplantés par les soins des papes. Ce naturaliste
indique ce qu en avoient fait les divers empereurs, et c’est en les retrouvant dans
certains cmplacemens des ruines de 1 ancienne Rome que les modernes ont conclu
1 origine de chacun d eux. Mitres, Mestrès ou Mesphéès, Sochis f Fîérodote et Dio»
dore n’ont fait mention ni de Mitrès ni de Sochis ), Ramessès, Smarrès, Éraphius,
Nectabis, Sennesertée, Sésostris et Nuncorée, sont les anciens rois d’Égypte que Pline
désigne comme auteurs d’obélisques. Ceux de Smarrès et d’Éphrée ou Éraphius
furent portés par Claude devant le mausolée d’Auguste. L’un est à Sainte-Maric-
Majeure, et l’autre à Monte Cavallo. On trouve dans les légendes un Mesphéès, roi
^Egypte, 1665 ans avant J. C., antérieurement à l’immigration des Éthiopiens.
Les obélisques de Smarrès, Éraphius et Nectabis, étoient, dit Pline, sans hiéroglyphes,
et c’est le dernier, de quatre-vingts coudées de hauteur, que Philadelphe
fit placer à Alexandrie et dédia à Arsinoé; ainsi l’on ne peut le confondre avec
aucun des deux qui y subsistent : mais il ne paroît pas qu’il y en ait eu d’autres que
ces trois dans cette ville. Le seul qui ait été tiré d’Alexandrie même, est celui de
Saint-Jean de Latran dont j’ai parlé. Cependant il est à présumer qu’il n’y fut pas
érigé, mais seulement déposé, puisque, d’abord après Constantin, qui le destinoit
a Byzance, son fils Constance le fit enlever.
[80] Il est probable qu’Auguste, Caligula, dont Pline cite les entreprises pour
1 enlèvement de ces pesans fardeaux, et les autres empereurs qui rivalisèrent ensuite
avec eux, employèrent des moyens analogues à ceux de Philadelphe, pour
les transporter de la haute Egypte ou d’Alexandrie au bord de la mer. On se
servoit ensuite d’un navire fait exprès pour traverser la Méditerranée. Ceux d’Auguste
et de Caligula, dont Pline fait l’histoire, étoient merveilleux (1 ); mais il
est essentiel de remarquer que tout ce qu’il dit après avoir parlé des deux obélisques
d’Alexandrie, se rapporte à la difficulté du transport de ces monolithes
en général, à ces vaisseaux construits exprès, mais non à ces deux obélisques en
particulier. Sans cela, on seroit tenté de croire, comme l’ont fait presque tous les
interprètes, que ce sont ces deux monumens d’Alexandrie dont Auguste transporta
le premier, et Caligula, le second; tandis que Pline continue de dire qu’A u guste
fit placer dans le grand Cirque son obélisque taillé par Sennesertée, et dans
le Champ de Mars, l’autre qui l’avoit été par Sésostris. Or nous avons vu que ce
sont ceux de la place du Peuple et de Monte Citorio. Celui de Caligula ( 2 ) n’étoit
pas non plus un de nos deux monolithes d’Alexandrie, puisque Pline dit plus loin
qu’il étoit placé sur le Vatican, et que nous avons vu qu’il n’avoit point d’hiéroglyphes.
Cette remarque étoit importante à faire pour maintenir toutes celles que
j’ai rassemblées sur l’origine désormais bien certaine des deux obélisques qu’on
trouve encore à Alexandrie.
Du temps de Pline on ne voyoit que ces trois obélisques à Rome. Ce ne fut que
bien long-temps après, que Constance fit transporter celui de Saint-Jean de Latran
dans le grand Cirque, où étoit déjà celui d’Auguste.
(1) Suétone ajoute encore à l’idée qu’en donne Pline, »et qu’on avoit fait enfoncer. Sur cette digue l’élevoit
lorsqu’il dit, dans la Vie de Claude : « Il construisit, à »une tour très-haute, semblable au phare d’Alexandrie.»
» l’entrée du port d’Ostie, une digue établie sur un vais- ( Traduction de La Harpe. )
» seau qui avoit apporté d’Egypte un obélisque immense; (2) Pline décrit aussi le navire qui l’apporta.