
gueur sur cinquante mètres de largeur, les débris de l’un des plus beaux monumetts
de l’architecture Egyptienne. On n’aperçoit d’abord qu’un amas confus de pierres
granitiques de couleurs variées, dont les formes carrées, les angles saillans et les
arêtes vives et bien dressées peuvent seuls faire présumer que ces matériaux ont
été mis en oeuvre; mais, si l’on vient à considérer ces débris de plus près, on
reconnoît bientôt des pierres qui ont appartenu au plafond d’un édifice, des
architraves, des chapiteaux de colonne, des frises, des corniches, et tous les
membres d’architecture d’un temple Égyptien. Nous avons mesuré une pierre de
plafond de trois mètres quarante centimètres de long, un mètre quarante centimètres
de large, et soixante-douze centimètres d’épaisseur. Un scarabée ailé est sculpté
sur une de ses faces, et il n’y a point de doute qu’elle n’ait fait partie du soffitc
de l’entre-colonnement du milieu du portique. Il faut que l’édifice se soit affaissé
sous son propre poids, ou qu’il ait été sapé dans ses fondemens, pour ne présenter
ainsi, dans ses «débris maintenant apparens, que les pierres qui ont fait partie de
sa sommité. Nous avons aperçu les restes de huit chapiteaux, et nous ne doutons
point qu’en faisant des fouilles on n’en trouvât un plus grand nombre. Ils sont
tous composés de têtes d’isis et semblables à ceux du temple de Denderah (i); mais
ils sont moins ornés et d’une proportion beaucoup moins grande. Cette similitude
de forme dans les chapiteaux, l’aspect des autres débris et les sculptures qui les
couvrent, ne laissent aucun doute sur la grande analogie qui devoit exister entre
le temple de Bahbevt et celui de Denderah : c’est pour nous un motif suffisant de
comparer les dimensions de quelques membres d’architecture de ces deux édifices,
afin d’en tirer des conséquences probables sur l’étendue totale du temple, dont il
n’existe plus que des monceaux de ruines. Nous ferons remarquer, par exemple,
que la distance entre les extrémités des oreilles est d’un mètre quarante-six centièmes
dans le chapiteau de Bahbeyt, et de deux mètres huit centièmes dans Je chapiteau
de Denderah ; que le diamètre des colonnes de Denderah est de deux mètres
douze centimètres, et celui des colonnes de Bahbeyt, d’un mètre cinquante-deux
centimètres. Il résulte de là que l’édifice qui a existé autrefois à Bahbeyt étoit construit
sur des dimensions moins grandes que celles du temple de Denderah, dans le
rapport de y à 7. Ainsi la façade de son portique devoit avoir trente mètres
de longueur, et dix-huit mètres de profondeur ; et le reste du temple n’avoit sans
doute pas moins de quarante mètres de long sur vingt-cinq mètres de large. Ces
dimensions s accordent d'ailleurs fort bien avec l’étendue occupée maintenant par
les débris du monument, répandus sur une superficie de quatre-vingts mènes
environ de longueur, et de quarante-cinq à cinquante mètres de largeur.
On voit épars de tous côtés des fragmens couverts d’hiéroglyphes, parmi
lesquels on remarque particulièrement des corniches et des frises richement
sculptées : une de ces corniches a soixante-onze centimètres de hauteur, et la
frise qui est au-dessous a un mètre quatre-vingt-six centimètres. On aperçoit aussi
des blocs de granit où sont pratiqués des soupiraux, à travers lesquels la lumière
arrivoit dans le temple. Chaque soupirail a , dans sa plus grande largeur, un
mètre trente-cinq centimètres. Des portions d’escalier ne sont pas loin de là;
(1) Voyez la planche 29, fig. 2, A vol. V, et le* planches 7 ,9 , 12 ,2 9 « 30 du temple de Denderah, >4 . vo/./K.
plusieuis degres sont tailles dans le même bloc; l’escalier avoit une montée fort
douce ; la forme en étoit la même què dans les temples de la Thébaïdè. La longueùr
des marches est d’un mètre trente-cinq centimètres. Par-tout on remarque avec-
étonnement des surfaces planes exactement dressées, des arêtes vives et droites,
et des sculptures extrêmement soignées ; travail immense, si l’on considère sur tout
la dureté de la pierre.
S’il pouvoit rester quelques doutes sur la destination de l’édifice et sur la divinité
qui y etoit révérée, ils seroient bientôt levés par l’examen attentif des débris que
nous venons de décrire. En effet, les parois tant intérieures qu’extérieures des murs
sont couvertes de sculptures divisées en différentes scènes, comme dans les temples
delà haute Egypte. On y a représenté principalement des offrandes à Isis, dont la
coiffure est formée d un disque enveloppé des cornes du taureau (i). Ges sculptures
sont séparées, en haut et en bas, par des rangées d’étoiles, et, sur les côtés,
par des lignes d hiéroglyphes. Les frises sont également décorées de têtes d’isis,
et il n y a de comparables à leur élégance et à leur richesse que les ornemens
si gracieux des membres d’architecture analogues du grand temple de Denderah.
On retrouve enfin a Bahbeyt, comme à Tentyris, la figure d’isis reproduite partout,
et combinée avec des .ornemens de l’effet le mieux entendu et le plus
agréable.
Les îuines de Bahbeyt nous offroient 1 occasion de vérifier si les anciens Egyptiens
ont employé dans leurs monumens des colonnes de granit d’un seul morceau;
car cest une chose digne de remarque, que, dans la grande quantité de ces
colonnes monolithes que l’on retrouve parmi les ruines antiques, aucune ne porte le
caractère Egyptien (2). La plupart d’enu-e elles ont un astragale, ornement tout-
a-fait inusité dans Iarchitecture de l’Egypte. La colonne d’Alexandrie, que l’on
appelle improprement du nom de Pompée, puisqu’une inscription qu’on lit sur
son fût annonce qu’elle a été érigée en l’honneur de Dioclétien, est elle-même
taillée dans le style Grec ou Romain. Toutes nos recherches dans les ruines de
Bahbeyt nous ont confirmés dans l’opinion que les colonnes du temple d’isis
étoient construites par assises, comme celles en grès ou en pierre de tous les
temples et palais que nous avons vus dans la Thébaïde. Il nous semble que si les
Égyptiens en ont usé ainsi, c’est que, dans leur système d’architecture, ils n’ont
jamais eu lidée de considérer une colonne seule comme formant un monument,
ainsi que cela est arrivé postérieurement dans l’ancienne Rome et dans l’Europe
moderne. Ils ne s en servoient que pour soutenir les architraves et les pierres
énormes qui composoient les plafonds de leurs édifices ; et il est naturel, d!après
cela, quils n y aient point mis le meme luxe que dans l’érection des statues colossales
de leurs divinités, des chapelles où étoient renfermés les objets sacrés de leur
culte, et enfin des obélisques élevés en l’honneur des dieux et des héros, monumens
qui tous étoient monolithes, et pouvoient être en quelque sorte considérés
isolément.
(0 Voyez planche 29, fig. 3, A. vol. V. et dans un grand nombre de mosquées des villes de
(2) Nous avons trouvé de ces sortes de eolonnes à PÉgypte. ( Voyez lei Descriptions des antiquités de ces
Syène, à Hermonthis,à Antinoé, au Kàire, à Alexandrie différons lieux.)
A. D . Ax