ANCIENNE BASILIQUE
‘ VULGAIREMENT. APPELÉE MOSQUÉE DE S AINT-ATH AN ASE.
Nous arrivons à i’édifice vulgairement appelé mosquée de Saint-Athanàsc ( i ). On
l’a rangé parmi les antiquités, quoique, par sa construction extérieure, il soit arabe,
que son usage soit moderne, et qu’il semble conséquemment appartenir à la seconde
partie de l’ouvrage. Mais, d’abord, cette mosquée est composée, comme
celle des mille Colonnes, de beaucoup de matériaux antiques et précieux; elle
renfermoit notamment un sarcophage qui est le plus beau monument connu parmi
les antiquités Égyptiennes, et qui, par son importance, entraîne avec lui tout le
reste des constructions ou fragmens anciens qui l’entouroient. L ’existence de ce
monolithe, dans une position centrale par rapport à l’édiftce qui semble lui
avoir été coordonné tout entier; la grande vénération dans laquelle il fut toujours
chez les Chrétiens comme chez les Mahométans; l’apparence qu’il y a que cette
cuve servit au baptême des premiers néophytes ; la tradition que le nom de
S. Athanase [ 1 7 1 ] nous rappelle sans cesse, et qui porte qu’il y avoit là une
ancienne église chrétienne mise sous son invocation, et rebâtie depuis par les
Arabes; d’autres traditions qui nous apprennent en général qu’il y avoit de très-
belles basiliques à Alexandrie ; toutes ces considérations et plusieurs autres moins
fortes, mais qui ne devoient point être négligées, suffisoient pour faire penser que
ce bassin a été placé là dans le temps dé la primitive église, et pour faire ranger
la mosquée eile-même-avec lui dans la division des antiquités de l’ouvrage.
Les mêmes raisons m’autorisent à parler ici de cette mosquée. Ce 11e sera néanmoins
que le plus succinctement que je pourrai, et sous le rapport seul de l ’état
antique d’Alexandrie [172 ]. On voit d’abord que la projection de l’édifice est
simple et régulière; mais il renferme, comme je l’ai dit des mosquées en général,
un plus grand nombre de nefs dans le fond que sur les côtés, et le devant
n’a qu’un seul rang de colonnes. Le pavé des portiques est en marbre, et composé,
en grande partie, de belles mosaïques dont les dessins sont assez purs et
les couleurs très - variées. La grande cour carrée du milieu est aussi pavée en
marbre. Les colonnes antiques, toutes de marbre chipollin, à l’exception de
quelques-unes en granit, sont fort belles, et nombreuses comme on le voit; elles
diffèrent entre elles par leurs proportions, par la forme et les dimensions des
chapiteaux, et des bases avec ou sans piédestal : mais les entre-colonnemens sont
égaux; et, le tout étant disposé sur un plan symétrique et vaste, les irrégularités des
détails s’évanouissent au coup-d’oeil. Les murs latéraux sont en partie couverts, à
l’intérieur, de marbre disposé en mosaïque; leur large frise est dessinée par de
grands caractères en mosaïque d’émail, exprimant des sentences tirées du Qorân;
on y trouve aussi une niche en mosaïque, et une chaire en bois de sycomore
travaillée avec beaucoup d’art, et que le temps a recouverte de mousse de couleurs
variées. Son air antique feroit croire qu’elle appartenoit à la basilique chrétienne
avant sa transformation en mosquée. Enfin tout cet ensemble donne une juste
( ï) ' Voyez A. pl. 3 3 ,3 8 et 39.
idée de la manière assez heureuse dont les Arabes tiroient ordinairement parti
des débris de monumens anciens ; mais il fait concevoir aussi la dévastation qu’ils
y ont exercée-, même dans le temps où ils avoient quelques vues grandes et créa-»
trices. On voit encore dans cet édifice plusieurs cadrans horizontaux sur lesquels
sont tracées des paraboles, l’écliptique et les projections des différentes courbes
parcourues par le soleil dans les diverses saisons de l’année.
Ce bâtiment est fort ancien. En le regardant comme une église primitive occupée
postérieurement par les Arabes dans l’état où ils l’ont d’abord trouvée,
on voit qu’elle a été ensuite rebâtie par eux; car l’édifice est bien une vraie mosquée
par sa forme et sa distribution, mais c’est une des plus anciennes. Effectivement,
celles dont la construction remonte aux premiers temps des Sarrasins, à
cette époque d’exaltation chez le peuple Arabe pour sa religion, pour les conquêtes,
et pour la culture des lettres, des sciences et des arts, ont un caractère
frappant de grandeur ( i), de pureté dans le dessin, et de luxe dans l’exécution : elles
annoncent même un certain goût que les plus belles mosquées Arabes modernes,
et sur-tout celles des autres nations Mahométanes, ne présentent pas : aussi dit-on
que celle-ci a été construite par un des premiers califes.
Il resteroit à savoir maintenant à quelle église chrétienne cette mosquée succéda,
et ensuite quel monument antique et profane cette église elle-même remplaça.
Quoiqu’il soit à peu près impossible de parvenir à cette découverte, une
petite circonstance qui se rattache à notre idée première, que la mosquée a été
reconstruite sur l’emplacement ou avec les débris d’une ancienne basilique ou de
monumens plus antiques encore [ 1 7 3 ] , peut nous mettre sur la voie. On a trouvé,
à côté du sarcophage Égyptien que nous allons examiner tout-à-l’heure, et sur un
morceau de marbre gris fkisant partie du pavé de la mosquée, une inscription
Grecque, mais écrite avec des caractères Romains. Comme elle étoit à moitié
effacée, on n’a pu y distinguer, au premier coup-d’oeil, que le mot constantinon.
Ce fragment provient vraisemblablement de l’ancienne église chrétienne; et je
me contenterai de rappeler, pour diriger les conjectures sans m’y livrer moi-
même plus longuement, que Constantin avoit transféré l’empire Latin en Grèce,
qu’il protégea le premier ouvertement le christianisme, et que S. Athanase, dont
la basilique rebâtie porte encore le nom, vécut sous cet empereur. On peut au
moins reporter la dédicace de cette basilique au iv.e siècle environ.
On avoit construit, dans la cour de la mosquée, un petit bâtiment octogone
terminé par une coupole en briques, pour couvrir la belle cuve antique (2). Celle-
ci servoit aux ablutions des musulmans, comme ces dispositions l’indiquent. Elle
étoit certainement fort petite pour un tel usage, si 011 la compare aux bassins
construits dans les autres mosquées; mais sa beauté et sa valeur intrinsèque, appréciées
par les Arabes et les Turcs même, comme par les chrétiens et par tout le
monde, la leur auront fait préférer pour ce service [174]- Elle est percée, dans
(1) La mosquée dite des mille Colonnes a cent vingt mètres de côté [environ soixante toises] ; celle dite de Saint-
Athanase, soixante-onze mètres.
(2) Voyez A . vol. V, pl. 40 et 41.