cette côte. On ne peut placer ailleurs ni plus convenablement qu’autour de ce
massif de constructions, et dans l’espèce de crochet qu’elles forment, le dernier
port de Strabon. Il étoit nécessairement petit, comme cet espace J’annonce,
puisque le géographe observe qu’il ne servoit que pour l’usage des rois ( Pto-
Jémées), auxquels il appartenoit, pour ainsi dire, en propre. Leurs palais intérieurs,
que nous verrons tout-à-l’heure, et dont on découvroit les masses du point de
vue de Strabon dans le grand port, comme nous avons aperçu le théâtre et le
Coes/uium, étoient directement au-dessus de ce bassin. It le place effectivement,
d’abord, après l’île Antirrhode et le port creusé qui étoit vis-à-vis d’elle sur
la rive. Il d it, de plus, qu’il étoit fermé et caché, par opposition sans doute au
port creusé, et qui, par sa grandeur et la forme du rivage que nous avons vue,
ne pouvoit qu’être très-ouvert entre ses deux extrémités naturelles ou ses môles.
Les vestiges de maçonnerie que nous trouvons au dernier petit cap, Indiquent
encore que le port des rois étoit fermé par art, et que ces constructions hydrauliques
établies en crochet, de même que les édifices qui s’y élevoient, le cachaient
complètement. Elles conviennent donc très-bien à cette détermination de l’emplacement
du port des palais.
P R O M O N T O I R E E T P A L A I S D E L O C H I A S .
L ’extrémité actuelle du promontoire où nous sommes parvenus, paroît avoir
beaucoup changé de forme ( i ) , quoique sa masse soit épaisse et forte, comme
cela est arrivé à l’île Pharos, dont le rocher est de même nature. Acrolochias et
les récifs à la suite l’ont garantie pendant long-temps; mais, quand ces barrières
ont été franchies par la mer, elles n’ont servi qu’à donner aux eaux plus d’action
sur le promontoire, par les brisans que ces bas-fonds occasionnoient en même
temps qu’ils le laissoient à découvert. Il n’y a donc point, et sur-tout à la surface
supérieure de ce cap, de ruines importantes ; nous n’en avons vu qu’une multiplicité
de bien médiocres. Quoiqu’on doive, d’après les observations qui précèdent,
avancer un peu par la pensée l’extrémité antique de ce promontoire, laquelle
supportoit le palais principal, on devroit pourtant trouver encore en arrière
quelques ruines; car cet édifice devoit être considérable (Strabon dit même qu’il
y avoit plusieurs palais sur le Lochias), et non-seulement la racine (2) de ce cap
étoit occupée par lui, mais toute la plaine voisine étoit au loin couverte de
bâtiméns royaux, ainsi que nous le verrons. A u reste, comme le palais du Lochias
étoit le monument le plus éloigné et le premier sans doute que les Grecs, et ensuite
les Arabes, abandonnèrent, en conservant peut-être quelques palais intérieurs (3),
lorsqu’ils resserrèrent la ville, il n’est pas étonnant qu’ils l’aient entièrement rasé
pour en employer les matériaux aux réparations de ceux qu’ils conservoient ou
à leurs nouvelles constructions, et toujours ainsi, en se retirant successivement.
Cette supposition naturelle explique la nudité absolue du plateau du cap Lochias.
(1) Vvye^ ce qui est dit de son extrémité ou Acrolochias} page j 4-
(2) J’appelle ainsi la base du triangle hoirzontal form é par la surface supérieure du promontoire.
{3) Nous verrons plus loin ces palais intérieurs.
Strabon y place d’abord, en entrant dans le port, le palais, que fai supposé,
par cette raison, avoir été, de son temps, le palais principal ou par excellence. Il
dit ensuite, en parlant de ceux de l’intérieur que nous avons aperçus, « qu’ils
■0 fkisoient suite à ceux qui étôient sur le Lochias » ;• de manière que cela formoit,
comme nous le verrons en examinant en détail les premiers, un enchaînement
continu de demeures royales. En effet, tous les auteurs disent indistinctement,
tantôt le palais, tantôt les palais, en parlant de tout l’espace depuis le cap jusqu’à
l’enceinte Arabe, et suivant une grande largeur. Ce n’est que pour plus
de clarté, et parce que le premier mot de Strabon ( au singulier ) m y
autorise, que fai distingué un palais par excellence, occupant le promontoire
proprement dit [102].
Strabon place ce palais immédiatement au-dessus du petit port que nous venons
de voir, et que, par suite, il met aussi au-dessous des palais intérieurs dont il
montre la perspective prise du port. Cet embarcadère servoit indistinctement
à tous ces édifices royaux, puisqu’ils communiquoient entre eux.
Soit qu’on suppose que le palais du Lochias étoit la demeure habituelle des
Ptolémées, soit qu’on admette seulement qu’il étoit une maison de plaisance ou
une succursale de leurs habitations intérieures, il est toujours certain que ces
souverains fastueux de l’Egypte durent donner à sa construction un grand développement
et une magnificence Orientale. Qu’on se représente maintenant ce
bord du promontoire couvert de maisons royales, les palais intérieurs, celui
d’Antirrhode, le théâtre, le temple de Neptune, le Timonium, la tour Romaine,
le temple de César et ses obélisques, le Bazar [103] ou Emporium, les arsenaux,
la grande place, l’Heptastadium et ses deux forts, la tour, le bourg et les autres
constructions de l’île Pharos, la multiplicité de petits ports et de navires distribués
au pied de tous ces monumens et des autres édifices publics ou particuliers que
Strabon ne nomme pas, et l’on aura une idée du superbe panorama que présentoit
l’intérieur du grand port d’Alexandrie.
A C R O L O C H I A S . C A U T E S .
En descendant de la pointe du promontoire, et s’avançant dans la mer, on
marche sur une chaîne de rochers tant naturels qu’artificiels, sur le milieu de
laquelle règne une espèce de digue bien antique, dont le tracé est très-marqué et
régulier, quoique la direction en soit sinueuse et angulaire. Elle est parsemée de
ruines d’habitations modernes, et environnée de bancs à fleur d’eau; elle aboutit
à l’un de ces rochers, plus large que les autres, sur lequel est bâtie une mosquée
abandonnée qu’on appelle Phaiillon ( 1 ), et qui fait, avec tous ces accessoires, le
pendant parfait, mais sur une moindre échelle, du phare moderne, de son plateau,
de sa digue et de ses récifs.
La chaussée du Pharillon est aujourd’hui brisée (2) en quelques endroits,
notamment à son origine près du cap et à la moitié environ de sa longueur.
On reconnoît, parmi les matériaux qui la composent, beaucoup de débris de
(1) Voyez la vue, A. pl. J2 ; È. AI. pl. S j, 88, pp. (2) Voyez Ê. AI. planche 84.