D E S C R I P T I O N d e s ' a n t i q u i t é s
située tout-à-fait sur le fleuve. Nous y séjournâmes le lendemain. De Girgeh, nous
nous rendîmes à Farchyout, qui ne se fait point remarquer par des débris d antiquités,
mais qui est importante par ses fabriques de sucre. Cette ville fut la rési-
dence'du cheykh Hammam, fameux dans la contrée par ses démêlés avec les beys
du Kaire, et long-temps possesseur tranquille de tout le pays compris entre Syout
et les cataractes. Le septième jour, nous passâmes près de Hoû, village où Ion
s’accorde à placer les ruines de Diospolis pan>a, et nous traversâmes le Nil pour
aller coucher à Qasr ei-Sayâd, qui se trouve presque en face sur la rive opposée.
Nous avons reconnu dans cet emplacement des débris antiques et les restes dun
quai : à cet endroit, le Nil coule du côté de l’Arabie sur un fond de rocher.
C ’est là que d’Anville place les ruines de Chenoboscion. Enfin, le huitième jour
après notre départ de Syopt, ayant parcouru pendant sept journées une distance
moyenne de huit lieues, nous arrivâmes à Qené : cette ville est renommee par la
grande quantité de vases propres à rafraîchir l’eau, que*)’on y fabrique, et qui sont
remarquables par l’élégance et la variété de leurs formes. En les considérant avec
attention, on est porté à croire que les dessins en ont été pris sur les monumens de
l’ancienne Égypte. Qené étoit le chef-lieu du gouvernement supérieur du Sayd.
Le général Belliard, à qui le commandement en étoit confié, s’ÿ trouvoit alors,
tout occupé des préparatifs de son expédition contre Qoçeyr. Nous fûmes très-bien
accueillis par cet ami des arts , dont le nom sera toujours prononcé avec recon-
noissance par les membres de la Commission d’Égypte, et nous en obtînmes toutes
les facilités possibles pour nous livrer à l’étude des antiquités du pays.
Quelques jours après notre arrivée à Qené , nous eûmes une escorte pour
nous rendre à Denderah, et nous pûmes enfin espérer de contempler pour la
première fois avec sécurité des monumens que nous étions^ venus chercher si
loin, en faisant à travers le pays, à l’approche du solstice d’été , de longues et
de pénibles marches. Nous traversâmes le Nil au-dessous de Qené, précisément
en face des ruines. Le village de Denderah est sur la droite, à un quart de lieue
environ des bords du fleuve : il n’offre rien de remarquable que la grande
quantité de dattiers dont il est environné, et parmi lesquels se trouve le doum.
On ne commence à voir fréquemment cette dernière espèce de palmier qu a
la hauteur de Girgeh, en remontant vers les cataractes. Ces plantations donnent
à Denderah un aspect assez agréable ; c’est, au reste, un village très-peu considérable',
et formé seulement de misérables cahutes construites en terre. Il est-impossible
de ne point reconnoître dans sa dénomination l’ancien nom de Tentyra ou
Tentyris, dont les magnifiques restes subsistent à trois mille mètres de la, vers
l’ouest. Cette seule analogie de nom suffirait pour indiquer l’emplacement de la
ville Égyptienne, quand d’ailleurs toutes les incertitudes ne seraient pas entièrement
levées par l’existence des monumens que nous allons décrire. Nous nous
bornerons seulement à dire que toutes les indications données par Strabon, Pline
et d’autres anciens auteurs, concourent à placer Tentyris près du village moderne
de Denderah. Les cinquante miiles Romains assignés par l’Itinéraire entre Tentyra
et Hermont/us, dont la position au-dessus de Thèbes est bien connue, s accordent
parfaitement avec la distance de trente-sept mille deux cents toises, mesurée sur
la grande carte d’Égypte entre Denderah et Erment. La position de Tentyris étant
bien déterminée, on peut s’en servir pour fixer celle de Diospolis parva, dont nous
avons indiqué l’emplacement à Hoû. Or les vingt-sept milles Romains assignés,
par l’Itinéraire entre ces deux villes coïncident avec la distance mesurée sur la
carte entre Denderah et Hoû. Les observations de M. Nouet placent le temple de
Denderah sous le 30° 20' 4 1" de longitude et sous le 26° 8' 36" de latitude.
Ptolémée assigne à Tentyra une latitude de 26° 10', peu différente de celle-là.
Nous ne parlerons point de la longitude que cet auteur lui donne: on sait quelles
erreurs existent dans les élémens de ces mesures employées par cet ancien
géographe.
A u temps d’Adrien, Tentyris conservoit encore quelque importance, et les
numismates possèdent des médailles frappées à l’effigie de cet empereur au nom
de cette ancienne ville.
Les décombres de Tentyris occupent un espace de dix-sept cents mètres dans
leur plus grande longueur, et de huit cents mètres dans leur plus grandeJargeur :
leur contour peut être évalué à quatre mille mètres environ (1). Ils offrent à l’est,
du côté du terrain cultivable, la forme d’une espèce de fer-à-cheval. Au sud, ils
confinent au désert, et touchent à des monticules de sable qui limitent en quelque
sorte le pied de la chaîne Libyque, et où l’on trouve beaucoup de cailloux roulés en
jaspe et en porphyre variés. A u nord, ces décombres forment une espèce de cap
avancé dans les terres cultivées : c’est par là que nous sommes arrivés la première
fois. On remarque d’abord des monticules fort élevés, que l’on exploite aujourd'hui
pour la culture des terres qui produisent le dourah, et où l’on trouve des
médailles, des vases, des amulettes et des lampes antiques. Les gens du pays qui
se livrent à ce travail, passent les terres au tamis, et retirent ainsi jusqu’aux plus
petits objets précieux que l’on puisse rencontrer. A l’époque de notre séjour à
Denderah, on trouva une soixantaine de grands vases en terre brune de diverses
formes, dont quelques-uns, terminés en pointe très-alongée, et garnis de deux
anses, présentoient une forme élégante. On nous apporta aussi une assez grande
quantité de lampes antiques et de monnoies Romaines du temps de Constantin.
Tout près de ces fouilles est un temple qui a plutôt l’air de n’avoir point
été achevé que de tomber en ruine : il est maintenant à jour, et paraît n’avoir
jamais été couvert. Dans l’axe de ce monument, et à environ cent pas de distance,
une porte de l’effet le plus imposant se présente à l’admiration des voyageurs :
elle est enfouie en partie sous les décombres, et construite avec des matériaux
d une grande dimension. Au travers de cette porte, on découvre le grand temple,
qui forme le fond du plus magnifique tableau (2). Il serait difficile d’exprimer
tout ce que fait éprouver de sensations diverses l’aspect de ces figures colossales
d’Isis qui portent l’entablement du portique. Il semble que l’on ait été tout-à-
coup transporté dans un lieu de féerie et d’enchantement : on est tout-à-la-
fois saisi d étonnement et d’admiration. Ce que l’on aperçoit n’a aucun rapport
A . D . 1
(1) Deux mille cinquante-deux toises. (2) Voyez la planche f , A. vol. IV .
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