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élevés et d’une belle exécution. La hauteur du fût seul est de io",o6, et celle du
chapiteau est de 2",o4 . Le fût est composé de seize pierres ; et le chapiteau, de
trois : au pied sont des fragmens d’entablement (i).
Tels sont les principaux édifices d’Antinoé, dont il subsiste des vestiges dignes
d’être décrits. Mais on voit encore dans bien d’autres endroits des ruinqs et des
colonnes détachées, en pierre et en marbre : beaucoup de ces colonnes sont
tombées tout d’une pièce, pressées par le poids des buttes de décombres. La quantité
de celles qui sont en granit, et qui certainement ne sont point l'ouvrage des
Romains , annonce quelle abondance il y avoit en ce genre à Herrhopolis et dans
les autres villes Égyptiennes, où ils ont puise ces riches matériaux.
D u S t y l e d e l ’A r c h i t e c t u r e d e s M o n u m e n s d ’A n t i n o é ; C o m p a r a i s o n d e ces
M o n u m e n s a v e c le s a u t r e s E d i f i c e s d u m êm e g e n r e .
D a n s les chapitres qui précèdent, j’ai fait ressortir le mérite des édifices d’Antinoé,
et le talent qu’on remarque dans l’exécution. Toutefois le style n’est pas partout
de la même pureté, et je dois signaler toutes les parties des constructions qui
m’ont paru pécher contre le goût. On sait que le siècle d’Adrien est l’époque depuis
laquelle on vit l’art dégénérer : la simplicité commençoit alors-à faire place
au bizarre. Quoique la disposition restât encore soumise à cette loi de l’unité qui est
fondamentale en architecture, et que les principes de la construction fussent 'encore
excellens, le goût des ornemens affectés entroit déjà dans la décoration. Il ne faut
donc pas être étonné que la ville qu’Adrien fonda en Egypte, offre des exemples
de décadence.
Dans l’arc de triomphe, ce vice est plus sensible qu aillfurs. Les trois ordres y
sont mêlés d’une manière un peu choquante, quelle que soit la pureté de la taille des
pierres et de la sculpture. Le Corinthien est entièrement subordonné au Dorique.
Les grands pilastres sont de ce dernier ordre, èt cependant ils ont dix diamètres
et demi de haut; ceux qui leur sont adossés et qui ont moitié moins de hauteur,
sont Corinthiens. Les colonnes placées en avant ont un entablement Corinthien,
qui sé trouve écrasé par le grand entablement Dorique servant de base au fronton.
On voit aussi deux ordres dans l’arc d’Aurélien et dans l’arc dit de Janus; mais
tous deux sont Corinthiens : ces arcs diffèrent d’ailleurs beaucoup de celui-ci. Dans
ce dernier, la richesse de tous ces ornemens confondus est plus contraire que
favorable au bon effet de l’édifice. On blâme avec raison les quatre pilastres qui
sont comme revêtus d’autres pilastres plus petits. Enfin on trouve les arcades un
peu trop élevées.
Les frontons sont rares dans les arcs, sur-tout ceux qui occupent la.place entière
de l’attique (2). Un des plus beaux arcs de triomphe, celui d'Auguste à Rimini, et
(1) Voyez pl. 6r , fg . ,6 à 20.
(z) Je ne connois dans ce cas que l’arc de Palmyre et celui d’Adrien à Athènes.
l’arc
d ’ a n t i n o é . c h a p . x y . -, -, 3 3
l’arc de Mariùs a Orange, ont des frontons placés en avant de l’attique. A Antinoé,
le fronton ne couronne pas l’attique ; mais il en tient lieu. Quand on a relevé ces
différens défauts, il n’y a plus que des éloges à donner à l’édifice, tant pour la masse
et pour l’ensemble, que pour la finesse et la beauté des détails.
Les colonnes d’Alexandre-Sévère donnent aussi lieu à des observations critiques.
La proportion est trop courte pour l'ordre auquel elles appartiennent. En effet*
le fût, compris lej-chapiteau, n’a que neuf diamètres. Le chapiteau est trop large
au sommet, et paroît comme^écrasé par le dé supérieur. L ’ornement du bas de la
colonne détruit la pureté du fût : on n’en trouve guère d’exemple que dans le Bas-
Empire; par exemple, au Baptistère deSaint-Jean de Latran, dit de ComMtin, et
aussi aux bains de Nîmes (i) : mais la partie du fût décorée de feuillage est moins
haute^ qu ici. Au temple d’Auguste, à Milasa, on voit encore des colonnes ainsi
ornées
Le socle de la base, au lieu d’être carré, est octogone, sans que cette forme soit
necessitee par aucun motif apparent. Les moulures supérieures et inférieures du
piédestal manquent aussi de pureté; elles présentent des angles aigus, et des profils
quon ne rencontre nulle part dans les ouvrages du beau temps. Il n’y a point de
renflement à la colonne ; ce qui est peut-être une imitation des colonnes Égyptiennes
: peut-être le feuillage, à la partie inférieure du fût, est-il aussi une imitation
de ces mêmes colonnes, qui sont toujours décorées de feuilles et de fleurs. Enfin le
piédestal paroît un peu maigre pour supporter une colonne aussi haute. J’ai déjà
fait observer que les colonnes isolées, témoin la Trajane et l’Antonine, étoient en
général Doriques, tandis que celle-ci est Corinthienne. II y a aussi à Palmyre une
colonne isolée d’ordre Corinthien.
Le portique du théâtre e s to n s contredit, l’édifice où il y a le moins à reprendre.
La seule remarque importante à faire, est que le feuillage du chapiteau des colonnes
est hors de 1 aplomb du fût, et dépasse l’astragale. J’ai déjà dit que la restauration
de cet édifice et de l’ensemble des constructions qui précédoient le
théâtre, est fort difficile ; seulement il est. certain que le portique conduisoit à
ce meme theatre. Ce qui est probable, c’est qu’au-delà du portique étoit une
grande cour de la meme largeur que le théâtre même,, environnée de colonnes
«servant de promenoir, comme on le voit dans plusieurs amphithéâtres Romains.
Après la cour venoient les constructions postérieures', la scène, et 1 e proscenium,
qui est aujourd’hui bien marqué. Toutefois je n’ai vu nulle part des piliers rapprochés
deux à deux, comme on le voit ici sur'la scène.
On peut comparer le théâtre, pour la grandeur, à celui d’Otricoli en Ombrie
et a celui de Catane: le diamètre est à peu prés le même; il est plus petit qu’au
théâtre de Marcellus. Celui d’Otricoli a une grande porte au fond du théâtre,
comme dans celui du théâtre d’Antinoé. Quant au plan, ce dernier a beaucoup
de rapport avec celui du théâtre de Taormina, ainsi qu’on l’a restauré (3).
Les colonnades d ordre Dorique Grec, dont les deux grandes rués étoient bornées,
(1) Voyez le Parallèle des édifices anciens et modernes t (2) Ibid. pl. 2.
par Durand, p l.p i. . . (3); Ibid. p l . j 7 .
A . D . ^