
Il suffisoit cle trouver à peu près le galbe de la chlamyde et de l’enceinte de la
ville; car les lignes intermédiaires de raccordement entre les extrémités des deux
axes sont indéterminées, ainsi que les proportions particulières et de détail de ce
manteau Macédonien que nous ne connoissons pas d’une manière certaine [1 13 ],
Je n’ai donc fait ces recherches que comme objet de pure curiosité, et je n’ai
tracé cette figure sur le plan à’Alexandrie restituée que pour donner une idée de la
forme que pouvoit avoir la ville des Macédoniens [ 1 14 ]-
D ’après ce que vient de dire Diodore de la direction nord et sud de toutes les
rues transversales, il est permis de conjecturer, comme on peut le voir, que la
distribution intérieure d’Alexandrie avoit la forme d’un échiquier. Nous pouvons
aussi maintenant, pour achever de faire connoître l’ancienne ville, chercher sa
circonférence et donner un aperçu de sa surface; mais, comme, dans la figure
que j’ai adoptée pour l’enceinte primitive d’Alexandrie, plusieurs élémens sont
incertains et arbitraires, comme la ville reçut beaucoup d’extension à diverses
époques ( et on le voit par ses vestiges ), comme enfin cette enceinte fut plusieurs
fois ravagée et détruite, notamment sous Aurélien, au rapport d’Ammien Mar-
cellin, il est inutile de calculer rigoureusement la superficie de cette figure. Il est
plus intéressant de voir comment les anciens l’ont évaluée dans un certain temps ;
cela donnera également une idée suffisante de l’immensité de l’établissement
d’Alexandre dans ces siècles reculés; et encore faudra-t-il, pour le comparer
aux principales villes antiques et modernes, y ajouter par la pensée toutes les
portions de surface comprises entre les limites des décombres et la figure de la
chlamyde; plus, les parties maritimes à l’est, à l’ouest, et jusque dans l’île Pharos.
Quinte-Curce dit « qu’Alexandre, embrassant tout l’espace qui se trouvoit entre
55 le lac et la mer, fixa le circuit des murs de la ville à quatre-vingts stades [ 1 15 ] 55 ;
or, d’après ce que nous avons vu, un parallélogramme construit sur la longueur et
la largeur de la ville auroit juste quatre-vingts stades [sept mille six cents toises] de
développement, et trois cents stades [deux millions sept cent sept mille cinq cents
toises ] carrés d’étendue superficielle. Il paroît que c’ést une espèce de quadrature
de la chlamyde, que Quinte-Curce a rapportée ou faite lui-même, et qui étoit fondée
sur les deux dimensions connues. C ’étoit un calcul en gros qui compensoit les inégalités
des contours et de la forme auxquelles on n’avoit point égard en détail, dans
cette mesure linéaire d’un circuit, vu que ces contours étoient à peu près ceux
d’une ellipse, et que l’alongement vers les deux portes de Canope et de Nécro-
polis y apportoit une augmentation considérable dont il falloit tenir ainsi quelque
compte. Je crois donc qu’en conséquence de toutes ces observations, notamment
de celles qui sont relatives aux diverses manières de considérer les limites
de la ville proprement dite, et d’après les remarques consignées [ 1 16 ], on ne doit
point rejeter la mesure de Pline qui porte la circonférence à quinze mille pas
[onze mille trois cent quarante toises], et la surface à six millions vingt-sept mille
neuf cent dix-huit toises soixante-quinze centièmes, si l’on carre le parallélogramme
semblable à celui de Quinte-Curce : mais, dans ce cas, il n’est pas douteux
que Pline n’eût compris dans son développement toutes les habitations ou
bâtimens
bktimens voisins etc Nicopolis, ceux des bourgs de Pharos, et même d’une partie
de Necropolis.
Une chose assez remarquable, c’est que, si l’on rabat sur le plan d’Alexandrie
antique les quatre angles du quadrilatère circonscrit à la chlamyde, qui ont donné
la superficie de deux millions sept cent sept mille cinq cents toises déduites du
texte de Quinte-Curce, ils couvriront assez bien, toute compensation faite au
simple coup-d’oeil, la surface entière des décombres qui se trouvent sur la partie
continentale de la ville, sans y comprendre Necropolis et Nicopolis proprement
dites. J étois donc doublement autorisé à faire ma première quadrature, que j’appellerai
celle de Quinte-Curce, de la manière que je l’ai établie : elle donne à
Alexandrie une assez belle surface de ville du premier ordre.
Quant à la seconde quadrature, celle de Pline, il est encore à remarquer que
la circonférence totale de quinze mille pas est parfaitement la même que celle
de Rome, a 1 epoque ou Aurelien 1 avoit entouree de murs. Il n’est donc pas surprenant
que les anciens et les modernes aient si souvent avancé qu’Alexandrie
pouvoit le disputer en étendue à Rome même. On peut maintenant comparer la
superficie que je leur suppose à l’une et à l’autre, d’après Pline, avec celle des
principales villes de 1 Europe. Paris a cinq millions neuf cent quatre-vingt mille
cinq cent soixante-dix toises carrees; Londres, quatre millions deux cent soixante-
quatre mille; Berlin, trois millions quatre cent soixante-dix-neuf mille huit cent
soixante ; Vienne, trois millions cent soixante-onze mille huit cent cinquante; et
Rome moderne, un million neuf cent vingt-six mille deux cent trente seulement.
Mais Memphis, à l’enceinte de laquelle, suivant Diodore de Sicile, Uchoréus, son
fondateur, donna cent cinquante stades de tour, surpassoit de beaucoup en grandeur
toutes ces villes anciennes et modernes. Ces cent cinquante stades, en
prenant toujours la même valeur pour chacun, font quatorze mille deux cent cinquante
toises, tandis qu Alexandrie n’en avoit, même en comptant tout d’après
Pline, que onze mille trois cent quarante de circon/érence. Quoi qu’il en soit de
cette mesure de cent cinquante stades qui donneroit l’infériorité à Alexandrie,
mais qui est peut-etre exagérée par Diodore, cette dernière ville excédoit Paris
en surface dune quantité notable. Que sera-ce si l’on ajoute aux édifices que
Pline avoit deja compris dans son calcul, ces villes, ces bourgs, ces villages, ces
maisons de plaisance, tous liés entre eux, et dont on aperçoit encore tant de
vestiges depuis Chcrsonesus jusqu’à Canope, sur les bords de la mer et du lac
Marcotis !
On trouvera encore une dernière image de l’immense étendue, sur-tout en longueur,
de la ville des Ptolémées, dans la description minutieuse qu’Athénée a conservée
de la pompe du couronnement de Philadelphe. Cette espèce de procession,
alongée peut-être par I exagération du narrateur, suppose néanmoins, comme les
triomphes des Romains vers la fin de la république, un développement très-considérable
dans I intérieur de la ville qui en étoit Je théâtre. Le cortège employa
tout un jour à défiler par la grande rue d’Alexandrie; et Athénée, dans son interminable
description, ne parle que de la pompe de Bacchus, tandis que les autres
A. D. j