<juatre lieues plus au nord que Myt-Rahyneh ( le centre des ruines actuellement
visibles ) : le fait est que les voyageurs n’avoient vu aucun site couvert de ruines,
assez considérables pour les attribuer avec fondement à l’ancienne capitale.
Pococke, qui avoit vu des ruines à Mokhnân, disoit quil y avoit plus de monticules
de décombres à Metrahenny [Myt-Rahyneh]; il y plaça vaguement, sans
qu’on puisse assurer qu’il a été sur le lieu même, le site de Memphis. Après
lui, Bruce iui assigna ce même emplacement, sans y décrire rien de remarquable.
Déjà d’Anville avoit deviné, par des combinaisons itinéraires, qu’il devoir
être plus reculé au sud que Gyzeh; mais il crut qu’il étoit sur le bord du
Nil, là où il n’y a qu’une vaste plaine, et le supposa en face d’el-Adaouyeli,
lieu qui est encore à plus de deux lieues trop au nord. Niebuhr admit également,
mais sans avoir vu les lieux, que Memphis étoit dans le sud. Maillet pensoit aussi
que Memphis étoit loin de Gyzeh, à Manof ou Manouf ( 1 ) ; Fourmont s’est
attaché à le prouver ; mais ce point, dans sa carte, n’est qu’à une lieue et demie
de la grande pyramide, et bien loin de Myt-Rahyneh, et a-la-fois tout près de
Saqqârah et en face d’Atâr el-Naby; ce qui est inexplicable, et .qui ne permet
pas de se faire une idée juste de la position du lieu qu’il regardoit comme le site
de Memphis (2).
Il faut savoir que, dans sa partie occidentale, la vallée est couverte de bois épais
de palmiers; on doit s’y enfoncer pour découvrir le véritable emplacement dont
il s’agit, et c’est ce que je fus obligé de faire quand on me chargea de faire la recon-
noissance des provinces de Gyzeh et de Beny-Soueyf. A cette époque (3), je vis
les ruines de Memphis à l’occident de ma route, et les marquai sur la carte topographique.
C ’étoient des buttes très-élevées, dominant même sur les palmiers, et
ayant tout l’aspect de ruines. Après avoir atteint les bois de Terseh et de Manyal,
à une lieue de Gyzeh , on arrive, une lieue au-delà, à la forêt de Manâouât ( 4 ) et
de Mokhnân, qui a près d’une lieue et demie de longueur. Elle cache complètement
au voyageur l’emplacement d’Abousyr et des ruines les plus septentrionales
de Memphis. Enfin l’on passe devant un troisième rideau de palmiers, qui
a encore une lieue de longueur, et qui sert de ceinture aux ruines de Myt-Rahyneh
et des environs, presque les seules de l’ancienne Memphis, qui sont encore
bien distinctes, c’est-à-dire, qui n’ont pas été recouvertes par l’exhaussement du
sol et nivelées par la charrue. Un an plus tard, je visitai ce lieu avec les membres
de là Commission des sciences, en venant par la partie orientale, c’est-à-dire,
par Saqqârah. Nous vîmes des buttes d’environ 3000 mètres de longueur (5),
dont le village de Myt-Rahyneh occupe à peu près le centre, et séparées des
ruines de Saqqârah par deux canaux et une plaine. Myt-Rahyneh est à 2000 mètres
(1 ) El-Edriçy (Comm. de Hartmann, page 378) dit
que Menf ( oppidum Menf) est au midi dans le voisinage
de Fostât.
(2) Descript, hist. et géogr. des plaines d’Héliopolis et
de Memphis, 1755, pages 201 et suivantes. Le peu de
renseignemens que donne Fourmont fait douter qu’il ait
vu les véritables ruines.
(3) Extrait de mon journal de voyage, le 28 nivôse
de l’an 7, correspondant au 17 janvier de l’année 1799-
(4 ) Ce n’est pas le lieu de Menf.
(5) Selon le plan levé par le colonel Jacotin (voyez
planche t , A nt. vol. V ).
Mon journal porte que les ruines ont une lieue de longueur.
Dans sa lettre à M. Desgenettes, insérée au Courrier
de l ’Egypte, n.° 58, le général Dugua donne trois
lieues de circuit aux monceaux de décombres.
à l’est de Saqqârah, 17600 mètres au sud ( en ligne droite) de Gyzeh, et à la
mente distance de la grande pyramide aussi à 1 est ; sa latitude est d’environ
29" 51 ' verra bientôt, daprès le témoignage de l’histoire, que Memphis
s’étendoit jusque là et même encore plus loin ; et je me borne ici à dire que
Myt-Rahyneh est à x ii milles exactement du vieux Kaire, comme Memphis
l'étoit de Babylone d’après l’Itinéraire d’Antonin, ce qui est conforme d’ailleurs
à toutes les autorités.
Il suit de cette description de la route, qu’il est en quelque sorte impossible
de voir les restes de Memphis avant d’y toucher; mais ce n’est là qu’une partie de
l’espace qu’elle occupoit très-certainement : Saqqârah, Abousyr, et même une partie
de la foret de Manâouât, où l’on rencontre aussi des ruines, nous paroissent
comprises dans son ancien emplacement; c’est ce qu’on admettra avec nous,
comme au moins très-probable, après avoir pesé les motifs exposés dans le paragraphe
qui suit. A présent il ne sera question que des monticules de ruines les
plus apparens, compris entre les hameaux de Koum el-A’zyzyeh au nord , Myt-
Rahyneh à l’ouest, et le canal de Bedrécheyn au sud : pour les autres points des
environs où il subsiste quelques débris ou vestiges de l’antiquité, nous renverrons
aux planches et a leur explication ( 1 ). Ces buttes forment une vaste chaîne
de décombres, couverte de palmiers, ainsi que de pierres brisées, accumulées en
tout sens, les unes en granit, les autres en matière calcaire ; une petite plaine
sépare les monticules de décombres, et un canal la traverse ; l’inondation y donne
naissance à des étangs que remplacent ensuite des champs cultivés. Des blocs
énormes en grès et en granit sont confusément amassés ; ils sont tout couverts de
sculptures hiéroglyphiques : c’est là le site de quelque grand édifice renversé de
fond en comble (2). A la pointe sud-est des ruines, les membres de la Commission
des sciences ont découvert, à une petite profondeur sous le sol, les restes d’une
statue colossale en beau granit (3). Ces débris suffisent pour donner une idée
de la statue, du moins de la matière et de la proportion. Le granit est rose
et d un superbe poli. On a trouvé des portions de l’épaule, de l’avant-bras, et
différentes parties du torse et des membres : le fragment le plus intact est le
poignet gauche, entièrement conservé. Ce morceau gigantesque a été emporté au
Kaire (4 ), et de là à Alexandrie (y), où il a subi le sort des autres monumens
tombés au pouvoir de l’armée Britannique (6). La longueur de la grande phalange
du doigt médius est de om,6yy [2ds 1po ]; la largeur des quatre doigts à la naissance
est de om,867 [ 2Js yf° 1 t 1]; la hauteur du poignet ou la distance de la naissance
de 1 avant-bras à l’articulation du médius a om,87 [2Ji Spo 1 *] ; la largeur du poignet
a la naissance de l’avant-bras est de om,62 [ i d io p° 1 11]; la paume mesurée sur le
(1) Voyez principalement la planche i , iniquités, la relation publiée dans le Courrier de l ’Egypte, n.° j8.
Cependant les mesures précises que nous avons relevées
sur le poignet colossal, tant à Memphis mcme qu’à
Londres où il est maintenant, différent de celles qu’il
nous a communiquées, et dont, pour cette raison, nous
n’avons pu faire usage; il donne douze décimètres à la
largeur du poignet, qui n’en a guère que onze.
(6) Voyez planche q , fig. r, Antiquités, vol. V.
, et la suivante.
(2) Voyez planche j , Antiquités, vol. V.
(3) Voyez le Courrier de l’Egypte, n.° 58.
(4) Par les soins de M. Coutelle.
(5) Par les soins de M. Gratien Le Père. Ce dernier
nous a communiqué avec obligeance son journal de
voyage, qui est d’accord avec nos observations, et avec