données que je viens d’exposer suffisent pour indiquer que ces deux monolithes
n’ont point appartenu à des dossiers de colosses; on doit les regarder, avec
M. Jomard, comme des monumens votifs, dans le genre de ceux qu’on voit
figurer dans les hypogées, et dont la matière est tantôt en pierre et tantôt en
bois. Il ne seroit pas impossible cependant que ces pierres eussent appartenu
à des monumens votifs de plusieurs pièces, et que chacune d’elles, portée sur un
fût d’un calibre correspondant, eût formé le sommet d’une espèce de stèle. Dans
cette supposition, elles auroient beaucoup de rapport avec les deux grands
monolithes que M. Jomard a décrits dans son Mémoire sur l’obélisque de l’île
Tibérine (i) : la principale différence consisteroit en ce que l’arrondissement des
sommets, dans les obélisques de l’île Tibérine et de Crocodilopolis, a été
exécuté de manière que l’axe du cylindre culminant se trouve parallèle à la
largeur des deux grandes faces. Au reste, les deux pierres de San dont il vient
d’être question, ne sont pas seulement remarquables en ce qu’elles augmentent la
classe des monolithes votifs ; elles se recommandent à l’attention du voyageur par
la conservation des sculptures et la perfection du dessin.
On voit, sur une des dunes au nord-est, la portion intermédiaire d’un septième
obélisque; elle repose sur une de ses arêtes longitudinales, et elle sort de terre
sur une longueur de quatre mètres et demi.
A quelques pas plus loin vers l’est, on rencontre deux fragmens d’un huitième
obélisque; ils en formoient la partie supérieure. Couchés à plat l’un à côté de
l’autre, et d’une longueur à peu près égale, ils portent ensemble un peu moins
de onze mètres.
Enfin, à l’extrémité de la ligne des débris, c’est-à-dire, à environ quarante
mètres avant d’arriver à la partie orientale de l’enceinte, on trouve un neuvième
obélisque couché à plat, et dont la partie supérieure est enterrée: Nous avons
mesuré dix mètres et demi à compter de la base sur la face découverte. Cette
base, qui est bien prononcée, a seize décimètres de côté.
Je ferai observer maintenant que les fragmens des cinquième et sixième obélisques
nous présentoient' des caractères qui ne permettoient de faire aucune
méprise. Quant aux fragmens d’après lesquels nous avons conclu l’existence de
sept autres obélisques, il seroit difficile que nous fussions tombés dans quelque
erreur. D ’abord il y en a quatre parfaitement indiqués par des sommets complets.
On ne pouvoit donc hésiter qu’à l’égard du quatrième, du septième et du neuvième
: or, à l’égard de ce dernier, dont la base présente un terme fixe, il se
pourroit qu’il fût entier, ou du moins qu’il eût beaucoup, plus de longueur qu’on
n’en peut voir. Mais, indépendamment de ces deux motifs, si l’on veut faire attention
à la largeur que présente la face découverte au point où elle disparoît en
terre, et si l’on essaie de reporter cette dimension sur la grosse extrémité de
chacun des fragmens qui ont appartenu aux quatre obélisques incontestables, on
(i) Voye^ ce Mémoire de M. Jomard, ainsi que la A. D . chap. X V I I , tom. I I du texte, pag. 43, et h*
Description de l’obélisque de Begyg par M. Caristie, planche 7 / , vol. I V des gravures.
reconnoit
reconnoit qu elle est très-sensiblement moindre que la largeur de chacuh de ces
fragmens Le meme essai fait pour le grand fût du quatrième obélisque nous
a indique une exclusion encore mieux prononcée. Quant au septième, la comparaison
des dimensions du fragment qui nous en reste a donné des différences
moins grandes, mais suffisantes. Ce fragment est d’ailleurs éloigné de près de
cinquante mètres du troisième obélisque, le seul dont on pourroit èssayer de le
rapprocher. Je dois ajouter que le calibre de sa partie inférieure excède celui de
la petite extrémité des fûts appartenant aux septième et quatrième obélisques
On imaginera aisément que, dans ces recherches faites sur place, nous n’avons
pas manqué de nous aider des considérations tirées de la forme des cassures
des petites différences existant dans la roche granitique, et des rapports que les
hiéroglyphes interrompus par les fractures pouvoient avoir entre eux. Nous avons
également eu égard aux erreurs que la décomposition de la pierre pouvoit apporter
dans la détermination de la largeur de quelques-uns des fragmens. J’ose
croire enfin que les détails dans lesquels je viens d’entrer expliqueront assez comment
il a pu arriver qu’en parcourant rapidement la ligne des débris, plusieurs
de nos collègues n’y aient reconnu que sept obélisques.
A 1 exception des cinquième et sixième obélisques, les autres se ressembloient
beaucoup, et ne portoient sur chaque face qu’un seul rang d'hiéroglyphes. Chaque
rang s elevoit au milieu de la face, et n’occupoit que le tiers de son étendue. Quant
• la hauteur des sept monolithes dont il s’agit, on peut en conclure le maximum
d après le module de la base du neuvième, et l’on doit croire qu’iÎs n’avoient
guère plus de vingt mètres, ni moins de quinze : le cinquième obélisque devoit
etre peu remarquable par ses dimensions ; mais ils devoient tous être dominés
par le sixième, dont les puissantes dimensions sont attestées par le fragment qui
est orne de trois rangs d’hiéroglyphes sur chaque face.
Je ne quitterai pas l’enceinte où ces débris sont étendus, sans observer que
nous avons trouvé, vers le milieu de la place, des recoupes de verre de différentes
couleurs, des éclats d’émaux polis en partie, des amulettes en cornaline
grossière, des pièces de bronze complètement altérées, et des fragmens d’un très-
beau lapis-Iazuh; fragmens assez abondans pour que j’aie pu en recueillir plus
d un kilogramme en quelques instans.
En sortant de 1 enceinte du côté de l’est, on rencontre bientôt, au pied des
monticules de décombres qui dominent de ce côté, trois chapiteaux semblables
et un fragment de colonne appartenant au même ordre.
Chacun de ces chapiteaux se compose d’une campane et d’un dé; la hauteur,
totale est de douze décimètres et demi. Le dé, qui est très-plat et très-étendu,
porte onze décimètres de côté sur vingt-trois centimètres d’épaisseur. La campane
est octogone, a palmes plates dont la forme n’est qu’indiquée, et qui se terminent
par une saillie hémisphérique renversée et tout unie. Ces chapiteaux ressemblent
beaucoup à ceux du grand temple SAntoeopolis (t). '
(i) A. vol. IV , pl. 41.
A . D . B