Déjà, dans le cours d’un premier voyage dans Je Fayoum, en janvier 1799, plusieurs
ingénieurs Français avoient eu connoissance des grandes ruines et des blocs
de granit qui sont auprès de la pyramide d’Haouârah (1). On en avoit donné une
description succincte, e t , d’après des combinaisons géographiques, on avoit avancé
que tel étoit l’emplacement du labyrinthe (2) ; cette opinion a été confirmée
entièrement par les observations ultérieures.
Le 10 nivôse an ix [3 1 décembre 1800], l’un de nous (3) . accompagné d’un
de ses collègues, en mission comme lui dans le Fayoum (4), se mit-à la recherche
des ruines. Les habitans et les Arabes, pleins de méfiance et de mauvaise volonté,
avoient refusé de donner aux voyageurs aucune information ; ceux-ci furent obligés
de se diriger sans guide, et de parcourir le désert presque sans renseignemens et
même sans escorte : livrés à eux-mêmes, ils firent assez long-temps de vaines
recherches; enfin ils découvrirent les ruines et parvinrent heureusement à leur but,
malgré des circonstances aussi défavorables.
A environ sept mille cinq cents mètres de Médine, se trouve la grande excavation
qui a été décrite dans la r.r' section de ce chapitre, et qui ressemble à un
canal d’une prodigieuse largeur : les deux voyageurs y descendirent, et la parcoururent
du midi au nord; ensuite ils se dirigèrent, en traversant des sables mou-
vans, sur la grande pyramide d’Haouârah, qu’ils avoient en face. Arrivés au sommet
du plateau où s’élève cette pyramide, ils virent tout-à-coup les immenses ruines
dont il est couvert.
La position de cet édifice, et la vue dont on jouit de dessus le plateau, sont
admirables. En effet, on ne peut se lasser de contempler les riantes campagnes
du Fayoum, arrosées de mille canaux qui y entretiennent une perpétuelle fraîcheur
, et dont l’aspect contraste avec les déserts de la Libye. On ne pouvoit
choisir une position plus heureuse pour élever le labyrinthe, l’un des ouvrages les
plus imposans qu’ait produits l’art des Égyptiens.
L ’aspect que présentent ces vestiges au premier coup-d’oe il, est celui d’un parallélogramme
: sur ses deux grands côtés et sur le côté du nord, sont .les débris
d’une enceinte; il est ouvert du côté du sud. On aperçoit par-tout desamas.de ruines
en pierres de taille, de matériaux jetés confusément les uns sur les autres et probablement
ensevelis sous les sables pour la plus grande partie (5). En pénétrant à
travers ces débris, on y rencontre des fragmens de murailles renversées. Le mur
de l’enceinte de l’édifice, du côté de la pyramide, et quelques-unes des espèces de
tourelles dont ce mur étoit flanqué extérieurement, sont ce qu’il y a de mieux
conservé aujourd’hui.
Ces petites tours ont environ six mètres en carré ; ce qui reste de celle qui est
la plus près de la pyramide, ne s’élève pas à plus de deux mètres au dessus du sol.
Elles ont été construites en pierres de taille d’un grain très-fin (6). Les paremens
(1) MM. Bertre et Jomard en avoient fait connoître (4) M. Martin, ingénieur des ponts et chaussées.
I existence. (5) D’après le rappprt de feu M. Malus. Voye% ci-
(2) Dans le Mémoire sur le lac de Moeris , lu à après, note 3, page 25.
IInstitut duKaire, le 8 octobre 1800, par M. Jomard. (6) Pour la finesse du grain, on peut les comparer
(3) M. Caristie, ingénieur des ponts et chaussées. à celles de Tonnerre en Bourgogne.
de
de ces pierres nont subi aucune altération ^sensible par le temps ; ce qui iàit
conjecturer que le toonument a cte détruit par la main des hommes, ce qu’on
sait d’ailleurs par l’histoire.
Feu M. Malus, qui s’est rendu de Beny-Soueyf à ces ruines, à- plusieurs reprises,
y a fait faire des fouilles. Il a trouvé, aux environs, des chambres taillées dans Je
rocher, et différentes constructions ruinées. La plus jgrande partie des salles souterraines
sont encombrées de sables et de matériaux.
S. II.
Pyramide d’Haouârah.
C’est sur le même plateau, vers l’angle sud-est des ruines et à leur extrémité ,
que s’élève la grande pyramide dont nous avons parlé. Elle est construite en briques
crues ou cuites au soleil : chacun des côtés a cent dix mètres de longueur, mesuré
à la base ; la hauteur perpendiculaire est d’environ soixante mètres. Cette pyramide
est bien conservée, à l’exception de son sommet, qui est un peu émoussé.
Les quatre arêtes sont soutenues à leur partie inférieure par des, chaînes en
pierres de taille, formant alternativement carreau et bourisse, et qui' ne s’élèvent
pas a plus de trois métrés au-dessus du sol. Nous pensons qu’elles n’ont été incrustées
dans ce monument quaprès coup, pour sa plus grande conservation (i).
Les paremens des briques employées dans la construction de la pyramide suivent
tous l’inclinaison de ses faces ; la longueur de ces paremens est de quarante-huit
centimètres sur vingt-un de hauteur. Les briques ont été faites avec de l’argile
mélangée d’un peu de paille hachée, et travaillée ensuite avec de la chaux, pour
rendre 1 agrégation de toutes ses parties plus complète; ce dont nous nous
sommes assurés en en brisant quelques-unes (2).
M. Malus a visité aussi la grande pyramide d’Haouârah; il a même rapporté
quil y avoit pénétré, et qu’il étoit parvenu dans l’intérieur par un canal qui
lui a paru revêtu en pierre, ou bien creusé dans le roc : au fond, il a trouvé
une source d’eau très-salée, avec une excavation pratiquée en forme de sarcophage
(3.).
§. III.
Restes d’un Temple au sud de la Pyramide d’Haouârah.
En descendant de dessus Je plateau, vers le côté de l’ouest, on se trouve sur un
terrain qui forme un glacis naturel, dont la pente, d’abord très-forte dans sa partie’
(1) Voyez la pl. 72}'fig. 1. temps après son retour en France ; depuis, une mort prt*.
(2) les Observations de M. Martin sur la pro- coce l’a enlevé aux sciences et à l’amitié.
V'n ' a/t Fay0um‘ ** On pourroit douter de l’existence d’une source en'cet
Il , Ma,us comparait la forme de cette cavité à endroit : au reste, M. Martin a trouvé de l'eau très-,
2 ? baignoire. Les renseignemens précédens ont salée au fond d'un souterrain en maçonnerie/conduisant
'Je ournis à M. Jomard par cet habile géomètre peu de à l’intérieur du bâtiment.