llff®
liai
tendent qu’il périt malheureusement dans le N il, en face du lieu où la ville
fut bâtie ensuite ; les autres, que, par un dévouement extraordinaire, ce jeune
homme se précipita volontairement dans le fleuve pour le salut de son maître.
Si cette dernière version, qui est la plus commune, est réellement fondée, c’est
un exemple d’héroïsme assez rare et qui sufliroit pour expliquer la conduite
d’Adrien; alors l’on n’est plus obligé d’admettre cette autre explication qu’on en
a donnée, et qui est une si grande tache pour la mémoire de l’empereur. Tous
les auteurs n’admettent point la passion honteuse dont on l’accuse communément
et que les Pères de 1 Eglise, sur-tout, lui ont reprochée avec tant de véhémence
quoiqu’Adrien eût accordé protection aux Chrétiens, ainsi qu’Eusèbe lui-même
l’atteste dans son Histoire ecclésiastique (i), et qu’il eût même projeté d’élever
un temple au Christ.(2). Antinoüs, dit-on, fut considéré comme un dieu, et
le prince voulut qu’on lui dressât des autels : dans cette opinion, Adrien seroit
encore plus odieux. « Afin de nous apprendre, dit S. Jérôme, quelles espèces de
» divinités avoient encensées les Égyptiens, une de leurs villes vient de prendre
35 le nom d’Antinoüs, le compagnon des plaisirs d'Adrien (3). » Le passage que
j’ai rapporté plus haut, du même auteur, finit par ces mots : « César Adrien passe
» pour avoir aimé passionnément le jeune Antinoüs (4 ). » Origène et S. Athanase
assurent la même chose (j).
Selon S. Épiphane, on pratiquoit, dans les temples d’Antinoüs, des mystères
semblables à ceux de Sais, Péluse, Bubaste et Abydus &fil fait entendre que les
femmes y célébroient des orgies où elles perdoient toute espèce de pudeur, excitées
par le bruit des tympanes et des trompettes, ainsi qu’il arrivoit aux femmes de
Memphis, d’Héliopolis, de la région Batheia (6) et de celle de Menuthitis (7). Le
même S. Épiphane assure qu’Adrien fit ensevelir Antinoüs dans la ville d’Antinoé,
avec un petit navire, et le fit mettre au rang des dieux (8) : il cite cet exemple
pour prouver que des princes et des tyrans, privés par la mort des instrumens
de leurs plaisirs, et afin de conserver la mémoire de l’affection qu’ils en avoient
obtenue, vouloient que les tombeaux élevés à ces favoris obtinssent la vénération
des peuples soumis à leur empire.
Pour ne rien dissimuler, il faut ajouter qu’Antinoüs fut placé dans le ciel après
« Ia m
¡■ P
P i P t Ira®
( 1 ) L a lettre d 'A d r ie n à M in u c iu s F u n d an u s , p ro consu l
d ’A s i e , rapportée d ans l’Histoire ecclésiastique d’E u s è b e ,
l iv . IV , chap. 9 , pro u v e q u e c e p r in c e t r a ito it alors les
C h r é t ie n s , non-seulement a v e c é q u ité , mais en core a v e c
u n e sorte d e fa v e u r ; N ic é p h o r e C a llis te ( Hist. eçcles.
lib . I I I , cap . 2 7 ) rapporte la même lettre o ù A d r ie n é cr it
au pro consul p o u r d éfend re q u e les C h r é tien s so ien t troublé
s , e t fa ire punir sév è rement leurs calom nia teu rs . L a
persécution q u i e u t lie u sous son r è g n e , l’an 1 2 4 , é toit
prin cipa lemen t d ir ig é e con tre - les C a rp o c r a t ie n s , q u i
a v o ien t des agapes com m e les C h r é tien s ; après leurs
r ep a s , ils a v o ien t cou tum e d ’étein dre les lumières et d e
se liv r e r pê le -m ê le à to ute sorte d e d éb au ch es : mais on
c o n fo n d i t les C h ré tien s a v e c eux .
(2) L am p r id . in Alex. Sever.
(3) H ie ro n ym . Contra Jovianum, epist. io,_
(4) Voyez ci-dessus le §. v u .
(5) A th an a s . Contra gentes, pa g. 8 ; O r ig e n . Contra
Celsumj lib . n i , pa g. 13 6 ; Chronicon Alex. & c .
(6) C e t t e région Batheia [ Bad'./aç ] me pa roit devoir
s’ap pliq ue r au pa ys q u i sépare le N i l d u cana l d e Joseph,
q u i renferme presque par-tout un b a s -fond . C ’est le même
lieu qu ’on appelle aujourd’ hu i Bathen. V o y e z mon Mémo
ire sur le la c d e Moeris, A . M . tom. J,pagioy.
(7) S .É p ip h a n e , Adv. hæres. l ib .n i , tom. 11, pag. 1093.
(8) Clç 0 Avnwç 0 lu Avwov KtmJïv/jii/oç £ ovv ?x<my.u
itto iu ¡u I/mvoç vm ’AJ'pietn vm ç nstmay*. ( S . E piphan . An-
choratus, t o m . I I , pa g. 10 9 .) D a n s les recu e ils d ’inscript
io n s , o n remarque c e lle - c i, qui d ém o n tre qu’Antinoiis
fu t mis au ran g des d ie u x d e l’E g y p te : ANT INO fl
S T N G P O f i i i T A N EN A I I T I I T A ©EAN M. OTAIIIOS
A I IO ^ A Q N IO S r iPO GH TH S .
P I IIP
sa mort, et devint une des constellations de la sphère ; il y a donc quelques
raisons de croire a 1 apothéose qu en fit Adrien. On assure même que les oracles
rendus sous le nom d’Antinoüs étoient composés par le prince. Mais, sans décider
ce point de critique, on peut avancer qu’il n’y a point de preuve que ce prince
eût divinisé Antinoüs pour rendre les peuples complices d’une passion effrénée.
La mort héroïque, ou “ si Ton veut, simplement tragique, de celui-ci, explique
assez les honneurs qui lui furent rendus. Spartien attribuoit à une juste rëcon-
noissance les'regrets d’Adrien. D ’autres auteurs ont partagé cette opinion (i ).■ Mais
je ne dois pas insister sur ,un point qui a été traité par Winckeimann, Eckhel,
Visconti, et une foule d’antiquaires célèbres.
Adrien, comme je l’ai dit au commencement’de ce Mémoire, avoit un goût
démesuré de bâtir ; il en a donné bien des preuves en construisant tant d’édifices
dans 1 Asie, dans les Gaulés, en Angleterre (2), &c. ; mais une grande, sur-tout,
en faisant la ville Adrienne àTivoli. Là, selon Spartien, il .¿leva des édifices dont
il avoit puisé l’idée, le nom ou la forme, dans ses voyages à Athènes, en Égypte
et en'Asie ; ils portoient' les noms les plus célèbres, le Lycée, l'Académie, le Pry-
lanée, le Pcecile, Canope, Tempé; enfin, pour ne rien oublier, il y plaça aussi
les enfers (3). Quantité de'ces monumens se retrouvent encore aujourd’hui dans
la ville Adrienne, et offrent les restes d’une grande magnificence ; on y voit
l’endroit appelé Canope,.qui renferme un temple à demi détruit; un théâtre, des
portiques, des promenoirs, des xystes/des vestibules, le Pcecile (4 ) , &c. Ces
ruines coùvrent un espace considérable, qui a près de quatorze cents cannes
Romaines, sur trois-cent quatre-vingts (y), ou environ trois mille trois cent cinquante
mètres, sur huit cent cinquante. ?
Aurélius Victor nous le représente comme entouré d’une légion d’architectes et
d’artistes en tout genre, sans cesse occupés à construire et à décorer des édifices.
Il étoit lui-même habile peintre et sculpteur; il travailloit avec succès le marbre
et le bronze : aucun prince n’a aimé les arts avec autant de passion et ne les a
cultivés avec plus de goût (6). On attribue à Adrien l’arène de Nîmes et le pont
du Gard. Il fit» rebâtir le tombeau de Pompée et la ville entière de Jérusalem. A
Rome, le pont Saint-Ange, le mausolée d’Adrien, sont des ouvrages qui attestent,
avec tant d’autres, qu’il aimoit la grandeur du style en architecture. Il fit réparer
les chemins ou construire des chaussées nouvelles en Italie, en Espagne, en Portugal,
et jusqu’en Angleterre; et par ses soins, la voie Cassienne fut refaite dans
(1) Voyez les Monumens antiques inédits, par M. Mil- et provinciarum et locorum celeberrima nomina inscriberet,
lin, tom. I I , p. 1 53.M. C.d Levezow [überdenAntinous, velpt Lyceum , Academiam , Prytaneum , Canopum,
Mémoire sur Antinoüs, Berlin, 1808 ) pense que la more Poecilen, Tempe, vocaret; et ut nihilprcetennitteretjetiam
d’Antinoüs fut un effet du hasard : M.»MilIin croit qu’il inferos finxit. ( Spartian.)
immola sa vie, et que c’est la seule manière d’expliquer (4) Le Pcecile d’Athènes étoit un double portique,
les honneurs et le culte qui furent rendus à sa mémoire. long de huit cents pieds, avec un mur très-élevé au rni-
Voyez le Magasin encyclop. ann. 1809, pag. 4 *0- lieu, &c. *
(2) Il est l’auteur d’un mur construit en Angleterre qui R (5) Ichnographia villæ Tiburtinoe Hadriani Ccesaris,
avoit quatre-vingts milles, entre l’Eden et la Tyne. Multa à Pyrrho Ligorio } Ù“c. Romce tyyt. Piranesi a fait depuis
correxit, murumque per octoginta millia passuum prirnus un autre plan de la villa Adriana.
duxitj qui Barbaros Romanosque divideret. ( Spartian. ) (6) V o y e page 43 le portrait d’Adrien par Aurélius
(3) Tiburtinam villarn mire exoedijicayit, ira ut in ea Victor.
A . D . 1 F