4 D E S C R I P T I O N D E L A B A B Y L O N E d ’ É G Y P T E .
Babylone dut souffrir considérablement pendant ce siège; et les nouveaux édifices
bâtis par les vainqueurs ( i ) sur l’emplacement de leur camp achevèrent d’en changer
l’aspect : elle devint en quelque sorte une ville nouvelle, et prit le nom de JsUaJLs
Fostât (2), mot Arabe qui signifie tente. Les historiens Arabes,rapportent que ce
nom lui fut donné, parce qu’A'mrou, ce destructeur des cités, quittant Babylone
pour aller assiéger Alexandrie, ne voulut point faire abattre sa tente, afin de ne
pas troubler une colombe qui y avoit fait son nid.
Les Arabes trouvèrent dans la citadelle de Babylone un pyrée, sorte de temple
consacré au feu, selon les rites de la religion des Perses; ils le n o m m è r e n t t ,
Qoubbet (3) el-dokhân [temple de la Fumée], C ’est probablement de là que vient
aussi le nom Arabe de Qasr-el-Chama' qu’ils donnèrent alors à la citadelle; et
l’analogie qui existe entre ce nom et celui de Babylone, est assez singulière. Le premier
en effet se traduit littéralement par château de la Bougie, et métaphoriquement
par château de la Lumière. Babylone signifioit en chaldéen porte du Soleil; mais,
selon le génie des langues Orientales, cêla vouloit dire aussi, ville de la lumière, ville
lumineuse, glorieuse, &c.
Les premiers princes Musulmans qui régnèrent en Egypte, habitèrent souvent
Qasr-el-Chama’. Leurs successeurs finirent par l’abandonner tout-à-fait pour
el-Qâherah (4 ), et lé laissèrent tomber en ruine. Rien ne rappelle aujourd’hui son
ancienne splendeur : mais ses vieilles murailles dégradées intéressent encore par les
traces qu’elles ont conservées du passage de plusieurs peuples célèbres qui n’existent
plus que dans la mémoire des hommes ; et la méditation qui naît de si grands
souvenirs, se nourrit du spectacle de ces Chrétiens infortunés, toujours tremblans
pour leur vie et leur fortune, et qui, lâches et foibles, parce qu’ils sont esclaves
et avilis, ont trouvé un asile au milieu des murs élevés par les mains victorieuses
des Romains.
(1) On voit encore près de Qasr-el-Chama’ la belle
mosquée d*O’inar fondée par A’mrou.
(2) On ajouta au nom de Fostât le surnom de AJasr
que les Arabes ont toujours donné à la capitale de
l’Egypte : aussi est-ce le Kaire qui le porte actuellement;
et Fostât a pris celui de M a s r - e l-A ’ tyq, Masr le Vieux.
Cette dernière ville, nommée le Vieux Kaire par les Européens,
est aujourd’hui peu considérable, et sa décadence
date de l’époque où le vizir Châouar la livra aux
flammes pour la soustraire au pouvoir des Français, qui
s’avançoient vers elle sous la conduite d’Amauri, roi de
Jérusalem, l’an 564 de l’hégire.
( 3 ) Qpubbet signifie littéralement, voûte , dôme ,
coupole ; mais ce mot se prend en arabe pour l’édifice
religieux en entier.
(4) C ’est de ce mot Qaherah que les Européens ont fait
celui de Kaire sous lequel ils désignent cette ville. El-
Qâherah signifie la victorieuse. Ce nom lui fut donné par
son fondateur Giouhar , l’an 358 de l’hégire, sous
le règne à’el-Mo,e%-le-dyn- illah «»F JjJÎ, premier
calife ’d’Egypte, de la dynastie des Fatimites : mais elle
ne conserva point ce nom; les Egyptiens y substituèrent
celui de Masr qu’elle porte aujourd’hui. On doit être convaincu,
d’après tout ce que nous avons dit dans le cours
de cet écrit, que les voyageurs qui ont pris sa citadelle
pour celle de Babylone, se sont grandement trompés.
DESCRIPTION
DES ANTIQUITÉS
DE LA VILLE ET DE LA PROVINCE
DU KAIRE,
P a r M. J O M A R D .
C H A P I T R E X X .
S o u s le rapport des antiquités proprement dites, c’e st-à-dire,des anciens
monumens des arts, les lieux que je vais décrire n’offrent qu’un foible intérêt
sur-tout si on les compare aux provinces de la Thébaïde. On doit s’attendre à
trouver i c i , non la description de quelques ouvrages marquans de l’architecture
ancienne, mais seulement celle d’un certain nombre de fragmens, de débris ou
de vestiges appartenant à l’antiquité Égyptienne, Grecque ou Romaine. Toutefois
au nombre de ces monumens figurent plusieurs monolithes qui ne sont point
sans importance pour l’archéologie; et d’un autre côté ces mêmes lieux intéressent
a géographie comparée. Enfin la description qui suit entre nécessairement dans
le plan de cette partie de l’ouvrage qui embrasse les diverses localités où se
trouvent quelques ruines antiques. O r, ayant été chargé de lever la carte topographique
de la province du Kaire, j’ai eu la facilité d’observer la plupart des vestiges
qui subsistent de l’ancien état du pays, savoir : les lieux jadis habités, et
les traces du cours des eaux à ces époques reculées, cours dont la direction’ est
prouvée par des ouvrages d’art encore existans.
Cette province est l’une de celles qui correspondent à une des anciennes
préfectures, presque avec les mêmes limites: Par l’étude de la géographie de
OEppte, on voit que la province Héliopolitaine étoit bornée à l’ouest par le
Nil et par la branche Sébennytique, depuis Troja jusqu’à peu de distance
d Athnbes; au nord par une ligne allant de ce dernier point vers Sccnoe vetera-
norum (selon moi, Chybyn el-Qanâter), à l’est par Héliopolis et le désert : telles
sont aussi les limites de la province de Qeiyoub ou du Kaire. Héliopolis étant
pacee sur la limite orientale d e là province, ayant d’ailleurs mérité par son
importance historique une description spéciale ( personne n’ignore que -c’étoit
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