
raconte la ruse de Sostrate, tandis que des géographes Romains, qui avoient visite
leslieux long-temps avant et peu après la réduction de l’Egypte en province de
l’Empire, n’en parlent pas' II faudroit supposer, pour établir la vérité du fait, que
l’enduit placé par Sostrate sur son nom, et qui avoit résisté sans altération sous
tes Ptolémées et pendant plus de trois siècles, étoit tombé presque subitement
entre l’époque de Pline et celte de Lucien.
< Comment se fait-il maintenant qu’Ammicn Marcellin ait dit que la haute tour
du phare, car il la désigne ainsi, comme tous les autres auteurs, avoit été bâtie
par Cléopatre, la dernière des monarques de la dynastie des Ptolémées' ( II est
probable du moins que c’est de celle-là qu’il veut parler. ) Je ne puis disconvenir
que cette assertion ne s’explique par l’incertitude que la tromperie attribuée à
Sostrate auroit pu jeter sur 1e véritable fondateur; incertitude qui auroit régné du
temps de Lucien et d’Ammien Marcellin, celui-ci auteur de la fin du iv .' siècle ;
mais cet écrivain est démenti dans ce qu’il avance ici par tous ceux qui l’ont précédé,
et qui attribuent la construction du phare au second Ptolémée.
[42.] Le château actuel du phare, dont on voit tes dessins E . M . pl. ¿ 7 , est
composé d’une grande enceinte, dont le fort n’occupe qu’une bien petite partie,
et nous avons vu que cette enceinte elle-même étoit beaucoup moins spacieuse
que 1e soubassement du phare Grec, comme aussi la surface du rocher est moins
étendue qu’autrefois. On voit encore les maisons que tes modernes y ont construites
à l’imitation des anciens : mais, par suite de ces réductions, et d’après tes
expressions du géographe de Nubie, on conçoit que tes maisons antiques ou celles
qui leur avoient succédé de son temps, étoient placées dans l’intérieur de la tour
même ou de son soubassement; ce qui achève de donner une grande idée de sa
masse. Les Français ont détruit ces habitations et même des rues qui s’y trou-
voient, de manière à en faire un fort bien défendu par trois enceintes. Ce fort
carré et très-symétrique ressemble beaucoup à nos anciens châteaux seigneuriaux. Il
y a effectivement beaucoup d’analogie entre ces constructions gothiques et celles
des Sarrasins du temps des croisades, époque où l’Europe et l’Orient communiquèrent
fréquemment ensemble. Sa forme est très-agréable et d’un bel effet en
perspective. Le minaret est grêle et très-élevé; il appartient à une mosquée ruinée
dans 1e fort. Nous avons inutilement cherché si les Alexandrins avoient conservé
dans la dénomination Arabe de cet édifice une trace de celte de l’ancien phare ;
mais ils l’appellent seulement qasr [château fo r t] ; et les Francs, qui ont tout
confondu ou dénaturé, 1e nomment grand pharillon, pour te distinguer de leur
petit pharillon placé sur 1e cap Locliias, au lieu d’avoir donné à celui-ci 1e nom
diminutif et appelé l’autre tout simplement phare. A notre arrivée, nous avons
trouvé dans. 1e phare moderne, outre ses maisons et ses rues, beaucoup de débris
de l’ancienne ville, tels que bassins de marbre, tombeaux, colonnes de granit,
chapiteaux, &c. ; des formes de créneaux d’un genre particulier et qui caractérisent
tes édifices Arabes : nous avons vu en batterie, depuis des siècles sans
doute, de longues coulevrines dans la lumière desquelles on peut placer 1e doigt;
des débris d’affuts et de canons rongés par 1e vert-de-gris, épars çà et là dans les
fossés ;
fosses, des boulets de pierre de tout calibre, dont quelques-uns étoient énormes
et nous rappeloient ceux auxquels tes Turcs font traverser le détroit des Dardanelles.
On voyoit aussi, dans quelques-unes des salles, de belles mosaïques, des
restes d’armures qui remontent peut-être à des temps plus reculés que 1‘hégire; des
casques, des arbalètes, des flèches et de grands sabres.
A u surplus, il sera donné une description exacte et détaillée du phare moderne
dans le Mémoire de M. Gratien Le Père, comme de tout ce qui concerne
Alexandrie depuis le siège d’A ’mrou. Mais la comparaison abrégée que nous
venons de faire des deux édifices, étoit nécessaire pour faire sentir la magnificence
et l’immensité du monument antique.
D I G U E D U P H A R E .
[4-3] L es débris antiques de la digue du phare se trouvent spécialement sur
1e cote de cette jetee qui regarde la mer, soit pour 1e garantir, comme je l’ai
dit, soit qu’ils proviennent d’édifices qui existoient entre l’îlot et le château du
phare. On rencontre encore beaucoup de fragmens semblables en parcourant tes
bords du port neuf, à commencer du point où abordent tes djermes jusqu’auprès
du fort carré qui servoit de magasin a poudre ( 1 ). La pierre numismate
se trouve aussi en blocs parallélipipèdes. J’en ferai connoître la nature à l’occasion
de la tour dite des Romains.
[4 4 ] Nous verrons par nos remarques sur tes fragmens antiques situés sous
le quartier des consulats, que tes anciens Égyptiens ont pu faire aussi des colonnes
en granit, puisqu’on en trouve deux façonnées à leur manière : mais ils
n ont certainement pas taillé celtes de forme Grecque qu’on rencontre en si
grande abondance dans tes ruines d’Alexandrie; et comme on ne trouve d’anciennes
colonnes Égyptiennes en granit que celtes dont je viens de parler, il est
permis de dire quelles pouvoient être une imitation du style Égyptien, faite par
des artistes Grecs, qui étoient obligés de l’employer, malgré leur répugnance,
dans l’édifice dont ces deux colonnes devoient faire partie.
[ 4 j ] Quoique tes anciens Égyptiens aient employé te granit avec profusion
dans leurs temples et leurs palais de la haute Égypte, on ne trouve plus aujourd’hui
que quelques statues, quelques obélisques, 1e revêtement d’une salle de
Karnak, celui de la chambre de la grande pyramide, quelques niches monolithes,
sarcophages, &c. La plupart de ces objets en granit n’ont pu être découverts,
extraits ou employés ailleurs, et voilà pourquoi ils sont restés en place. D ’un
autre côté, s il est vraisemblable que ces vieux Égyptiens ont fait des colonnes
en granit, tes Grecs les ont toutes enlevées ou remaniées; c’est pour cela qu’ils
n ont eu qu à retoucher et n ont pas exploité eux-mêmes 1e granit en très-grandes
masses, mais seulement pour se procurer quelques colonnes qui pouvoient leur
manquer. Les entreprises gigantesques appartiennent donc tout entières à leurs prédécesseurs,
et les ouvrages de goût sont restés 1e partage des derniers venus
[4 6 ] On ne peut pas supposer, comme cjüelquës-uns font fait, que la digue