
le sort, comme le précédent, d’être relevé par les Arabes, et que c’est pour cela
que les angles de sa base sont mieux conservés que ceux de l’autre.
On n’a pas fait de fouilles pour cet obélisque, dans une position symétrique par
rapport au soubassement de celui qui est debout. Il est probable qu’on auroit trouvé
son piédestal particulier. On en auroit tiré bien d’autres avantages, et notamment
31 découverte de l ’axe de l ’édifice qu’ils ornoient tous les deux; mais l’opposition
de son pied peut servir à faire connoître cette ligne.
C e que nous avons dit des cassures et autres altérations qui existoient à ces
deux obélisques, lors même qu’ils ont été dressés en cet endroit, prouve qu’ils
étoient déjà fntstes à cette époque, et qu’ils provenoient de quelque monument
Égyptien antique ; et Ja suite achèvera de démontrer que les Alexandrins, les Pto-
lémées, les Romains, et les Grecs même, dans les plus beaux temps de leurs arts,
n’ont point exploité ni gravé de ces monolithes, et qu’ils les avoient tous tirés du
Saïd, comme firent les empereurs de Rome et de Constantinople. Pline, qui donne
J’origine de plusieurs obélisques qu’on voyoit de son temps en Egypte et à Rome,
ne spécifie point le lieu d’où provenoient ceux d’Alexandrie. Il dit cependant qu’ils
ont été taillés par les ordres du roi Mespliécs, et l’on ne peut confondre avec eux
aucun des autres monolithes dont il parle. Quoiqu’on ne retrouve pas littéralement
ce nom propre dans la liste incomplète et confuse des anciens rois d’Egypte, il est
toujours certain que celui-ci régnoit bien avant qu’Alexandrie existât [79]. Ainsi
cela confirme que les Ptolémées n’ont point fait tailler ces deux monumens, et que
les obélisques, en général (mais sur-tout ceux qui portent des hiéroglyphes d’un
beau travail ) , sont un genre d’ouvrage particulier aux anciens Égyptiens.
Le même Pline décrit les moyens employés par Philadelphe pour transporter
une de ces masses. Les principaux consistoient à ouvrir un canal jusqu’au pied et
en travers de l’obélisque; à y introduire, au-dessous du bloc, un bateau fait exprès
ou une espèce de radeau formé de deux bateaux accolés, qu’on lestoit et vidoit
ensuite, pour soutenir le monolithe. Le cube de celui qui est debout à Alexandrie,
est de soixante-dix mètres vingt centièmes, et, en prenant cent quatre-vingt-cinq
livres douze onces quatre gros cinquante-trois grains pour le poids du pied cube
de granit d’Egypte, il doit peser cent quatre-vingt-six mille deux cent quarante-
six kilogrammes soixante-trois centigrammes.
Les réflexions que je pourrois faire ici sur ces grandes entreprises, sur l’avancement
qu’elles supposent dans les sciences et dans les arts libéraux et mécaniques
de la part des anciens Egyptiens, sur le caractère laborieux et patient de ce peuple,
se présentent d’elles-mêmes à l’esprit. La vue ou la description de l’obélisque dit
tout. Ces observations se retrouvent d’ailleurs aussi naturellement amenées dans
tous les auteurs qui ont traité de ce genre de monumens. Je remarquerai seulement
ici que ce sont encore les Egyptiens qui ont donné aux autres nations 1 idée
et le modèle d’exécution de ces hardis projets ; que les Grecs d’Alexandrie sont
aussi les premiers qui en aient imité une partie importante, en transférant au loin
ces immenses fardeaux et en adaptant à leur propre architecture la belle décoration
que les obélisques leur offroient. Les anciens Romains et les Européens modernes
n’ont
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nont plus fait que copier les Alexandrins dans ces deux choses, sauf que les premiers
y ajoutèrent le transport si difficile de ces lourdes masses à travers les flots
de la mer [80].
La forme de ces deux monumens fait naître plusieurs observations générales.
Il n’est pas nécessaire sans doute de faire remarquer que le corps du monolithe
est un tronc de pyramide quadrangulaire très-alongé; qu’il est toujours terminé
par une petite pyramide non tronquée. Il n’existe point, que je sache, d’obélisque
Égyptien qu i ne reunisse ces conditions caractéristiques du genre de ces monumens
; excepté toujours celui de Crocodilopolis, qui sort entièrement de la classe
commune. Dans ceux d Alexandrie, on peut examiner les dimensions principales,
et 1 on verra, en les comparant entre elles, qu’elles ne s’écartent pas d’une manière
sensible de certaines proportions que j’ai déduites de l’étude du plus grand
nombre des beaux obélisques connus tant en Egypte qu’en Europe; c’est-à-dire,
que la hauteur du pyramidion est à peu près égale à la largeur de la base, qui est
elle-même entre le neuvième et le dixième de la hauteur totale. Nous ne con-
noissons point assez les mesures des parties supérieures, comme la largeur de la
base des pyramidions, pour établir la proportion de l’amaigrissement du corps de
l’obélisque; mais on peut, en s’assurant de ces dernières mesures, compléter les
rapprochemens que je viens de faire, et qui serviroient à trouver une sorte de
module de ce genre de monument, particulier à l’architecture Égyptienne. On
sent, au surplus, que les deux proportions qui viennent d’être établies ne sont
que des limites.
Les signes hiéroglyphiques de ces deux aiguilles ont plus d’un pouce de profondeur
sur les bords. Us sont bruts, et le plan de la face de l’obélisque est poli [81].
Pline dit que la forme que nous avons décrite tout-à-l’heure étoit un emblème
de celle des rayons du soleil; que le mot obélisque avoit cette signification dans la
langue Égyptienne. Il ajoute expressément que ces monumens étoient consacrés
à' la divinité de cet astre ; et il assure ailleurs que les inscriptions dont sont chargés
ceux d Auguste au grand Cirque et au Champ de Mars, contiennent l'explication
de la nature selon la philosophie des Égyptiens. Lorsque Pline écrivoit ces assertions,
il n’y avoit pas long-temps que ces deux monolithes avoient été transportés
a Rome, où les mystères Égyptiens étoient pratiqués. Au moment même où on
les enleva d Egypte, la doctrine de ce pays y étoit assez conservée pour qu’on
eut retenu au moins les traditions générales et publiques sur les obélisques. Les
antiquaires ont établi divers systèmes pour expliquer 1 objet de ces monumens;
leurs conjectures sont toutes plus ou moins plausibles : mais nous ne voyons
pas pourquoi, d après la remarque précédente, on ne préféreroit pas l’autorité de
Pline [82].
On a cru que les anciens Égyptiens tiroient parti de ces aiguilles déjà consacrées
au soleil, pour marquer en même temps les mouvemens de cet astre par
le moyen de leur ombre. Rien de ce que nous avons vu en Egypte ne confirme
cette opinion, qui est née à Rome. Toujours est-il certain que les plus anciens
Ptolémées, qui auraient les premiers imité cet usage des Égyptiens, et dont l’école