
ville dont cette position étoit voisine, dit ce savant, n’est pas Memphis, mais
Momemphis, lieu situé bien loin de là dans le nord ( i) . Cette critique paroît
peu fondée, quoiqu’il l’appuie sur le texte publié par Wesseling, dans lequel
Mà/ue/uipiv est substitué à MeTccpiv (2). En effet, le surnom de célèbre, de vantée
¿n/j.a.ÇofA.ém (3), qui appartient si bien à Memphis, peut-il être donné à un lieu
obscur en comparaison de cette capitale! Strabon dit, à la vérité, qu’on y adoroit
Vénus (4 ); mais ce n’est point un motif suffisant pour empêcher de s’en tenir
au texte que j’ai rapporté (5). En effet, au midi de Gyzeh,àune lieue et demie
de Memphis, est un village du nom de Gczyret el-Dahab-, c’est-à-dire, l'Ile d'Or,
et aussi le Champ d ’Or (6). La conformité d’emplacement et l’analogie de nom
seroient-elles ici réunies sans annoncer une identité de position! Diodore de
Sicile vouloit prouver que 1 épithète de toute d ’or, donnée à Vénus par Homère,
venoit de l’Egypte, et, en général, qu’Homère et d’autres Grecs illustres avoient
puisé beaucoup de choses dans cette contrée. Que ce lieu dût son nom à sa
fécondité ou à tout autre motif, ou qu’il l’eût reçu comme consacré à la déesse
ainsi surnommée, je l’ignore ; mais il semble que rien ne répugne à reconnoître
cet endroit, qui est très-fertile, pour le Champ d ’O r, le Champ de la Vénus d ’or (7),
cité par Diodore de Sicile (8). D ’ailleurs Hérodote place à Memphis un petit
( 1 ) Norden, Voyage, édit. de Langlès, t. III, p. 201.
(2) Diod. Sic.Bibl. hist. edit. Bip. 1793,1.1 ,p. 288.
(3) Cette acception est, je crois, déterminée par le
sens de la phrase.
(4 ) Lib. x v i i , pag. 803.
(5) Le savant Wesseling, commentant ce passage
( Diod. Sicul. Bibl. hist. edit. Bipont. t. 1 , pag. 474)»
s’est décidé pour le mot Mà/jm/i/pn, quoique tous les manuscrits
(hors un) portent Me/tç/y. Sur quoi se fonde-t-il !
Sur ce qu’au chapitre l x v i le texte de Diodore présente
les mêmes mots , net- • • • orofxaÇo/Mmr Mâft&pttpiv : mais
il eût dû peut-être considérer que trois manuscrits portent
ici MtyuÇiK.2.0 Surce que Memphis étoit trop connue pour
avoir besoin de cette épithète ; mais on pourrait dire que
Momemphis ne f étoit pas assez pour la mériter. 3*° Sur
ce que Strabon apprend qu’à Momemphis on adoroit
Vénus : mais on ne peut s’en étonner, puisque cette ville
étoit en face du nome Prosopites, où ce culte étoit en
honneur. Pourquoi en conclure que là est le champ dit
de Venus Aurea , quand on sait que Memphis avoit
un temple de Vénus étrangère (suivant Hérodote), ainsi
qu’on va le voir, ou de Vénus, divinité Grecque (suivant
Strabon)!
(6) Je pourois citer plus d’un territoire, plus d’un
champ de l’Egypte moyenne, appelé Gezyret, sans être
une île.
(7 ) Comme ce lieu n’étoit pas une ville, un lieu
habité, mais un territoire, je n’en ai pas inscrit le nom
sur la carte ancienne. Sa position est sur la rive gauche
du Nil, sous le parallèle de la grande pyramide.
(8) Je soumettrai au lecteur une conjecture surce
nom de lieu, qui semble n’avoir pas attiré l’attention des
savans : elle m’est suggérée par la proximité du village
appelé Atâr el-Naby, placé tout en face de Gezyret el-
Dahab. On traduit ce nom ordinairement par ces mots:
Trace du prophète, et même on montre une pierre oit il i
a laissé l'empreinte de son pied, et que les Musulmans
dévots viennent voir du Kaire et de très-loin. C’est une
règle de critique, qu’il faut porter une attention particulière
sur les noms de lieux à traditions merveilleuses. On se
demande si les Arabes, lors de la conversion de l’Egypte
à l’islamisme, n’auraient pas tiré parti d’un nom très-an- j
cien existant dans cet endroit , et profité de l’ignorance '
ou de la crédulité des habitans pour leur persuader que I
le prophète y avoit marqué son pied. Il est- dans le génie
des Arabes de ramener les noms étrangers à des mots J
significatifs dans leur langue ; je pourrais en citer maints
exemples. Si le nom antique Egyptien étoit z-ç&p
ÎÏHOTÊi:, mot à mot Venus auri, Venus aurea, il étoit
facile d’en faire Atàrennaby, j l î l [ la trace du pro- I
phète] ; quant à la pierre avec l’empreinte, je pense que I
personne n’est embarrassé de l’expliquer, pas plus que I
les fidèles croyans d’O’mar et les compagnons d’A’mrou I
ben-el-A’s ne l’ont été de la découvrir. Or on sait que I
plusieurs villes de l’ancienne Egypte nommées Aphro- I
ditopolis [ ville de Vénus] par les auteurs Grecs s’appe-
loient en égyptien Atharbech - is, et que ce nom, dans I
les manuscrits Qobtes, est Athar Bahi, BsKï;
et ce qui complète cette analogie des noms, c’est
la présence d’une lettre rarement employée dans les I
noms de lieux Arabes, savoir le o et sa conformité I
avec le 9 du nom de la Vénus Egyptienne. Ajoutons I
qu’Atâr el-Naby est contigu au nome Aphroditopolites |
de l’Egypte moyenne. On peut citer, entre une foule I
d’exemples des mots qu’ont altérés les Arabes pour les ra- I
mener à des mots usuels de leur langue, la manière dont I
certains auteurs ont expliqué le nom de la province du I
Fayoum. Ils prétendent qu’elle tire son nom du canal
de Joseph, qui arrose cette province reculée, et que
temple consacré a Vénus étrangère (ou Vénus reçue à titre d’hospitalité) (i );• ce
.seroit assez pour expliquer le nom de la position, indépendamment du sens qu’il
faut donner a cette tradition, sur laquelle nous reviendrons au § III
Kotim el-Eyoued, la butte Noire, est le nom d’un village placé à la hauteur de
la deuxième pyramide de Gyzeh, sur la rive gauche du canal occidental- c’est
le village le plus voisin du grand sphinx. Il renferme des buttes de décombres,
et Ion seroit dabord porté à y reconnoître , comme je l’ai dit plus haut le
lieu de Busiris, indiqué par ce passage de Pline que je vais rappeler: Pyramides’. . .
h Mempht, V I . . . vico appositoe quem vocant Busirin, in quo sunt assuetl scandere
illas (2).
Sans doute, s’il n’étoit question que des deux grandes pyramides, cette proximité
s accorderait mal avec la distance de ces monumens à Abousyr, laquelle
est de 1 3,000 mètres en ligne droite; mais la position de la Busiris de Memphis
est trop bien fixée à Abousyr, endroit plein de ruines et de débris antiques, pour
la transporter à Koum el-Eçoued, à près de trois lieues plus loin. C’est donc un
point qui reste au moins incertain, comme je l’ai déjà fait remarquer précédemment
(3), et je considère Busiris comme ayant été, non pas une ville distincte,
mais un des faubourgs de Memphis.
§. II.
D e s c r i p t i o n d e s R e s t e s d e M e m p h i s .
Il nest aucun des historiens de l’Égypte qui n’ait fait mention de la ville de
Memphis, et qui n’ait traité de ses monumens ou de son histoire, et l’on pourroit,
d après eux, s étendre fort au long sur cet intéressant sujet; mais l’article qui lui
est consacré dans cette partie de l’ouvrage, doit être d’autant plus circonscrit, qu’il
subsiste moins de vestiges apparens de son ancienne splendeur, propres à composer
une description de monumens. Ce n’est pas que je pense que tous les anciens
ouvrages qui faisoient l’ornement de cette cité soient entièrement détruits et
anéantis, et il est plutôt à croire qu’on en trouveroit encore des restes imposans
si Ion pratiquoit de grandes fouilles dans les buttes de ruines existantes; mais
tout, ou presque tout, est caché et enseveli plus ou moins profondément. On
ne voit plus aucun reste de temple ou de palais, aucun monument debout; c’est
sans doute pour ce motif qu’on a long-temps hésité sur l’emplacement de Memphis.
Plusieurs écrivains, et même plusieurs voyageurs modernes, tels que le
P. Sicard et Shaw, se fondant sur des rapprochemens inexacts ou des raisons
rivoles, lavoient supposé, les uns à Fostât, les autres à Gyzeh, c’est-à-dire, à
Joseph le patriarche l’acheva en mille jours [ elfyoum ( a ) Lib. X X X V I , c .'x n .
fji tandis que le véritable sens est en copte ( . ) Voy^ „.dessus,page 26.
'„ ! P'‘i0m ' U M ’ parCe î u’un Iac - Nom. Dans la carte ancienne et comparée de l’Égypte
compare a la mer, remplit toute la partie septentrionale le nom de Busiris est placé conjecturalement près des
Wç ia province. j . . r
grandes pyramides, uniquement d après le passage de
(• ) Herod. Hist. lib. 11, c. e x il.
A.D.