
» rendoient indispensable son entreprise de fonder 177eptastadium. L ’île du Phare,
» où Homère a placé en beaux vers la fable de Protée gardant ses troupeaux de
», phoques, séparée du rivage de la ville par un intervalle de mille pas » ( voilà
encore une autre mesure de l’Heptastad'mm; mais aucune des trois espèces de stades
ne peut la faire accorder avec les témoignages de l’antiquité et le nom même de la
digue ) , « étoit sujette aux tributs que levoient les Rhodiens. Quelques-uns d’entre
» eux étant venus demander des augmentations trop fortes de cet impôt, cette
» reine, toujours consommée dans la fraude, ayant conduit avec elle ces percep-
» teurs dans des maisons de plaisance aux environs de la ville, sous prétexte de
» les faire assister à des fêtes solennelles, avoit ordonné de pousser sans relâche les
» travaux de cette construction, et, en sept jours, sept stades de longueur de môle
?> fondés dans la mer réunirent l’île voisine à la terre ferme. Ayant ensuite par-
» couru tous ces lieux en voiture, Les Rhodiens se trompent, dit-elle; c'est sur les îles,
» et non sur le continent, qu ’ils lèvent des droits de navigation. » A u surplus, le caractère
artificieux qu’Ammien Marcellin prête à cette Cléopatre, paroîtroit indiquer que
c’est la troisième de ce nom et la dernière reine d’Egypte. Or X Heptastad'mm exis-
toit du temps de la guerre d’Alexandrie, et César n’avoit pas encore mis alors
cette princesse sur le trône; du moins elle n’y étoit pas encore seule, et maîtresse
absolue de traiter avec les étrangers, tels que les Rhodiens. Rollin, en citant Tzetzès,
poëte Grec du xn .' siècle, qui a composé en vers prétendus politiques des histoires
mêlées, écrites d’un'style emphatique et pleines d’inutilités insipides, dit que la
reine Cléopatre fit construire l’Heptastade par l’architecte Dexiphane, natif de l’île
de Chypre; qu’elle lui donna pour récompense une charge auprès d’elle, la conduite
de ses bâtimens, &c. ; mais qu’on croit qu’il vaut mieux attribuer cet ouvrage
à Ptolémée-Philadelphe ; disons plutôt, à son pèreSoter; car nous avons vu que
l’architecte Sostrate, qui vivoit sous le second Ptolémée, étoit fils de Dexiphane,
qui vécut par conséquent sous le premier de ces rois. Dinocrate n’avoit donc
aussi fondé, sous Alexandre, que les principaux établissemens sur la terre ferme,
[5 7 ] Outre les causes d’atterrissement provenant de la digue elle-même et de
l’obstruction des canaux de communication propres à conserver un courant entre
les deux ports, il faut considérer que la continuité de l’île Pharos jusqu’à la tour
augmentoit, dès l’antiquité la plus reculée, l’effort et la tendance des mouvemens
latéraux de la mer, dont j’ai parlé, à combler le grand port, en soutenant les eaux,
comme l’auroit fait un épi, jusqu’au cap Lochias. Les détritus de l’île eux- mêmes
alimentoient cette cause d’encombrement, et les courans retomboient, avec ces
troubles, du cap Lochias contre l’Heptastad'mm, où les remous et le calme les
faisoient déposer. C e cap lui-même, successivement rongé par les vagues, gros-
sissoit le dépôt de ses débris particuliers. Il clonnoit, par l’agrandissement de la
passe, un plus libre accès aux flots et aux sables ; et toutes les autres causes qui
tendoient à former l’isthme actuel de la ville moderne, agissoient tous les jours
plus facilement Des effets analogues, mais moindres, ont dû avoir lieu dans le
port d’Eunoste, par l’action des eaux contre la côte de Necropolis, et par le dépôt
de leurs trouhles contre l’Heptastade et l’île Pharos : ainsi ce môle se couvrait
des deux côtés. Son atterrissement a dû se produire principalement sous les Arabes
et leurs successeurs, qui habitoient encore l’enceinte Sarrasine. Mais, lorsque les
Turcs, à mesure que tout dépérissoit autour d’eux, voulant se rapprocher de la mer
et se tirer de l’isolement où ils se trouyoient dans cette enceinte déserte, allèrent
peu à peu habiter l’alluvion de 1 ’ H eptastadium, ils purent employer les matériaux
de ce môle à la construction de leurs maisons, et en agrandir l’emplacement
par des transports de décombres. Nous en voyons d’assez récens dans les jetées de
colonnes horizontales qui paraissent au bord sud-est du port neuf. Elles supportent
les plus beaux bâtimens d’Alexandrie actuelle, qui sont des o’kel ( espèces d’hôtelleries
et de magasins ), ou des maisons habitées par les divers consuls.
[58] Je n’ai pas poussé plus loin le parallèle entre l’ancienne et la nouvelle
Alexandrie, parce qu’il ressort tout entier de la description qui fait l’objet de ce
Mémoire; d’un autre côté, cette dernière ville est si connue des Européens, que
Belon même, qui voyageoit en Egypte en 1530, sous le règne de François I.",
déclare que sa description ne pouvoit se composer que de redites. D ’ailleurs,
d’après la division de l’ouvrage, la ville Turque fait partie de ce qu’on a appelé
Etat moderne. J’observerai seulement que les avantages de la position et des ports
d’Alexandrie sont si réels, qu’ils se font encore sentir malgré la découverte du cap
de Bonne - Espérance et l’action du gouvernement ignorant et oppresseur des
pâchâs et des beys Mamlouks. Cette ville pourrait même encore recouvrer la plus
grande partie de sa prospérité primitive, comme nous l’avons démontré dans le
discours préliminaire du Mémoire sur le canal de la mer Rouge à la Méditerranée.
Je dois ajouter, afin de donner plus d’exactitude à ce que j’ai avancé dans le
texte, que, pour une ville Musulmane, Alexandrie a encore quelque apparence
et quelque régularité dans le tracé de ses principales rues ; que, cinq ans après le
départ des Français, elle fut privée de la seule eau potable qu’elle possédoit, et
que sa population se trouvoit réduite alors à environ cinq mille habitans,
M A S S I F S D E C O L O N N E S A N T I Q U E S S O U S L E Q U A R T I E R
D E S C O N S U L A T S .
[59] On sait que les Grecs, pendant leur domination à Alexandrie, introduisirent
en Egypte leurs divinités, ainsi que leur manière de travailler, et que, de
leur côté, ils adoptèrent une partie des usages de ce pays. On trouve même, parmi
les monumens du style Égyptien imité, plusieurs statues et autres fragmens qui
portent des hiéroglyphes.
[60] On trouverait, en remontant de destruction en destruction et de construction
en construction, que ces monumens d’Alexandrie démolis par les Arabes
étoient faits avec des matériaux de Memphis, qui avoit été ornée des débris de
Thèbes, &c. Le granit d’Egypte est vraiment une matière admirable et la plus
précieuse ressource pour les grandes fabriques, par son abondance, la beauté
de son poli et de ses couleurs, et par son indestructibilité. Il y a peut-être telle
colonne, encore très-belle après avoir subi tous les usages que je viens de dire,
qui, placée aujourd’hui dans une misérable échoppe Turque, provient du plus