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les passages de Pline, on ne peut absolument la faire remonter plus haut que Je
règne de Trajan.
On donne pour cause de l’acharnement des habitans d'Heracleopolis contre le
labyrinthe, qu’ils adoroient l’ichneumon, tandis que les Arsinoïtes honoroient le
crocodile , dont l’ichneumon étoit l’ennemi naturel; mais il faut avouer que ce
motif est fort suspect, plus encore que l’antipathie de ces animaux n’est fabuleuse.
Malheureusement nous ne retrouvons plus les temples et les monumens religieux
de ces deux préfectures, qui nous auroient fait connoître leurs cultes. On a dit,
dans la description du nome Héracléopolite, que la capitale est elle-même entièrement
ruinée, et 1 on a aussi essayé d’expliquer l’aversion qu’avoient ses habitans
pour«ceux du nome de Crocodilopolis (i).
On doit croire que les grandes masses appelées pteron par Pline étoient des
ailes, comme celles'qui sont dans les temples Égyptiens (aj. En effet, ptera est le
nom qu emploie Strabon, quand il décrit les constructions latérales de ces temples.
Il nen reste plus rien de visible aujourd’hui dans les vestiges du labyrinthe : il en
est de même des colonnades, des portiques et des péristyles, des statues des rois
et des dieux.
Les. chambres taillées dans le roc, aperçues par M. Malus, répondent parfaitement
a ces expressions de Pline , inde alioe perjbssis cuniculis subterráneos donnes, et
aux ctyptes dont il est parlé dans Strabon ; elles pouvoient répondre à des galeries
communiquant sous la pyramide et sous le reste de 1 édifice : majore autem parle
transitas est per tenebras.
La pierre dont la masse de l’cdifice étoit construite, est, comme on l’a vu,
un calcaire compacte, susceptible d’un certain poli:.c’est encore un des traits de
la description de Piine, lapide polito; mais qu’est devenue l’entrée en marbre de
Paros ï
La chose dont il est le plus difficile de se faire une idée, c’est le nombre
des appartemens qui existoient dans le labyrinthe: il y en avoit, dit Hérodote,
quinze cents sous terre, et quinze cents au-dessus. L’espace d’un stade carré, tout
vaste qu il e st, est trop restreint pour une si grande quantité d’appartemens;
chacun deux nauroit eu, terme moyen, que quatre mètres environ. Toutefois,
suivant Pomponius Mêla, il y avoit le même nombre de distributions que selon
Hérodote.
« On compte, dit Mêla, dans le labyrinthe trois mille appartemens et douze
» palais, enfermes par une seule muraille; 1 édifice est construit et couvert en I
» marbre. Il n’a qu’une seule descente ; mais en dedans il y a des routes presque
» innombrables, par où l’on passe et repasse en faisant mille détours, et qui
» ramènent sans cesse aux mêmes endroits, &c. »
Il est probable que cette entree unique, dont parle Pomponius Mêla, étoit I
situee a 1 ouest des ruines actuelles, sur ce plateau inférieur que nous avons décrit, I
et qui est à quinze mètres au-dessous du sol du labyrinthe : c’est là que déhouchoit
Ja galerie souterraine, conduisant sous la pyramide et le reste de l’cdifice.
(0 ia Description de l’Heptanomide , sect. IV. (2) Voyez la Description d’Edfoû, A . D. chap. V.
DU NOME ARSINOÏTE. CHAP. XV11. RUINES DU LABYRINTHE, 3 9
Ce qu’il y auroit sans contredit de plus curieux à éclaircir, sous le rapport des
questions historiques, c est le nombre des cours du palais où s’assemhloient les
députés de chaque nome. Les auteurs ont beaucoup varié sur le nombre des préfectures
d’Égypte. Ces préfectures ont elles-mêmes varié avec les temps et avec
les maîtres du pays. La liste de Pline n’est pas la même que celle de Strabon ;
celle-ci diffère de celle de Ptolémée ; Diodore et Hérodote ne fournissent que
des noms isolés. Il exi.te cependant des données exactes pour en fixer la quantité
et la nomenclature (1). Ce n’est pas ici le lieu d’eh faire la recherche : un
pareil travail appartient essentiellement à la géographie civile et comparée de
l’Egypte, et il aura sa place ailleurs. Nous nous contenterons de rapprocher lés
passagers de Strabon et de Pline. Suivant le premier, il y avoit dans le labyrinthe
vingt-sept palais, ou les députations de tous les nomes avoient coutume de se
rassembler pour délibérer sur les affaires importantes. Selon Pline, il n’y avoit que
seize grands bâtimens pour les préfectures, vastis domibus; mais, clans la phrase
suivante, il parle de quinze, ou, suivant une variante, de onze petits bâtimens,
1vdiculas (2): Les seize grands bâtimens auroient pu être affectés aux préfectures
principales; les onze autres, à onze nomes du second ordre; en tout "vingt-sept,
ainsi que demande Strabon.
Or on comptoit, dans l’antiquité reculée, dix nomes dans la Thébaïde, sept
dans 1 Heptanomide, et dix dans l'Egypte inférieure, en tout vingt-sept. Ce n’est
que dans des temps plus récens que le pays fut divisé en un plus grand nombre
de districts (3).
' Nous ne nous arrêterons pas davantage à cet endroit de Pline qui feroit croire
que toutes les salles du labyrinthe etoient voûtées, fornicibus tecti. Il est bien probable
quil s agit ici-de fausses voûtes, semblables à ces arcades qui ont été employées
au palais d’Abydus ; aussi Strabon dit-il qu’on Voyoit à Abydus et au labyrinthe
des ouvrages du même genre. Il y a encore une conformité de situation
dans les édifices de ces deux endroits de l’Egypte; le palais de Memnon à Abydus,
et le labyrinthe, etoient 1 un et I autre au bord du désert et touchoient à la Libye.
Enfin Strabon semble leur donner la même origine, puisqu’il les attribue au même
prince, Ismandès ou Imandès. De plus, Diodore de Sicile nomme Mendes, qui
est peut-être le même roi, parmi ceux auxquels on attribuoit l’érection du labyrinthe.
Ce rapprochement, digne d’attention, a déjà été fait dans la Description
d Abydus (4 ). Au reste, la construction et la disposition toutes particulières du
labyrinthe prouvent bien qu’il est d’une époque et d’une origine différentes de
celles des autres monumens Égyptiens.
Il resteroit peut-être à proposer une restauration du labyrinthe d’après les vestiges
qui subsistent encore, comparés aux descriptions des auteurs; mais nous
(') VoytZ *a Description de PHeptanomide, A . D.
chap. X V I , f . I , pag. 2.
(2) Voye^ ci-dessus, pag. 35, note 1.
(3) Voyez Description de PHeptanomide, A . D.
chap. X V I , pag. 2.
Dun autre côté, Hérodote et Mêla parlent de douze
palais contigus sous une même enceinte , comme s’il
s agissoit du palais de chacun des douze princes auxquels
ils attribuent le labyrinthe.
(4) Voy^Z ta Description d’Abydus, A. D. chap. X I ,
pag. 16 et 20.