dieux, en grand nombre, de même qu’Alexandre et le père et la mère du prince
couronné, avoient chacun la leur. On y comptoit plus de douze cents chars, cinquante
sept mille six cents hommes d’infanterie, et vingt-trois mille deux cents
de cavalerie pour l’escorte.
TROISIÈME AQUEDUC. ---- COLONNE DE DIOCLÈT1EN.
Après l’emplacement de la grande rue transversale, on franchit le troisième
canal souterrain, qui n’offre rien de particulier à observer que sa ressemblance
parfaite avec le premier des quatre qui subsistent. Il nous a paru avoir la même
largeur de deux pieds.
L ’objet le plus remarquable que l’on rencontre dans cette vaste surface méridionale
de la ville, et en même temps le plus magnifique, sans contredit, de tous
ceux que présente non-seulement Alexandrie, mais encore la plus grande partie de
l’Égypte [ i 17]; plus beau par la pureté de sa forme dans une si grande masse, et
aussi étonnant sans doute, par la difficulté de son érection en trois pièces différentes,
que les plus grands obélisques de Thèbes ou de Rome; c’est la colonne (1 )
connue jusqu’à présent sous le nom de Pompée, à qui on l’attribuoit communément,
sans autre motif apparemment que le souvenir de la mort que cet illustre Romain
trouva en Egypte. On savoit que cette colonne avoit dû porter une statue à son
sommet; et il a suffi du rapprochement facile d’un fait historique connu de tout
le monde pour faire rapporter à cet événement tragique l’établissement de ce monument,
comme on fit pour les prétendus bains et obélisques de Cléopatre. Cette
colonne est non-seulement le premier objet qui frappe la vue et excite l’étonne-
ment lorsqu’on parcourt le sol d’Alexandrie, mais de loin elle domine la ville,
les minarets, les obélisques, et le château du phare : elle sert en mer de reconnois-
sance aux vaisseaux, et guide les Arabes dans les plaines non moins vastes et nues
du désert.
Quoique M. Norry en ait fait une description spéciale, dans laquelle il donne
toutes les dimensions de ce colosse, qu’il me soit permis den citer ici les principales.
On ne peut parler d’un objet aussi étonnant sans rappeler les traits essentiels
qui constituent ce caractère par lequel il nous frappe. De plus, ces dimensions
nous serviront dans les remarques que nous aurons à faire, et qui se borneront
à celles que nous n’aurons pas trouvées ailleurs.
Ce monument a vingt-sept mètres soixante-quinze centimètres de hauteur
totale; et le fût, d’une seule pièce ( sauf la petite base dont il sera question ci-après),
vingt mètres cinquante centimètres : son diamètre est de huit pieds quatre pouces,
au maximum du renflement. D ’après les dessins exacts qu’on en a donnés, ce fût
est d’ordre dorique. C ’est la seule pièce des trois qui soit d’un goût assez pur
et par conséquent antique. Le chapiteau, et sur-tout le piédestal, trop courts, ont
évidemment été ajoutés après coup. La base, qui est aussi d’un autre morceau lié
au fût, a son socle beaucoup trop élevé; et, par l’habitude que l’oeil a de la joindre
à ce fût dans l’estimation de la hauteur des ordres, elle contribue sans doute,
(1) Voyez pl. 3 4 , A . vol. V.
avec la forme corinthienne du chapiteau et l’isolement de la colonne, à faire
paraître celle-ci d une proportion plus légère que le dorique. C’est du moins
Iimpression quelle nous a faite sur les lieux, et qui est encore assez sensible
dans la vue perspective de la planche 3 4.' On n’est pas même très-frappé de la
grandeur absolue de tout le monument, lorsqu’on le voit à quelque distance; mais,
des que l’on commence à pouvoir le comparer à soi-même, ou à quelque autre
objet peu éloigné, on se sent comme accablé de sa masse majestueuse. On peut
encore se procurer une partie de ces illusions en cachant et découvrant successi-'
vement le bas de la planche 34. Le chapiteau n’est qu’ébauché, comme ce dessin •
l’indique.
C e seroit ici le lieu de présenter quelques considérations sur la nature et la
grandeur du travail mécanique pour manier le pesant monolithe du fut de cette
colonne, et lui donner, malgré cette difficulté et celle qui provenoit de la dureté
de la matière, un galbe et un poli si parfaits : mais nous avons déjà fait de semblables
réflexions à l’occasion des obélisques. La seule différence importante à
noter ici, c’est que la délicatesse du profil générateur de la colonne, destiné à
produire une surface de révolution bien pure, sans pourtant faire tourner ce
corps si lourd, rendoit 1 exécution de cet ouvrage bien plus difficile que celle des
surfaces planes du plus grand obélisque. Ce n’est que pour faire mieux apprécier
cette circonstance que j’ai calculé exactement le poids des différentes parties du
monument. J’ai trouvé que le fût pesoit deux cent quatre-vingt-neuf mille huit cent
soixante-neuf kilogrammes cinquante-quatre centigrammes; le chapiteau, quarante-
sept mille neuf cent cinquante-un kilogrammes soixante-dix-neuf centigrammes ; :
la. base, cinquante mille cinq cent soixante-sept kilogrammes soixante-dix centigrammes
; et le piédestal, cent soixante-deux mille cent trois kilogrammes dix-neuf
centigrammes.
Larcher trouve, il est vrai, dans sa traduction d’Hérodote (1), le poids d’un
monolithe Égyptien de trente-sept millions trois cent trente-six mille deux cent
cinquante livres : mais, outre qu’il a exagéré de près d’un tiers, en portant la
pesanteur spécifique de granit à deux cent cinquante livres, au lieu de cent
quatre-vingt-six livres environ, cette prodigieuse masse, qui surpasserait encore
de beaucoup toutes celles de cette espèce que la main des hommes a osé mouvoir
et façonner, ne pourrait néanmoins ravir à notre admirable colonne le genre de
supériorité que nous venons de lui reconnoître. Non, il n’y a que des peuples
avancés dans les arts et les sciences, doués en même temps du goût le plus épuré,
comme les Grecs et les Romains, et succédant à un peuple géant, tel que les
Egyptiens, qui aient pu allier ainsi les perfections du beau idéal aux formes les
plus colossales.
Le fût est altéré près de la base, du côté du sud-est ou du désert, d’où est prise
la vue perspective. Cette dégradation règne, d ’après ce dessin, sur une bonne partie
de la hauteur de ce côté : mais elle est plus marquée aux deux extrémités du fût,
sur-tout dans celle d’en bas, sur une hauteur de cinq mètres; et la fêlure ou cassure
( 1) Tome I.cr, note 49^*
A. D , I*