SECTION PREMIÈRE.
N O M U S H E R M 0 P O L I T E S .
C e t t e préfecture est la plus étendue de toutes celles d e l’Heptanomide, et I
c’est celle aussi qui renferme le plus de vestiges de l’antiquité Égyptienne. Indépendamment
des villes appelées Thebdica et Hermopolitana Phylace, Tanis, Ibeum,
et de la capitale Ha-mopoüs, dont j’ai traité dans la description qui a cette grande
ville pour objet (i), elle renferme encore Cusæ, Pesta, Psinauta, Speos Artemidos,
les antiquités qu’on trouve à Establ-A’ntar , Meylâouy, Et/idem, Zâonyet-Mayeteyn,
Saonâdeh, ¿Te. : elle comprend, dans les deux montagnes, des carrières, des hypogées
et des murailles antiques ; sur les limites du désert, beaucoup d’églises des
premiers temps du christianisme, telles que Deyr Abou-Fâneh,Deyr Anbâ-Bychây,
Deyr Abou-Hennys, &c.; enfin.au milieu de la vallée, une multitude de buttes, de
ruines remplies d’antiques vestiges, et restes des anciennes habitations qui ont été
remplacées par les villages actuels.
Je donnerai la description de tous ces restes d’antiquités, et je parlerai d’abord
des catacombes remarquables de Gebel Abou-Fedah ; je dirai aussi un mot de Deyr
el-Maharrag (2), qui, au reste, a peut-être appartenu au nome supérieur appelé
Lycopolite ( 3 ).
§. I ."
C a r r i è r e s É g y p t i e n n e s à Gebel Abou-Fedah.
C e s t une règle générale en Egypte, que par-tout où l’on trouve des hypogées,
il y avoit dans le voisinage une ancienne ville ou habitation, dont les
morts étoient ensevelis dans ces catacombes : on est donc sûr de trouver auprès
des excavations Égyptiennes les restes de quelque position antique. Celles que
1 on trouve dans la montagne appelée Gebel Abou-Fedah, se rapportent, selon toute
apparence, à 1 ancienne ville de Cusæ, qui étoit sur la rive gauche en face , et
dont nous parlerons bientôt. Ces hypogées présentent des particularités absolument
nouvelles et bien dignes d’attention.
Au-dessus du gros village de Q oçeyr, sur la rive droite du Nil, et dans une montagne
elevee de cent cinquante pieds environ, dont les eaux baignent le pied, les
Egyptiens ont pratiqué un grand nombre d’excavations qui ont d’abord été des
carrières, et qui ont ensuite servi d’hypogées. La montagne Arabique a , dans
un endroit, ses couches fortement inclinées à l’horizon ; dans un autre, ses lits sont
courbés et tourmentés dans tous les sens : mais tous ces lits sont restés parallèles
(1) Voyez A . D. chap. X IV . graphique; mais on ne s’ est écarté de cet ordre que pour dts\
(2) Voye^plus bas, §. n i , pag. 9. objets de détail. Ainsi Cusæ (pl. 67, fig. 1 ) appartien-
(3) Les antiquités de l’Heptanomide n’ ont pas pu tou- droit à la planche 62; Meylâouy et environs (pl. 67,
jours être distribuées dans les planches selon l’ordre géo- fig. 2 - 13 ), à la planche 63, ¿7V.
enU-e eux, comme si elle eût éprouvé, dans toutes ses parties à-la-fois, quelque
grande commotion ou un affaissement subit (t). On entre d’abord, en débarquant
du Nil et mettant pied a terre, dans une petite vallée qui est comme remplie de
ruines en briques , de murailles debout, et de vases brisés. Au bout des ruines, on
gravit la montagne, où l’on rencontre des marches taillées dans le roc, conduisant
à des carrières considérables : on trouve en place des pierres énormes qu’on avoit
commencé d’extraire et qui n’ont pu être entièrement enlevées ; plus loin, une
excavation grande et'profonde, que soutiennent de gros piliers laissés de distance
en distance. On reconnoît, en examinant cette carrière, qu’elle n’avoit pas encore
été disposée pour servir de tombeau : par-tout on voit les marques de l’outil et
les traces d’un enlèvement considérable de matériaux; mais les parois n’avoient
pas été taillées en faces droites et rectangulaires, ou bien n’avoient pas été préparées
pour recevoir les sculptures décoratives. Cependant, à un angle ( et c’est
une remarque importante à faire J^j1 ai vu un bas-relief hiéroglyphique : voilà une
preuve que les catacombes ont été primitivement des carrières, que l’on a successivement
transformées en salles régulières, puis revêtues d’ornemens ; opinion
que j’ai déjà présentée ailleurs, et qui est infiniment plus probable que celle qui
ferait regarder les catacombes commë d’anciennes habitations et comme l’origine
de l’architecture Égyptienne (2).
Sur les faces de cette excavation principale, on remarque des inscriptions
Grecques de peu d’importance; mais' l’attention est sur-tout attirée par de
grands dessins qu on a tracés a 1 encre rouge sur des parois dressées exprès. On
ne connoît rien de semblable ni même d’aussi curieux dans aucun autre endroit
de l’Égypte. Ce sont en effet des épures qui devoient diriger l’ouvrier tailleur de
pierres dans la coupe des chapiteaux Égyptiens ; elles [sont dessinées entre des
carreaux tracés aussi en rouge, selon la méthode même dont on se sert actuellement
en Europe.
Dès que j’eus jeté la vue sur ces curieux dessins, je compris à l’instant tout fin
térêt qu’ils pouvoient offrir pour l’histoire de l’art et même de la géométrie, et je
m empressai d en copier plusieurs (3). Deux de ces chapiteaux représentent une
tête d’Isis surmontée du petit temple carré, et avec tous leurs détails, tels que les
coiffures, les oreilles, les serpens, les filets enroulés, & c .; mais tous ces traits
sont indiques par des masses. La projection est presque toute composée de lignes
droites, même pour les Jinéamens du nez, de la bouche et du menton. Les courbes
sont en général des arcs de cercle, et elles sont tracées au compas ; celles qu’on
a faites à la main, ont été jetées sans hésitation et avec une hardiesse remarquable.
11 n’y a point de doute que les auteurs des épures ne fussent très-exercés à
ce genre de dessin. Les carreaux tracés à Gebel Abou-Fedah présentent un autre
intérêt que ceux qui sont à Ombos, à Contra-Lato et à Thèbes : dans ceux-ci, l’on
(1) Voyez pl. 62, fig. t. Cet aspect est tellement frap- (2) Description des hypogées de la ville de Thèbes,
pant pour le voyageur, qu’il lui est impossible de ne pas A. D. chap. I X , pag.30? etsuiv.
s arrêter à le contempler et à rechercher les causes qui (3) M. Cécile, qui se trouvoit en même temps que
ont pu donner à la montagne une disposition si extraor- moi dans cette carrière , copia aussi une des épures,
dinaire. ' 3?