
Tout le massif de cette maçonnerie de briques est pénétré par des tuyaux de
terre cuite qui portoient les eaux d’un endroit à 1 autre.
Le plan inférieur à celui des voûtes en briques, dont nous avons parlé, laisse
à découvert, du côté d’Alexandrie, la section cle deux réservoirs à demi détruits.
L e fond de ces deux espèces de cuves est de cinq ou six décimètres au-dessus du
niveau de la mer : il est composé d’un lit de maçonnerie recouvert d’une couche
de béton de deux décimètres d’épaisseur, revêtue elle-même de carreaux de terre
cuite très-petits, posés de champ et en épi.
II paroît que ces cuves, et peut-être d’autres encore que la mer a rongées,
étoient remplies au moyen d’un réservoir de forme demi-circulaire, assez bien
conservé dans la partie supérieure de ces ruines. Ce réservoir se trouve a très-
peu près de niveau avec le sol adjacent ; il est recouvert, dans son intérieur, d’un
enduit ou d’un dépôt cristallin. C e même dépôt se retrouve encore dans la section
d’un aqueduc qui passoit derrière 1 édifice, et qui probablement amenoit des eaux
douces, mais toujours un peu chargées de sel dans ce pays.
Avant d’arriver à cette grande ruine, et après lavoir depassee, en allant de
l’obélisque au cap Locluas, on trouve les restes de deux jetees enracinées dans le
sol de la terre ferme, et qui se prolongeoient dans 1 intérieur du port. Ces jetees,
de quatre mètres d’épaisseur, sont composées de grosses pierres ayant alternativement
trois mètres et un mètre de longueur : elles sont disposées par assises d un
mètre de hauteur environ. Au-delà de ces memes bains, on voit, sur le bord de
la mer, une assez longue suite de pierres de taille qui paroissent etre les restes
.d’un quai dont la partie supérieure auroit été démolie pour en employer les matériaux
à quelque édifice moderne.
Pour expliquer plus complètement à quel ensemble d’étàblissemens antiques
ont pu appartenir ces masses de constructions et l’espèce de presqu’île que nous
avons rencontrée la première, nous observerons que Strabon décrit, « immécûate-
» ment après le Coesarium [9 3 ] , une partie courbe du rivage appelée Posidium
» •( espèce de coude ou langue de terre ), dont l’inflexion partoit de l’Emporium,
ï> et sur laquelle s’élevoit un temple de Neptune. » D ’abord nous avons trouvé
et pu reconnoître l’origine de cette courbe de la rive, qui etoit plate sans doute,
et qui n’a fait que s’ensabler et se combler davantage, la ou sont des jardins sur
l’emplacement de XEmporium. L ’autre pointe ou extrémité du coude qui passoit
sous le front actuellement avancé de l’enceinte Arabe, où j ai dit que commençoit
la corrosion du rivage, se prolongeoit sans doute jusqu’à nos deux massifs couverts
de ruines, et a dû être détruite par les vagues de la mer, qui entre plus
librement qu’autrefois dans le grand port, et a tout ravagé jusqu’au promontoire
de Lochias.
Une partie aussi distincte du rivage pou voit être plus particulièrement consacrée
à Neptune, dieu de la mer, à cause de la facilité que sa forme aplatie offroit aux
embarquemens et débarquemens : aussi portoit-elle un nom dérivé d un des
surnoms Grecs de ce dieu, comme si Ion eût dit Neptunium. Nous venons de
voir d’ailleurs qu’il y avoit là un temple de Neptune, lequel pouvoit avoir donné
son
son nom à tout l’espace adjacent [9 4 ] - ¡É L à, continue le géographe Grec,
» Antoine, ayant ajouté un môle plus avancé vers le milieu du port, construisit
» une maison royale qu’il appela Timonium [95]. C e n’est que sur la fin de sa
» vie qu’il bâtit cette retraite, lorsqu’abandonné par ses partisans, après la catas-
» trophe d’A ctium, il se retira à Alexandrie et résolut de vivre solitaire comme
» Timon, ayant donné ordre à tous ses amis de s’éloigner. »
L e Timonium étoit donc sur la plage appelée Posidium; et nous avons vu que
la petite presqu’île qu’on rencontre la première appartenoit à cette plage ; qu’elle
offroit des restes de maçonnerie à sa surface, et des traces d’une extension artificielle
opérée à son extrémité. La forme de cette espèce de jetée, son médiocre
volume et les autres circonstances concourent à faire conjecturer que ce prolongement
avoit pour objet d’y asseoir une maison de fantaisie d’un grand person
nage qui veut vivre en simple particulier. Tout porte donc à penser que c’est là,
et en avant dans l’eau, qu’étoit le Timonium, que d’ailleurs Strabon place immédiatement
après le Coesarium, en suivant toujours l’horizon vu de l ’intérieur du port.
Comme il indique le temple de Neptune sur le coude ou la pointe que formoit
la courbe du Posidium allant se confondre avec la rive de l’Emporium, fort loin de
là; que ce coude finissoit, comme nous l’avons vu, vers l’extrémité delà grande
ruine en briques et en pierres de taille, et qu’il n’y a point, dans le voisinage de la
mer [9 6 ] , d’autre masse considérable de constructions qu’on puisse attribuer à
un bâtiment de l’importance du plus médiocre temple, je ne vois pas qu’on
puisse placer celui de Neptune plus convenablement que sur le cap en maçonnerie
quon avoit déjà nommé palais ruiné, à cause de son apparence [9 7 ].
Les compartimens de thermes qui se font le plus remarquer parmi ce qu’il en
reste, ne s’opposent point à cette détermination. Dans cette masse d’environ
soixante mètres d’épaisseur, il y a bien d’autres ouvrages que des fourneaux et
des cuves; on a pu y pratiquer des thermes et toute sorte d’établissemens après
la ruine du temple, ou même simultanément. Les belles fondations de ce monument,
assises sur le roc, ont dû appeler dans tous les temps les projets et les
reconstructions [98].
Nous n’avons point de descriptions du Timonium et du temple de Neptune plus
détaillées que les renseignemens que je viens d’en donner et le peu de mots que
Strabon en dit : mais il est aisé de se figurer que ce temple sur-tout devoit avoir
de l’étendue et de la magnificence dans une ville si riche en monumens, et dont
l’existence étoit, pour ainsi dire, toute maritime; attendu aussi que cet édifice
s’élevoit sur un terrain particulièrement consacré au dieu de la mer.
T H É Â T R E .
Il n’y a point de ruine importante entre le temple de Neptune et le cap
suivant; mais Strabon place immédiatement après le Posidium, en décrivant toujours
le périmètre du port, le théâtre, sur lequel il ne donne aucun détail. Il dit
seulement qu’il étoit au-dessus de 1 île Antirrhode, dont nous parlerons tout-à-
1 heure; c’est-à-dire, qu’il étoit élevé, comme le Coesarium, sur la plaine voisine
A . D . G