
D E S C R I P T I O N D ’ h É L I O P O L I S .
d’autant plus inutile de créer une ville d’Héliopolis dans le Delta, que les ruines
dont nous avons parlé, concordent parfaitement avec tout ce qui a été dit de la
position de cette ancienne ville.
Voici ce qu’Hérodote rapporte, liv. //| f . 'y et y [t ) :
S. y. « De la mer a Héliopolis, par le milieu des terres, l’Égypte est large et
».spacieuse, va par-tout un peu en pente, est bien arrosée et pleine de fange
» et de limon. En remontant de la mer à Héliopolis, il y a à peu près aussi loin
» que d Athènes, en partant de 1 autel des douze dieux, au temple de Jupiter
» Olympien à Pise.
S. 9. » D ’Héliopolis à Thèbes, on remonte le fleuve-pendant neuf jours. »
(Traduction de M. Larcher.)
M. Larcher en conclut, « 1.° qu Héliopolis étoit sur les bords du canal
» Sébennytique, puisqu’en s’embarquant à son embouchure, on arrive à cette ville ;
» 2.0 qu elle est dans le Delta, puisque ce canal coupe le Delta par le milieu. »
Nous,ne concevons point comment on a pu voir toutes ces choses-là dans le
texte que nous venons de citer : il n’y est point question de la branche Sébennytique
. dont Hérodote ne parle que beaucoup plus bas, liv. 11, /.. ; et c’est-là
une vérité de fait qui détruit la première et conséquèmment la seconde assertion
de M»Larcher. Et dailleurs, de ce qu’on se seroit embarqué sur la branche Sébennytique
pour se rendre à Héliopolis, auroit-on raison d’en conclure que cette
ville étoit sur ce bras du Nil! Aujourd’hui, par exemple, ne va-t-on pas de la j
mer au Kaire par une des deux branches de Rosette ou de Damiette, sans que I
pour cela le Kaire soit sur l’une de ces deux branches! M. Larcher dit encore,
a I appur de son opinion, « qu’Hérodote ajoute que l’on s’embarquoit à Héliopolis
» pour se rendre à Thèbes. 33 Est-ce là, nous ne dirons pas une preuve, mais
seulement un indice qu’Héliopolis fût dans le Delta ! Et si l’on objecte que
cela prouve du moins qu’Héliopoiis étoit sur les bords du fleuve, et qu’ainsi la
position que nous lui avons assignée ne peut lui convenir, nous répondrons
que cette ville pouvoit être sur un canal dérivé du Nil (2), et quelle étoit d’ailleurs
assez voisine de ce fleuve, pour qu’on eût dit encore que l’on s’y embarquoit
pour se rendre à Thèbes, lors même qu’il auroit fallu faire par terre quelque
chemin jusqu’au port.
Au surplus, Hérodote ne dit point que l’on s’embarquoit à Héliopolis;
il dit, mot à mot, que d’Héliopolis à Thèbes la navigation en remontant est de
neuf journées . Am Si H A iV to A io s es ©«€«< £çi cub.TiXooi; ênéa. v/uepéa». Ce n’est pas,
on le voit, la position d’Héliopolis, relativement au fleuve, qu’il veut indiquer
par cette phrase, mais Ja distance entre Héliopolis et Thèbes. Ne dit-on pas, à
(1) Nous croyons devoir transcrire, dans le cours de
cette discussion, le texte des auteurs cités, afin de mettre
nos lecteurs en état de prononcer tout de suite sur les
interprétations que Ion en donne et les conséquences que
l’on en tire.
S- 7- tvdivnr j, ¡¿¿xp. Ha/vWa/o? i ç vtv pkaiyttetj/, tçtr
tvptet Aïyjviloç, iSm mtm. ilznin 7t yj/I ivvAçiyç, g ¡Avç/'Eçi A tfà ç iç 7»y Ha/ïwbaiv ü ro SaAfiwijjjf ara ¡¿vu, mt£^.7rXnm ri
fJMtùç lü é£ A S«yatav oAu, th Xyri ràr A/coA ko. %av ri fiap\i
<pipv<rn iç n Tl/'amy è 'id n 7dV v»oy r i Aiàç ri 'Oâii/aotk............
S- 9 . Atto A Ha/hWa/o? i ç Otifittç tçt ÙvcltAooç ¿tri*
ifjuipim.
(2) Strabon le donne à entendre; et l’on sait, de plus,
que toutes les villes d’Egypte qui n’étoient point sur
les rives du N il, communiquoient à ce fleuve par des
canaux.
C H A P I T R E X X L j j
présent, que du Kaire à Syout, par exemple, on remonte le Nil pendant plusieurs
jours, bien que ces deux villes ne soient ni l’une ni l’autre(sur ses bords !
Une place aussi considérable qu’Héliopolis .^située à la hauteur du sommet du
Delta (1) et fort près de ce point, devoit nécessairement servir dans le discours
à fixer 1 extrémité supérieure de la basse Égypte, qui d’ailleurs ne se bornoit pas
pour Hérodote au seul Delta (2)- Cet historien a donc eu.raison de dire : « De
.,1a mer à Héliopolis par le milieu des terres, l’Égypte est large et spacieuse
» (liv. 11, 7 ) . Elle est fort étroite au-dessus d’Héliopolis pendant quatre jours
» de navigation, &c, (Ibid. f . 8). » Tout voyageur s’exprimeroit encore.à^pré-
sent de la meme maniéré, relativement aux ruines que nous avons décrites.
Venons actuellement a Strabon. Après avoir parlé de plusieurs villes à l’est de la
branche Pelusiaque, a peu près dans 1 ordre qui les rapproche du Delta, il dit (3 ):
« Ces lieux s’approchent du sommet du Delta. Là (c’est-à-dire, parmi ces lieux),
»est aussi la ville de Bubaste et le nome Bubastite (4 ); au-dessus d’eux (c’est-
» à-dire, de la ville de Bubaste et du nome Bubastite), est le hörne Héliopolite.
» Ici est la ville d’Héliopolis ; elle est élevée sur un tertre remarquable, et renferme
» le temple du Soleil............... Devant le tertre il y a des lacs où se déchargent
» les eaux du canal voisin. »
Doit-on conclure de là, comme M. Larcher, qu’Héliopolis étoit. dans le
Delta! Quant à nous, nous n’y voyons autre chose, sinon qu’Héliopolis étoit
au sud de Bubaste.
Les lacs qui etoient en avant d Héliopolis, sufliroient peut-être pour prouver
que cette ville n’étoit point placée au sommet du Delta. En effet, l’Égypte, formée
des dépôts successifs du limon du Nil, a une pente du sud au nord, et des rives
du fleuve au désert: ce n’est donc que vers les embouchures du Nil, ou sur la
limite du désert, quil peut se former des lacs, et jamais entre deux principales
C1 ) Le sommet du Delta étoit alors plus méridional
qu’aujourd’hui.. Voyez le Mémoire sur les anciennes
branches du Nil, par M. du Bois-Ayméi
(2) S- 1 8 .... « Les habitans de Marée et d’Apis, villes
»frontières dii cote de la Libye, ne se croyoiënt pas
»Egyptiens, mais Libyens. Ayant pris en aversion les
»cérémonies religieuses de l’Egypte, et ne voulant point
» s’abstenir delà chair des génisses, ils envoyèrent à l’oracle
»d’Ammon, pour lui représenter qu’habitant hors du
» Delta, et leur langage étant différent de celui des Égyp-
» tiens, ils n’avoient rien de commun avec ces peuples,
» et qu’ils vouloient qu’il leur fut permis de manger de
» toute sorte de viandes. Le dieu rejeta leur demahde, et
» leur répondit que tout le pays que conVroit le Nil dans
» ses débordemens , appartenoit à l’Égypte, et que tous
» ceux qui, habitant au-dessous de la ville d’ÉIéphantine,
»buvoient des eaux de ce fleuve, éioienr Égyptiens.
S-19.«Or le N il, dans ses grandes crues, inonde non-
» seulement le Delta, mais encore des endroits qu’on
” appartenir a la Libye, ainsi que quelques petits
» caftions de l’Arabie, et se répand de l’un et de l’autre
»coté, l’espace de deux journées de chemin, tantôt
»plus, tantôt moins. » (Hérodote, liv. n , traduction
de M,Larcher.)
A . D .
( 3 ) Oom 0/ -nmt aÿln metfan th xàpvçri ri A ¿Ara. A v r i?
A Kj n BsféaçDf o t a iç y è 0 BvCa.çi7tiÇ vojuoç’ xg i ù-rip cevrior 0
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a£/oAo17* nu/Un, 7® iiQpv iyouaa. t» Ha/s. . . U^kuït^ A «
X * ftam ç ù fu a \ i n i , g tà y um ¿ k -niç îiAhotok J ia p v y ç iyçvtmf.
( Geograph. Iib. X VII. )
(4) II me semble qüe par ces mots’, là est aussi la
ville de Bubaste et le nome Bubastite, Strabon n’a pas
voulu dire que Bubaste fût aufsommet du Delta, comme
l’ont cru quelques-uns de ses commentateurs, mais que
cette ville se trouvoit parmi celles dont il vient de parler.
La connoissance des localités -empêche tonte autre' supposition,
puisque les ruines de Bubaste existent encore
sous le. norii de Tell-Basta, à un myriamètre et demi
au nord de Belbeys, c’esfcà-dire, à cinq niÿriamètres
environ au nord-est du sommet actuel du Delta ( voyez
le Mémoire de M. du Bois-Aymé sur les anciennes
branches du Nil). On peut encore remarquer que, si
Bubaste eût été dans l’embranchement des deux p'remiers
bras du Nil, Strabon auroit cité cette grande ville et son
nome, au lieu du bourg nommé Delta et du canton de
ce nom,.lorsqu’il parle de la partie supérieure du Delta
au commencement du livre XVII.