
l’intérieur de la -ville, qu’il séparoit les arsenaux des deux ports, et que la muraille
Arabe a pu être placée au travers de cette esplanade et un peu en avant du mur
antique, à mesure qu’on avançoit l’enceinte vers la mer qui se retiroit. On aura
continué de laisser cet espace libre de constructions, et 1 on aura place sur la
partie extérieure le cimetière que nous y voyons, tant que la ville Arabe aura
été habitée, ou à mesure que la bourgade moderne se sera peu a peu formée :
aussi voit-on que tout l’espace, tant en dehors qu’en dedans de la muraille, est
plat et a toujours été peu garni d’édifices.
A R S E N A U X .
Dans toute la partie à la suite et à droite de la tête de l’Heptastadium, jusqu’aux
obélisques, on ne voit pas plus de ruines reconnoissables comme évidemment
antiques. Cependant il est probable que les- murs de l’enceinte Arabe ont été
placés en ce point au bord de la mer, à mesure qu’elle s’éloignoit; que ces ruines
antiques se trouvent au pied de ces murs, tant en dedans quen dehors; que
les constructions anciennes de l’intérieur ont été peu à peu démolies pour faire
place aux bâtimens Sarrasins, et que le banc de sable qui a pris son principal
volume en cet endroit, a fait abandonner celles du dehors et en a recouvert les
fondations. C ’est donc à peu près en ce point, ou la ville moderne vient toucher
l’enceinte Arabe, que se trouvoient les arsenaux de la marine pour le grand port,
depuis XHcptastadium même, selon Strabon, en s’étendant au nord-est.
La convenance de cet emplacement des arsenaux et chantiers du grand port
est bien confirmée par la forme aplatie et propre aux constructions que conserve
encore aujourd’hui la plage en ce point ; la profondeur d eau etoit suffisante
d’ailleurs pour mettre à flot des navires qui étoient, en général, plus plats que
les nôtres, et vraisemblablement tous du genre de nos galères, dont l’usage étoit
particulier à la Méditerranée et s’y est maintenu jusqu’à nos jours [68],
A P O S T A S E S .
Je viens de confondre des chantiers avec les arsenaux de la marine, navalia.
Sous cette dénomination, on peut entendre l’un et l’autre; et ces deux établisse-
mens, s’ils sont distincts, sont communément contigus. Les arsenaux dont il s’agit
ic i, étant affectés au service de la marine, contenoient sans doute les agres et autres
objets propres à l’armement des vaisseaux. On doit donc, d’après le sens suivi de
Strabon, regarder ces établissemens de même genre comme se prolongeant dans
le grand port, selon la même direction, au nord-est, depuis lHeptastade jusqua
l’endroit que ce géographe appelle Apostases (i), quasi abscessus, et comme comprenant
peut-être ce dernier lieu lui-même. Ce mot abscessus, qui signifie proprement
espèce de retraite, indique que c etoit une place plus abritée qu aucune autre
pour les vaisseaux, ou même des formes ou darses couvertes pour les réparer
commodément dans tous les temps. L espace appelé maintenant esplanade (a) et
celui qui est à la suite, vers l’enfoncement de la muraille Arabe, paroissent bien,
(i) De ehro , loin, et cle saW, repos; station reculée. (2) Voyez E. M . pl. 84.
par leur forme aplatie, ensablée de niveau, sans ruines solides, et avancée sur
1 ancien rivage de la mer,'être le reste de ces bassins comblés par elle [69 ]. On
peut donc regarder les Apostases comme une suite et une dépendance des arsenaux
et chantiers de la marine.
E M P O R I U M .
Après les apostases venoit le marché. Strabon l’appelle simplement Emporium,
ou marché par excellence, comme s’il eût été le seul de son espèce : or il
est tres-vraisemblable qu il existoit bien d’autres marchés ordinaires dans une si
grande ville pour les usages communs de la vie ; et j’en conclus que celui-ci servoit
principalement à la vente des produits du commerce maritime. C ’étoit sans doute
comme nos bourses modernes. Au reste, que ce fût l’un ou l’autre de ces établissemens
( boursé ou simplement marché ), l’Emporium étoit fort bien placé en ce point,
entre le grand port et le milieu du périmètre de la ville, avec laquelle il commu-
niquoit aussi facilement qu’avec la marine [ 70 ].
O B É L I S Q U E S . ----- C Æ S A R I U M .
A la suite et auprès de l’emplacement que j’ai supposé être celui de XEmporium,
se trouvent les deux obélisques ( 1 ).
Un peu avant d’y arriver, on voit, au bord de la mer, vers le fond du port et
le long des murailles Arabes, des ruines de divers âges, battues et défigurées par
les flots. On y distingue encore des colonnes engagées horizontalement, et qui, se
trouvant peu élevées au-dessus du niveau de l’eau, présentent l’image de batteries
rasantes [7 1 ] .
Les voyageurs modernes, d’après les Francs, ont appelé ces deux grands monolithes
, aigu illes de Cléopatre. Le nom et l’histoire de cette reine célèbre se trouvant
par-tout et à la portée des Européens les moins instruits, il leur a paru plus
commode et plus simple de lui attribuer presque tout ce qui subsiste de remarquable
parmi les ruines d’Alexandrie [72].
L u n d e ces obélisques est renversé, et l’autre est debout. Ils sont tous deux,
suivant! usage, d’un seul bloc de ce granit rose d’Egypte ou Oriental qui se trouve,
comme on sait, aux environs de la première cataracte (2). Ils sont couverts d’hié-
roglyphes depuis le haut jusqu’au bas ( 3 ) ; ce qui n’a pas lieu sur tous les monu-
mens de ce genre qui nous restent [ 73 ].
Quoiqu il ait paru jusqu’à présent impossible de comprendre d’une manière
suivie le sens des emblèmes ou discours gravés sur les faces de ces deux monu-
mens, on peut du moins faire quelques remarques sur ce qui est apparent, et
quelques rapprochemens entre les choses qui se ressemblent. D ’abord, les figures
des deux obélisques ont entre elles une certaine correspondance q u i, jointe
aux autres similitudes que nous observerons, semblent en faire deux monumeris
(1) Voyez la planche j z . Remarquez-y la tour des (2) On voit encore, dans la montagne au-dessus de
Romains, ainsi que le pharillon élevé sur les rochers de Syène, un obélisque à demi exploité.
YAcrolochias. (3) Voyez p l . j j .
A . D . E |