
Il ne reste plus de l’ancienne ville d’Arsinoé qu’une grande montagne de ruines
et de décombres, dont l’étendue a environ trois à quatre mille mètres du midi au
nord, et deux à trois mille dans l’autre sens; des fragmens de statues en granit et
en marbre; enfin les débris d’une multitude de,vases, en terre et en verre. Partout
on trouve des constructions en brique, démolies. L ’obélisque de Begyg faisoit
probablement partie des monumens de cette ville (i).
Il paroît que c’est à Arsinoé que se trouvoit cette statue en topaze (artificielle
sans doute) dont Pline fait mention, et qui avoit, dit-il, quatre coudées de hauteur.
Ptolémée-Philadelphe l’avoit élevée en l’honneur d’Arsinoé ,-sa soeur et sa femme.
Elle étoit consacrée dans un temple appelé Temple d'or (2).
La ville s’étendoit autrefois davantage vers le nord, et je ne serois pas éloigne
d’y comprendre les ruines qui se trouvent aujourd’hui près de Bayhamou, village
où passe un canal venant de Medynet el-Fayoum. La dimension de ces ruines
ne permet pas de croire qu’elles aient pu être transportées de si loin. On ne
peut guère supposer non plus qu’un monument tel que celui qui paroît avoir
existé à Bayhamou, ait été construit isolément et au milieu de la plaine : ce sont
deux énormes piédestaux bâtis de grosses pierres calcaires, d’environ huit mètres de
côté sur dix de haut, et qui supportoient certainement des statues colossales semblables
aux colosses de Thèbes. Leur distance est d’environ cent mètres. Au rapport
d’Hérodote, de Diodore de Sicile et de Pline, on avoit élevé des statues à
plusieurs princes dans les environs du lac de Moeris. Les habitans donnent aux
piédestaux le nom de rigl Fara’oun, les pieds de Pharaon. Autour du village, il
y a beaucoup de ruines et de blocs calcaires (3).
L a capitale actuelle du Fayoum est traversée par le Bahr-Yousef dans sa longueur.
A quatre cents mètres au-dessous, le canal se divise en neuf branches, qui
vont arroser tout l’intérieur de la province, et à l’ouverture de chacune desquelles
est une porte qu’on lève ou qu’on abaisse, en raison du besoin d’eau des différens
villages où elles se rendent. Ces villages sont ainsi sous la dépendance directe du
chef-lieu : mais le partage des eaux se fait ordinairement avec beaucoup d’équité, et
tous les points du territoire ont part à la distribution ; il arrive quelquefois de
vives contestations quand on vient à violer les usages.
On compte environ cinq mille ames à Medynet el-Fayoum. Une partie delà
population est Chrétienne ; mais le plus grand nombre des Chrétiens habite Fy-
dymyn, où sont les vignobles qu’ils exploitent, et dont ils tirent un vin médiocre,
moins à cause du terroir que par faute de la fabrication. Cette ville, qui renferme
cinq ponts, plusieurs mosquées remarquables, d’anciennes écoles et des jardins
abondans en fruits de toute sorte, ne m’arrêtera pas davantage, attendu que la
description en doit être faite dans les Mémoires sur l’état moderne (4 )-
(1) Voye? la description particulière de l’obélisque du'lac Garâh, situé au midi de la province, et aux
de Begyg, à la fin de ce chapitre'. environs duquel sont des ruines. Voye^ la Description
(2) Plin. H is t. nat. lib. X X X V I I , cap. 8. hydrographique des provinces de Beny-Sôueyf et du
(3) Paul Lucas prétend avoir vu un colosse en granit Fayoum, par M. Martin, E . M . tom. //, pag. iÿ f j
sur l’un de ces piédestaux, et cinq autres piédestaux plus aussi le Mémoire sur la province du Fayoum, par
petits. [ j . e Voyage, tom. II. ) ' M. G ira rd , Mémoires su r 'l'E g y p te , tom. III, édit. de
(4) Par la mêjne raison, je ne parlerai pas non plus Paris,in-8.*
s. m,
§. m
Environs de Crocodilopolis, et intérieur de la Province.
M on dessein étant seulement de m’arrêter aux points où se trouvent des antiquités,
je ne ferai pas ici la description de tout l’intérieur de la province, et je
ne parlerai que des principaux lieux qui renferment des traces des ouvrages des
Égyptiens (ï).
Si l’on se porte au sud-ouest de Medynet el-Fayoum, on rencontre d’abord,
au village de Begyg, un obélisque en granit (2); plus loin, à une lieue et demie,
dans la même direction, une digue bâtie en pierres, d’une hauteur et d’une
épaisseur considérables : on la regarde comme antique, bien qu’elle ait été, à ce
qu’il semble, reconstruite plusieurs fois. Elle a près de sept mille mètres de longueur
: elle se dirige par Defennoû et Sedmoueh ; son objet est de maintenir à
une certaine hauteur les eaux de l’inondation, et de servir à l’irrigation de la
partie méridionale de la province. Les eaux excédantes tombent dans un grand
ravin appelé Bahr el-Ouâdy, c’est-à-dire, la. vallée, comparable, pour la grandeur,
au ravin du nord; il prend son origine, à peu de distance de la prise d’eau de
ce dernier, au village d’el-Hasbeh sur le Bahr-Yousef : sa profondeur et sa largeur
excèdent encore celles de ce dernier, et son cours est beaucoup plus long (3). Ce
grand canal est également l’ouvrage des anciens Egyptiens.
, Après avoir couru environ six lieues à l’ouest jusqu’à Abou-Gondir, il se tourne
vers le nord et acquiert une largeur considérable ; à une lieue de là , auprès de
fe leh , village qui est le dernier à l’ouest du Fayoum, cette largeur a jusqu’à
quatre cents mètres (4 ) : la profondeur varie de dix à quinze mètres. Au fond
du canal, la coupe présente la couche calcaire, ensuite des lits de sable mêlé de
parties ferrugineuses, et au-dessus, cinq ou six mètres de limon pur. A ces deux
vastes branches qui apportoient dansv l’ancien lac une immense- quantité d’eau,
a succédé dans la suite un canal unique, beaucoup plus petit, allant d’Haouârat
el-Hasbeh à Medynet el-Fayoum, où il se subdivise ensuite en un grand nombre
d’aunes. La diminution du volume d’eau que recevoit jadis le Bahr-Yousef, a été
la cause de ce changement ; et cette diminution tient elle-même à ce que l’embouchure
du canal Joseph dans le Nil est aujourd’hui ensablée. C ’est à Nazleh qu’on
fait les préparatifs pour travex-ser le désert, quand on veut aller visiter le temple
appelé Qasr-Qeroun, objet de la section suivante.
A quatorze mille mètres au nord-ouest de Medynet el-Fayoum, on rencontre
le village d’Abou-Keseh, où existe un très-grand réservoir d’eau. Sa forme est
carrée ; il est long et large de cinquante mètres. La construction a été faite en
briques, à l’aide d’un ciment très-dur. L ’appareil de ces briques est semblable à
(1) Plusieurs des renseignemens qui suivent, m’ont été (3) Son développement total est d’environ soixante
communiqués par M. Bertre, capitaine ingénieur géo- mille mètres ; celui du Bahr Belâ-mâ est d’environ trente-
graphe, à qui l’on doit la carte de l’intérieur de la pro- cinq mille mètres jusqu’à Tâmyeh.
vince. Il m’a aussi communiqué un plan du Qasr-Qeroun. (4) Note de M. Bertre.
(2) Voye^ ci-après la section n i.
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