conclure c l u s p h i n x que les anciens Égyptiens étoient des nègres, c’est-à-dire, des
hommes noirs, à cheveux crépus et laineux, à front bas et en arrière, à nez
épaté, &c. L ’existence de ce dernier caractère a paru prouvée incontestablement
aux auteurs de. l’assertion, attendu que le nez du s p h i n x a été brisé et presque
enlevé, circonstance comme on voit fort concluante. Mais pourquoi le peintre
Égyptien, en faisant son propre portrait, a-t-il oublié de le peindre en noir, et
pourquoi le sculpteur a-t-il laissé le front presque droit! Loin de nous l’idée de
rabaisser par cette observation la race des noirs ! Mais, quand on voit ceux-ci
représentés par les Égyptiens eux-mêmes dans leurs peintures de la manière la
plus distincte, et qu’on examine avec attention les têtes de momie bien conservées,
celles des belles statues Égyptiennes, celles des peintures et des bas-reliefs
des hypogées, des palais et des temples; qu’enfin on les compare aux indigènes
mêmes de la haute Thébaïde, est-il possible de douter que les anciens Égyptiens
aient appartenu à une race bien différente, celle qui est dite assez improprement
Caucasienne! Ils avoient, à la vérité, les lèvres un peu bordées et les pommettes
saillantes, mais cela ne change presque rien au type primitif. Je ne crois pas
nécessaire d’insister davantage sur ce sujet, que d’ailleurs j’ai traité avec plus de
développement dans la Description des hypogées de la ville de Thèbes ( i ). Le type
Égyptien consiste sur-tout dans le prolongement du trait du nez ( trait si court
au contraire chez les noirs de l’Afrique intérieure) , dans son contour aquilin,
et encore dans la direction commune du nez et du front selon un même plan
légèrement incliné; et c’est ce qui constitue sa principale différence avec le type
Grec, dans lequel la direction commune au front et au nez est presque perpendiculaire,
tandis que chez les Égyptiens elle est inclinée de 76 à 78 degrés.
Je reviens au s p h i n x , dans lequel cette partie du visage est trop défigurée pour
qu’on puisse bien apprécier le caractère de la physionomie. Quelques-uns, mais
à tort, en ont trouvé la figure difforme : loin de là, on remarque un travail ferme
et hardi dans l’exécution des yeux et des orbites, sur-tout dans celle de la bouche
et de l’oreille. Au reste, augmenter jusqu’à plus de trente-six fois la grandeur des
formes humaines a dû présenter au sculpteur une immense difficulté : on le sent
aisément, sans qu’il soit nécessaire d’insister sur cette observation.
Lés Arabes ont surnommé cette figure Abou-l-houl, le père de la terreur; bizarre
appellation, et qui auroit étonné fort les auteurs de la statue, s’ils eussent pu
prévoir qu’on la lui donneroit un jour (2) : peut-elle effrayer en effet qui que ce
soit, si ce n’est les petits enfans! En même temps, et par une sorte de contradiction
, les Arabes la considéroient comme un puissant talisman, qui s’oppose
à l’invasion des sables, et protège la vallée du Nil contre son plus redoutable
ennemi: autre erreur bien plus grossière, dont ils ont reconnu eux-memes 1 absurdité,
en voyant les sables descendus à yoo mètres au-delà du s p h i n x , et lui-
( 1 ) Voyez ci-dessus, A. D . c h a p . I X , sect. X , p - 3 4 2 .
et suiv.
(2) Ce mot est tiré de l’ancien nom, qui, selon
Maqryzy et el-Soyouty, étoit Belhyt ou Belhout.
M. Langlès l’interprète en qobte par oculus terribilis
( Voyage de Norden, tome III, page 342 ); maisM. de
Sacy, par oculus et cor, c’est-à-dire, celui qui est sans
déguisement, ou qui a le coeur dans les yeux ( Relation
del'Égyptepar A’bd el-Latyf, traduction de M. de Sacy,
page 569;).
même
mon* ayant presque, tout son corps enseveli. Au reste, il tourne le dos et non
la face aux sables qui! étoit censé arrêter par une influence magique et irrésistible
Cette face est tournée a le s t,' mais non exactement; l’axe du corps fait avec
la ligne E -O un angle denviron ,8« 30', d’après le plan topographique ( 1 )'.
Pcuuetre (ma.sce n est quune hypothèse) les constructeurs de la pyramide ont-
ils: voulu diriger la figure vers 1 orient d’été, c’est-à-dire,' vers le soleil levant à
lepoque du solstice. C est ce que j’examinerai ailleurs (2)
H me reste, pour finir fcette description, à parler succinctement de quelques
autres vestiges d antiquité que l’on observe sur le site des- pyramides, en commençant'par
les chaussées. Déjà, en traitant de la troisième pyramide', j’en ai décrit
«netres-biçn conservée-; une autre, qui peut-être luifaisoit suite, longue aussi de -
160.métrés, est a est, a peu près dans la même direction et fort peu éloignée du
ternun eu tive (3 ). Une dermere se voit à l’est de la grande pyramide ; elle est
coudee, ettouche a la plaine : sa longueur est d’environ 400 mètres; la première
parue, est dirrgée VerS ]’anSle sud' oue« monument; la seconde au milieu de la
face dé lest. Cette chaussée est très-ruinée, mais on la suit bien sur le terrain
Peütietre est-ce le reste de celle qui* selon Hérodote, avoit y stades de long ( ou
924 métrés j. Il la regardoit comme un ouvrage presque aussi considérable que
a pyramide; elle avoit servi, dit-il, à transporter les pierres tirées de la montagne
Arabique. Comme l’historien nous'en donne toutes les mesures, il est facile
d apprécier son assertion : la largeur étoit de 10 orgyies ou 1 8 - 7 2 ; sa plus
grande hauteur étoit de 8 [ ,4 -9 8 ] . Ainsi, supposé la base horizontale, la pente
de pe plan incliné n étoit guère que de r pour 60, le quart seulement de celle de
la première chaussée : mais le texte même d’Hérodote s’opposeroit dans ce cas à
ce qu on admit une pente aussi foibie ; car le plateau des pyramides étoit, dit-il à
m pieds au-dessus-de la plaine, c’est-à dire, 16 orgyies H fkisant 30” 8. Or la
istance e a pyramide ( du milieu de la face de Test ) à ce même point n’est que
de^ao-métrés : quand même on le reculeroit assez pour trouver les 5 stades ou
3000 pieds, la pente totale auroit été de 1 pour 30; tellement que la plus grande
hauteur, toujours suivant le même calcul, devoir être plutôt 18 orgyies que 8.
Mars-il est probable que la chaussée avoit été construite-sur un sol en pente, c’est-
a-dire, sur Je versant de la montagne. Quant à la comparaison du travail avec celui
,. Pyramrde ïnême.; à ne considérer que le cube de pierres, on trouve qu’elle
a bien peu de fondement , puisqu’un des solides fait au plus la vingtième partie de
1 autre : je reviendrai sur ce passage d’Hérodote.
Je Rajouterai que peu de chose à ce que j’ai dit des doubles enceintes qui environnent
les pyramides. On nen voit plus qu’autour des secon d e, troisième
QUATRIEME-, et des pyramides à degrés. Celle de la première a disparu : ainsi que’
Ie ai dit, il paroît que leur destination principale étoit de servir de barrière à
irruption des sables de la Libye. Le nombre de ces enceintes est beaucoup moins
( J ) Voyez planche 6, Ant. vol. V.
(*) Voyez Remarques et Recherches sur les pyramides,
&c. §. IJI, a . M .
( 3 ) M. Gratien Le Père pense qu’elle n’a pas servi
A. D.
au transport, mais que c’étoit une digue bâtie pour
rejeter le Nil vers l’est; mais c’est au sud, et non pas au
nord de Memphis, que fut construite la digue destinée à
cet usage.
M