destinée à réconnoître les navires descendant de la Thébaïde, il est tres-vraisem-
blable que la première avoit la même destination, quant aux barques venant de
Memphis et de l’Heptanomide par le canal de Joseph. La navigation sur ce canal
étoit autrefois bien plus importante qu’elle,ne l’est à présent. Strabon s y embarqua
, et la manière dont il raconte son voyage feroit croire qu’il le prit pour une
branche du Nil ; même il ne parle nullement du grand fleuve.-
Le village de Darout Omm-Nakhleh, qui s’appelle aussi Darout-Aclimoun, et
dans le voisinage duquel nous venons de voir quil y avoir desT.vestiges d antiquités,
pourroit bien être dans l’emplacement du château ou poste Hermopolitain,
comme Darout e l-C h e ry f (ou, selon les Chrétiens, Darout-Sarâbâm), situé
à l’embouchure du canal, étoit le poste Thébaïque. Le nom commun de Darout
semble correspondre à l’ancien nom commun de Phylace. Darout-Sarâbâm est sur
la limite de la Thébaïde et de l’Heptanomide, et Darout-Achmoun est près du
désert, presque en face d’Achmouneyn et au-dessous de Tanis. Enfin son,surnom
SAchmoun paroît signifier la même chose qu’Hermopolitain : car, ainsi que nous
le verrons bientôt, Achmouneyn est un reste de 1 ancien nom de la ville ; Hermo-
po/is est un nom imposé par les Grecs.
A u nord d’Achmouneyn, sur le canal, est un lieu composé de deux villages
contigus, appelés Qasr-Dour. Le mot Qasr signifiant chateau, et Hour étant un
ancien nom Égyptien (i), on pourroit encore chercher dans cet endroit 1 ancien
château d’Hermopolis, et avec assez de vraisemblance.
Si l’on croit que le poste Hermopolitain devpit etre sur le -Nil, en se. fondant
sur ce que les Qobtes parlent du port de Schmoun, on pourroit supposer cette
position en trois endroits : l’un, à 1 origine.du T erat el-Sebakh, ou est un couvent
dont j’ai fait mention plus haut; le second, à el-Reyremoun, origine dun canal
qui se rend à Achmouneyn; le troisième, enfin, a Meylaouy, ou le Nil passoit dans
le siècle dernier. Mais je dois dire qu’il n’existe point de vestiges d antiquités dans
les deux premiers, et que le troisième n’a aucune butte de ruines. '
Il y a moins d’incertitude sur le poste Thébaïque.* Il est certain que Darout-
Sarâbâm, village aujourd’hui riche, peuplé et bien bati, est lè siege d une ancienne
position. Dans la mosquée qui est sur le canal, on trouve des colonnes antiques ; il y
en a dix de marbre blanc, et deux autres torses. Les chapiteaux sont Corinthiens;
mais l’ouvrage est grçjssier et paroît Arabe. Dans la cour de Selym-agha, j ai
vu un piédestal en marbre de la même exécution ; j ai vu aussi dans la meme
cour un monolithe de granit, ouvrage Égyptien, qui a été trouvé, quinze ans
avant l’expédition, par des fcllâih creusant près d’un jardin, et qui sert aujourd hui
de marchepied. C’est le cheryf qui me racontoit ce fait ; d autres me dirent que
•cette pièce avoir été trouvée à Koum el-Ouysyr, butte sur le canal au nord de
Darout. La grandeur du monolithe est de 36 pouces; sa largeur.de 32 > sa P10'
fondeur, de 30. Il y a une niche pratiquée dans l’intérieur, et les faces sont ornees
par une corniche et un cordon qui fait le tour.
En outre, les Chrétiens disent que Sarâbâm est l’ancien nom de 1 endroit, et que
( i) Description d’Edfoû, chap. V, /• V>
ce heu a de tout temps ete ainsi appelé sur leurs registres. Ils ajoutènt que c’étoit
autrefois une ville de Grecs [ Român] (1), et les Musulmans/appellent Beled-Koufry,
ainsi qu’ils font de toutes les ruines Égyptiennes. Au resté, il n’y á point; comme
dans les anciennes villes, de buttes couvertes de décombres, ou de constructions
ruinées en brique.
Ce qui vient à l’appui de la tradition des Chrétiens, est l’existence d’un ancien
monastère appelé Deyr Abou-Sarâbâm, que j’ai vu auprès de Darout : c’est une
petite enceinte carrée, où l’on enterre les Chrétiens qui meurent dans les villages
voisins.. L églisg.étoit desservie par un homme très-pauvre et vivant d’aumônes ;
mais il n’y a point de prêtas dans le couvent’(2); Le nombre des Chrétiens est
très-petit à Darout ; une vingtaine y vivent d’aumônes, ou font le métier de fellah.
Le monastère est beaucoup plus ancien que le village même. Au rapport des
Qobtes,.il y a eu là jadis une habitation de Grecs, avant quedes Chrétiens s’y établissent.
Son nom étoit Derouéh - Sarâbâmoun Deroueh, m’a-t-on
dit sur les lieux, signifie enceinte habitée '(ÿ)'; quant à Sarâbâmoun, il est facile
de voir, selon moi, que c’est un nom composé de Sarâb ou Serapis, et d'Amouiu
ou Animon (4). Ainsi Darout-Sarâbâm est un nom corrompu et abrégé. D ’Anvilie,
et ceux qui ïgn t précédé, sont donc tombés dans une double erreur, quand
ils ont cru que Darout el-Cheryf vouloit dire le canal noble ou bien du cheryf Ce
nom n’est pas une corruption de Terat el-Cheryf ¡.¿ e s t le mot Deronet qui a été
changé en Darout, et ils ont ajouté el-Cheryf, à cause qu’un cheryf (y) y avoit fait sa
résidence. Ainsi se détruit cette origine qu’on avoit donnée au canal de Joseph,
en 1 appelant canal du Patriarche. On sait maintenant, à n’en plus douter, qué
c’est une dérivation naturelle et peut-être un ancien bras du fleuve, qui autrefois
a été fort considérable (6).
• Dans le village même de Darout, il y a peu de traces d’une ancienne ville. On
m’a dit que, trente ans avant l’expédition, il y avoit existé une fort ancienne église,
qu’on a remplacée par une autre plus petite. J’ai vu- dans celle-ci deux à'trois
petites salles oblongues, sur le plan commun des églises d’Égypte (7). Personne n’a
pu me dire s’il y avoit eu dans cet endroit un ancien fort, comme il devoit en.exister
un à Thebdica Phylace. Le bois de dattiers qui est auprès, renferme une grande
, 0 ) Les Qobtès surnomment cet endroit Bekd-Román, de noms des dieux Égyptiens se rencontrent souvent,
c’est-à-dire, ancienne résidence des Grecs, et non des On les voit fréquemment employés dans les manuscrits
Romains, comme la cru Jablonski. R o u m , Român, Qobtes: les Chrétiens ont adopté les noms* composés
est le nom que les Qobtes donnent aux Grecs ; nom de cette espèce; et un saint anachorète , appelé Sara-
qu’il ne faut pas confondre avec Roummdn, qui signifie pamqn , avoit, suivant el-Maqryzy, donné son nom à
grenade. . • une église voisine de Darout. (Et. (Juatremère, Obsrr-
(2) Au-dedans, sont quelques doum et un dattier rentar- rations sur quelques points de la géographie de VEgypte,
qtlable pour la grandeur ; au-devant, est un grpS sycomore. tom. I , pag. 13.)
(3) Plusieurs savans font venir Darout et Derouetde (5) On donne ce nom aux d escend ante Mahomet; 1 EpoiT, mot Qobte, signifiant dérivation. M. Chant- c’est toujours un cheryf qui est cheykh el-beled dans ce
r./vll;n n i „ __ 1__ ________ ______ pollion le tire de p tU T ou p s n f_, dériver (, L» *.E d-g ypte sous . . . . J
les Pharaons, tom. I , pag. 20 ). Le mot Arabe Tcra't (6) Voyez mon Mémoire sur le lac de Moeris, A . M.
signifie aujourd’hui à peu près la même chose; c’est le tom. I , pag. 100.
nom qu on donne aux canaux. * ^ (7) Le carreau étoit couvert de béquilles : les insectes
(4) Ees Egyptiens donnoient le nom d’Amoun à Ju- y vivent dans^ une abondance incroyable, et rendent
piter. (Hérodote, Hist. liv. I l,S . 4 2*) Ces assemblages le séjour de ces églises insupportable aux étrangers.