moderne du phare étoit un reste de l’antique Heptastadium, que nous verrons
dans l’article suivant. Si cette dernière levée, qui se dirigeoit presque du sud-est
au nord-ouest, eût formé un coude aussi remarquable aux approches de la tour,
les géographes en auroient certainement parlé. D ’ailleurs, la longueur de XHepta-
stadium se trouveroit considérablement excédée par cette addition , et il n’auroit
pas reçu le nom qu’il portoit. La digue moderne est située entre le château et
la presqu’île actuelle du Phare, et non entre l’île Pliaros et le continent, comme
l’étoit XHeptastadium : elle n’a que huit pieds de largeur, et, comme communication
principale de la ville à l’île Pharos, qui étoit si peuplée et si commerçante,
elle auroit été trop étroite. Quoique XHeptastadium fût aussi un angustum
iter (i), il étoit certainement plus large, ne fût-ce que pour le passage des voitures.
[47] Dans le même temps où XHeptastadium s’encombroit, la communication
de l’île Pharos avec le phare, par les rochers en avant de la digue actuelle,
se trouvoit de plus en plus interrompue par la mer. Il aura fallu faire successivement
des restaurations de la portion de chemin que les anciens avoient entretenue
près de la tour, ou plutôt une digue nouvelle, qui est celle d’aujourd’hui
: je ne crois pas même que la partie de cette jetée la plus voisine de la
ville moderne soit une réparation de l’ancien Heptastadium.
Le genre de construction de sa masse supérieure prouve, aussi-bien que celui
de sa base, qu’elle n’est pas antique. Je dois l’examiner avec quelque détail par
cette raison. Elle est entièrement sinueuse et offre des angles fréquens. Cette
disposition a eu pour objet non-seulement de profiter des rochers épars que le
sol présentoit, mais encore d’empêcher le chemin couvert d’être enfilé par l’artillerie.
On ne reconnoît pas là cette régularité que les anciens auroient observée.
La digue est percée par des canaux qui établissent la communication entre la
pleine mer et le port neuf. On ne peut pas confondre ces espèces d’aqueducs
avec les deux voûtes bien plus considérables qui étoient pratiquées dans XHeptastadium,
pour la communication du grand port et de l’Eunoste. Ces canaux ont
été faits pour franchir les interruptions des récifs qui servoient de fondemens,
et pour qu’un ouvrage frêle et exposé aux vagues de la haute mer éprouvât moins
de ravage, en leur laissant un libre passage. A u lieu de cela, les anciens auroient
jeté un môle énorme et solide, et se seroient bien gardés d’introduire des flots
agités dans leur port principal, dont le calme et l’étroite ouverture sont d’ailleurs
reconnus par toute l’antiquité. Sur les arêtes des revêtemens de la jetée, sont
élevés deux murs parallèles, dont les directions se composent de l’assemblage de
plusieurs lignes droites. Ces murs sont crénelés dans le genre mauresque.
H E P T A S T A D I U M .
E M P L A C E M E N T D E L A V I L L E M O D E R N E .
[48] D ’Anville, malgré sa remarque, qui ne porte que sur la lettre de Strabon,
n’a pas dirigé XHeptastadium dans un sens contraire à celui de cet auteur. Ce pendant,
en admettant une faute dans le texte Latin, on a supposé qu’il falloit y
(1) Jul. Cxs.de lîello civilt.
mettre orientalem au lieu d’occidentalem, et rapprocher la direction de XHeptastadium
de la digue moderne du phare, que quelques personnes croyoient construite
par Alexandre ; mais, de cette manière, on ne trouvera jamais sept stades, comme
1 indique le mot Heptastadium, pour la longueur de ce môle, quelque espèce de
stade qu’on veuille y employer.
[4 ç] D ’ailleurs, ce seroit anéantir le port neuf, le principal port des anciens,
pour augmenter inutilement la rade du port d’Eunoste, déjà trop grande pour
eux. Pourquoi, construisant de toutes pièces une jetée pour joindre l’île Pharos au
continent et former leur grand port, auroient-ils sacrifié l’abri qu’ils trouvoient
au pied du prolongement oriental de l’île Pharos! Comment cette île auroit-elle
formé le grand port, s’ils l’avoient rejetée en dehors et à l’ouest de XHeptastadium !
Il est démontré que ce grand port a été beaucoup plus ensablé que l’Eunoste ; ce
qui prouve encore que ce môle se portoit à gauche de la ville moderne. Strabon
le confirme aussi, lorsqu’il décrit un enfoncement formé par chacun des deux ports
eon tre 1 Heptastadium. Si vous portez la digue tout entière d’un côté des deux ports,
alors il n’y a plus d’enfoncement le long ( continui) de ce côté de l’Heptastade.
2 [50] La position des deux arches de XHeptastadium doit se combiner aussi
avec la longueur et la direction de ce môle. Quoique la communication qu’il lais-
soit entre les deux ports n’existe plus, aujourd’hui encore toute la petite navigation,
particulièrement celle qui se fait avec Rosette et le reste de l’Egypte, passe
par l’entrée du port neuf pour aboutir à Alexandrie.
[5 1 ] Lorsque Strabon a dit que l’Heptastade étoit un aqueduc, j’ai cru devoir
traduire le reste de la phrase ainsi, dans le temps où l ’île Pharos étoit habitée, et
non pas,attendu que l’île étoit habitée, parce qu’il parle aussitôt après de la dépopulation
de cette île par César.
[52.] D ’après tout ce que nous avons vu et l’ancienne profondeur générale des
çaux, qu’il faut prendre dans les sondes du port d’Eunoste, il est vraisemblable
que la digue étoit fondée par enrochement. Les Macédoniens avoient fait depuis
peu un mémorable essai de ce genre de construction au siège de T y r, pour traverser
un bras de mer de quatre stades de largeur, très-profond, et exposé à des
coups affreux du vent d’Afrique. A Alexandrie, ils n’avoient pas toutes ces difficultés,
mais seulement plus de longueur d’ouvrage à faire. J’estime que la profondeur
d’eau n’étoit que de trente à trente-six pieds dans cet emplacement : aussi
n’employèrent-ils pas de bois, comme à Tyr. Ces grands arbres, outre qu’ils auroient
nui à la solidité d’une construction qui devoit être permanente, auroient
trop embarrassé Je pied de XHeptastadium et encombré les ports. Par les mêmes
raisons, leur enrochement ne dut s’élever que le moins haut possible au-dessous
de la mer. Des talus ou des retraites en maçonnerie réglèrent les flancs de la digue et
le pied des culées des deux ponts, afin que le passage des vaisseaux sous ces voûtes
ne fût pas obstrué. Après avoir formé sur une épaisseur suffisante ces culées
en bonne maçonnerie, tant pour soutenir l’effort des voûtes que pour servir de
base aux deux forteresses, ils purent achever le reste de la longueur intermédiaire
en pierres perdues et maçonneries de remplissage. Ces culées dévoient être un
A . D . * C i