
d’exactitude, colonne dédiée à Dioclétien, puisque la dédicacé est la seule, chose dont
nous soyons bien sûrs; ou, pour plus de brièveté, colonne Dioclétienne, comme on
dit- Trajane, Antoninc, c.
On, objectera peut-être que, quoique Pline et Strabon n’aient pas parlé de
ia colonne, elle pourroit avoir été faite par des architectes Grecs sous les Ptolé-
mées, puisque Strabon, écrivain si exact et qui a bien plus détaillé les monumens
d’Alexandrie que Pline, ne dit pas un mot des obélisques, qui, bien certainement,
y existoient au moins du temps de ce naturaliste. D ’abord, il est;possible que
ces obélisques aient été placés devant le temple de César, entre l’époque du
voyage de Strabon et celle où Pline écrivoit. Quant à la colonne, il est bien
vrai qu’on faisoit encore de grandes choses sous les Ptolémées; mais ces ouvrages
consistoient en constructions formées avec des blocs de grosseur moyenne, et
non pas à faire de ces exploitations dont le travail, énorme pour une seule
pièce, convenoit entièrement au caractère, des anciens Egyptiens,,comme on
l’a démontré. Il ne paroît pas même que les rois Grecs aient retaillé des.pièces
colossales pour les employer avec les mêmes proportions ; car ils transportoient les
obélisques, et les plaçoient à peu près comme ils les avoient trouvés. Ces Grecs,
ou même les Romains du temps de Sévère, étoient encore moins disposés à
extraire de pareils monolithes dans les montagnes des cataractes, si l’on en juge du
moins par les dimensions modérées des constructions que ces derniers ont faites
en Égypte, sous Adrien, dans la ville d’Antinoé. Mais, à cette même époque,
■ces sortes de colonnes votives, portant des statues, devinrent en usage [124 ],
comme le prouvent celles de Trajan, d’Antonin à Rome, et d’Alexandre.Sévère
à Antinoé. Or nous avons remarqué qu’il étoit à peine probable que les anciens
Égyptiens eussent fait des colonnes en granit; à plus forte raison, celle-ci, qui est
Grecque. On ne peut pas dire non plus que les, Romains aient ainsi refaçonné
unt antique colonne Égyptienne. Nous , devons donc conclure de tout ce qui
précède, que les artistes du temps de Septime, à peu près, ont arrondi quelque
ancien obélisque pour en tirer le beau fût que nous voyons. Nous avons vu
effectivement des obélisques de dimensions suffisantes pour cela ( puisque la colonne
n’a que huit pieds quatre pouces dans son plus grand diamètre, et à son
astragale, deux mètres cinquante,centimètres), notamment celui de quatre-vingts
coudées de hauteur qui fut transporté.à Alexandrie [voyez la note .78 ), et dont
on ignore le sort. On ne le retrouve nulle, part, quoiqu’il dût être bien recon-
noissable par sa troncature; ses débris mêmes le sçroient encore, vu leur prodigieuse
grosseur, qui s’opposoit à sa destruction totale. Son défaut d’hiéroglyphes
invitoit à l’employer, comme bloc, à un autre usage, et la beauté de ses dimensions
et de sa matière méritoit que les empereurs en tirassent parti, au lieu de
le détruire, comme il faudroit.sans cela supposer qu’ils l’ont fait. Il est donc très-
vraisemblable que c’est de lui qu’ils ont formé la grande colonne Dioclétienne.
La petite éminence sur laquelle repose ce monument, n’est vraiment qu’un
monceau de décombres, de même que toutes les petites collines des environs.
D ’après cela, et l’état et le genre de construction du .soubassement, 011 juge que
le sol de ce tas de ruines, ou bien quelques marches construites tout autour,
comme a 1 obélisque du Coesarium, couvroient cette grossière maçonnerie. Ce
terrain environnant s’est peu à peu rabaissé par l’effet des vents et des pluies
au point où on, le voit ; ou les degrés ont été démolis et les fondations déchaussées,
lorsqu’on y a fait des recherches, soit pour employer les matériaux de
ces retraites à d’autres constructions, soit pour y trouver de prétendus trésors,
soit enfin par ce seul fanatisme aveugle qui a fait ravager le reste des bâthnens
d’Alexandrie. Il est effectivement très-vraisemblable, sur-tout si nous ne trouvons
pas autour de la colonne les traces de quelque grand édifice qui lui ait appartenu,
qu’il existoit quelque parvis ou entourage coordonné à ce monument isolé, et
qu’on ne l’avoit pas érigé à Dioclétien, Sévère, ou tout autre empereur, sur un
emplacement brut ou encombré, sans y joindre quelque accompagnement au
moins au niveau du terrain naturel ou du sol environnant.
Nous avons peu de renseignemens sur l’édifice qui pourroit avoir existé autour
de cette colonne, et nous y voyons peu de vestiges. Les auteurs Arabes sont les
seuls qui semblent en parler ( 1 ) ; mais ils sont si peu exacts et si exagérateurs !
Nous venons de reconnoître d’abord que le fût n’avoit pas été tiré tout formé
d’un autre édifice. Il ne se trouve pas, dans les ruines d’Alexandrie, au bord de
la mer ou ailleurs, de colonne en granit de ce diamètre ( on n’en voit pas même
en Égypte [ 1 2 5 ] , à Rome, ou dans le monde entier ) qui puisse faire penser
qu’elle appartenoit à quelque édifice renfermant d’autres colonnes pareilles. Mais
quelques voyageurs modernes ont trouvé auprès de son emplacement des frag-
mens de colonnes de même matière, et de quatre pieds de diamètre, quelques
vieux fondemens et des constructions formant un carré d’une assez grande proportion;
toutes choses qui semblent se prêter un peu aux récits des Arabes des
xn i.' et x iv .c siècles. Cependant la colonne est placée sur un des lieux les plus
élevés du sol de l’ancienne cité : elle occupe à peu près le point culminant de
ce monticule ; ce sommet ne présentoit pas un plateau assez spacieux pour un
édifice un peu considérable qui auroit été coordonné à ce monument, et dont
celui-ci auroit lui-même fa it partie. II me semble que les vieilles fondations
qu’on voit aux environs attestent plus clairement que la colonne a été élevée sur
des ruines de la ville antique (2), et, par conséquent, dans des temps postérieurs
à sa grande prospérité; au commencement du m.c siècle, par exemple. Le système
de construction de ses fondemens le prouve encore ; c a r , le piédestal
étant placé sur un tronçon d’obélisque [ 126], et sur une maçonnerie d’entourage
et de support, qui, bien qu’elle fût cachée, se trouvoit déjà très-élevée, le tout
devoit reposer, à une assez grande profondeur, sur de vieilles constructions, et non
sur les terres rapportées autour. Si elle portoit sur le terrain naturel, c’étoit plus
bas encore, et le soubassement revêtu que nous voyons se seroit trouvé dominer
l’cdifice environnant et placé au niveau du sol primitif etgénéral. Nous verrions,
(1) Voyez ce que j’ai rapporté, page 14, d’un débar- (2) Nous verrons effectivement bientôt, à l’occasion
cadère que les capitaines d’une flotte Turque firent du stade, qu’il y avoit dans ce quartier plusieurs vieux
faire avec des tronçons de colonnes extraits des ruines temples déjà abandonnés du temps de Strabon.
d’Alexandrie.