Nous rie parlerons pas en détail de l’objet de ces aqueducs, et je me borne à
les décrire à mesure que nous les rencontrons sous nos pas, afin de ne pas trop
interrompre le tableau de la forme et des dimensions de l’ancienne ville , dont
bomjs venons de commencer à prendre connoissance dans l’article précédent.
Corneille le Bruyn dit que « les citernes d’Alexandrie se remplissoient encore
y> de son temps (t) par un conduit souterrain qui étoit hors de la porte de Ro-
» sette, et qui, à un quart de lieue environ de la ville , prenoit son eau dans
le canal d’Alexandrie. » C ’est le premier de ceux que nous examinons; il est
aujourd’hui absolument oblitéré et abandonné. Il part du.grand canal un peu à
, l’amont du troisième poift.
Il v en avoit encore un plus grand nombre autrefois ; mais les uns sont engorgés,
et les autres n’aboutissent plus qu’à quelques jardins.
1 Celui de ces aqueducs qu’on yoit entre le second et le troisième pont du grand
canal d’Alexandrie, est d’ouvrage Romain ou Grec. Il est très-étroit, et il étoit
■évidemment destiné à porter les eaux dans la partie de la ville ancienne vers
laquelle il se dirige. Il est visible qu’il sort de ce canal qui amène actuellement
le.Nil à Alexandrie. Il n’a que cinq à six pieds de largeur. La partie inférieure
des pieds-droits est revêtue en grosses pierres de taille, par assises réglées; et la
supérieure, en briques antiques. C e t ouvrage étoit probablement recouvert par une
, voûte en briques : aujourd’hui il est découvert dans une longueur de cinquante
pas, au bout de laquelle on voit que son lit est encore plus étroit et n’a que
deux pieds de largeur. Cette partie n’est pas couverte en berceau, mais en toit
formé par des briques mises successivement en saillie les unes sur les autres, les
deux dernières se joignant au sommet du triangle que présente la section de cette
espèce de voûte.
On voit que cet ouvrage a été réparé en partie par les Sarrasins; mais on distingue
bien aussi les deux mains, c’est-à-dire , la réparation Arabe et la construction
primitive et antique. L e ciel du canal n’est pas ouvert ailleurs que dans
cet endroit; mais on reconnoît fort bien sa direction, et l’on sait qu’elle aboutit
à l’ancienne ville des Arabes.
Les petites ouvertures carrées qu’on aperçoit à la partie supérieure de tous
ces aqueducs, sont des puisards plus grands à l’origine que dans le reste de la
longueur du conduit. Ils servoient à descendre dans ces souterrains pour les
nettoyer, et à y puiser de l’eau quand ils étoient remplis par la crue du Nil.
L’embouchure de quelques-uns est murée. On rompoit autrefois cette séparation,
ou celle que formoit simplement la digue du canal principal, lorsque
l’eau du Nil s’étoit suffisamment élevée; cette opération étoit accompagnée de
très-grandes cérémonies; ensuite, les citernes auxquelles les aqueducs condui-
soient étant remplies, on rétablissoit la barrière, et les eaux continuoient à couler
vers la mer.
Il y a encore, comme nous le verrons, deux autres aqueducs parallèles à ceux-
ci, et dont le dernier est le prolongement du canal du Nil sous la ville Arabe.
(i) En 1700.
G R A N D E R U E T R A N S V E R S A L E .
F O R M E E T D I M E N S I O N S D E L A V I L L E A N T I Q U E .
A mesure qu on parcourt ces collines dont j’ai parlé au commencement de
4 article précédent, on rencontre plusieurs lignes de dépression qui les traversent
à peu près perpendiculairement à la grande rue longitudinale et vers son milieu,
en se dirigeant des environs du mole ruiné ( 1 ) et des ports du fleuve (2) sur la partie
plate du grand port, où se trouvoient les apostases et autres établissemens maritimes,
Il y en a une sur-tout, fort remarquable, qui remplit toutes ces conditions.
Elle part du fond de la grande anse de l’ancien port du fleuve, à côté du môle
antique ; elle' suit à peu près la partie découverte du second aqueduc parallèle
qui conduisoit vers ces établissemens de commerce, la partie voûtée de ce même
aqueduc, et sa dépression très-marquée à travers les monticules ; elle coupe la
grande rue longitudinale justement au milieu, et en est coupée elle-même à peu
près semblablement; elle passe, sur sa droite, au pied du fort Crétin, emplacement
dun grand édifice antique, et, sur sa gauche, auprès du palais ruiné (3); elle
rencontre plus loin une grande butte qui a pu appartenir à une porte de ville
{cellede la L un e ), longe le Coesarium, et tombe ensuite sur le commencement
de la partie du grand port appelée Posidium, vers la droite, en ayant l’Emporium
à gauche; elle coupe d’abord l’enceinte Arabe au point où celle-ci commence
a s élargir au sud, et elle la traverse au nord sur le bord du grand port, dans
une partie où nous avons reconnu que les murailles Sarrasines avoient été construites
sur d’anciens fondemens de quais; enfin elle est parallèle, comme la grande
rue longitudinale, à toutes les enceintes de jardins, masses de villages et autres
propriétés voisines de la porte de la Colonne; elle l’est aussi à une autre rue qui
a dû passer par cette porte et par Bâb el-Bahr, ou porte de la mer.
Je présume, que tel est l’emplacement de la seconde des deux larges rues de
Strabon et des autres auteurs, lesquelles se coupoient à angles droits dans leur
milieu. Leur dépression n’est pas par-tout, il est vrai, aussi parfaitement marquée
que celle que nous trouverons à la rue longitudinale intérieure de l’enceinte
Arabe, vers la porte de Rosette; mais c’est parce qu’elles n’ont pas été aussi longtemps
conservées que celle-ci par les Sarrasins, et que les parties du sol abandonnées
par eux ont été constamment fouillées et effacées. A u surplus, cette
direction de la grande rue transversale remplira aussi bien les conditions qui
vont encore se développer successivement que celles qu’on a déjà vues.
D abord nous savons que cette rue avoit la même largeur de plus d’un jugère,
un plèthre de cent pieds, qu’avoit sa perpendiculaire. On verra, par la forme
de la chlamyde appliquée au terrain, que le maximum de la largeur de la ville se
trouvoit sur 1 emplacement de cette ru e , à laquelle il faut, par conséquent,
donner pour longueur la mesure de la largeur de cette ville. Or Josèphe dit
« qu Alexandrie n’a pas moins de dix stades [ neuf cent cinquante toises ] de
» largeur » ; ce qui donne la longueur de la rue transversale à dix stades. La
(') M f y , Ê. M . (2) Pl. A. (3) Pl. 84, È. M.