nous le voyons aujourd hui. C est pourtant au voisinage de cette partie que le
comblement du port neuf s’est principalement opéré dans tous tes temps, mais
plus au sud-ouest; et c’est réellement vers le couchant seul que 1 alluvion de 1 Hep-
tastade facilitoit les approches ( par terre) de la place. D ’ailleurs, au point ou nous
sommes, il y avoit, à l’époque de la construction Arabe, un grand appareil de
fortifications, de tours et de portes formant une espèce de fort carre et en saillie,
pour communiquer avec l’atterrissement déjà existant de 1 Heptastadium, et résister
aux grandes attaques du côté de cette digue.
Tout ce front, depuis le croissant du port d’Eunoste jusqu’à la tour des Romains,
me paroît, par les divers motifs que je viens de rechercher, eleve a peu près
sur les fondations Grecques. 11 faut avouer que l’aspect de ces fondations, qui se
découvrent dans quelques endroits, fortifie bien cette conjecture.
On voit aussi que les massifs de fortifications, et les tours en particulier, sont
plus considérables aux autres angles saillans, notamment aux deux extrémités du
front courbe que nous avons en face de nous, dans le fort triangulaire et dans ce
grand ensemble de belles et fortes tours qui s’avancent dans la mer, et que je crois
modernes en grande partie (sauf celle qui est ronde et qui paroît antique, comme
on le verra bientôt ).
On prétend qu’il y avoit cent tours dans l’enceinte Arabe. Il en reste beaucoup
moins aujourd’hui, depuis qu’elle est elle-même abandonnée et en partie
démolie. Celles de la ligne extérieure, dont j’ai indiqué l’espacement et le médiocre
diamètre, ont chacune un escalier pour monter aux mâchicoulis, dont le
parapet est soutenu par des arcades. Elles sont toutes voûtées, ainsi que celles
de la ligne intérieure. On remarquera que les unes et les autres lient quelquefois
les deux enceintes en se raccordant par des faces droites avec la ligne du dedans,
et qu’on passoit sous la partie intermédiaire de l’édifice pour parcourir le chemin
de ronde existant entre les deux enveloppes. La plus grande partie de ces tours,
sur-tout celles de l’intérieur et les grandes du dehors et des angles, sont construites
sur un même plan qui leur est particulier : elles sont composées d’une portion
demi-cylindrique qui est en saillie sur le nu du mur, et d’une portion rectangulaire
et souvent en retraite au-dedans de l’enceinte. La distribution intérieure
de ces tours est très-variée; quelques-unes ont jusqu’à trois étages; elles sont
aussi recouvertes d’une plate-forme entourée d’une espèce de rempart en parapet
[136].
On voit, dans quelques-unes de ces tours, des colonnes de granit, restes d’antiquités,
servant de point d’appui à des voûtes annulaires. Leur chapiteau est de
marbre ou de pierre, et il est séparé du fût par une tablette de bois plus ou moins
épaisse et qui s’est pourrie [ * 37]-
Nous avons vu que quelques parties de l’enceinte Arabe étoient évidemment
élevées sur les fondemens antiques; plusieurs même semblent être des restes des
murailles Grecques. J’ai démontré l’antiquité de la tour dite des Romains; on en
trouve encore trois autres qui paroissent aussi fort anciennes, et qui diffèrent par
leur construction de celles des Sarrasins. D ’abord deux demi-tours construites de la
même
meme pietre numismate que celle de la tour dite des Romains, se voient à quelque
distance l’une de l’autre, sur le front qui s’étend depuis la grande place d’Alexandrie
jusqu à la porte de la Marine ( 1 ). Ces deux demi-tours diffèrent cependant
un peu entre elles, en ce que l’une pourroit avoir été réédifiée ou restaurée par
les Arabes ou par les Grecs du Bas-Empire, qui auraient suppléé aux pierres qui
leur manquoient par des tronçons de colonnes de marbre ou de granit, disposés
horizontalement [138]. Enfin la quatrième est celle qui termine, sur le bord de la
mer, dans Je port vieux, le front appuyé sur le fort triangulaire. Cette tour a une
grande ressemblance extérieure avec celle dite des Romains (2); du moins elles
sont toutes les deux incontestablement situées dans des points de l’enceinte antique
qui n’ont pas changé.
Il y avoit, comme on peut le remarquer, cinq portes maîtresses dans l’enceinte
des Sarrasins, remplaçant les anciennes issues principales de la ville des Ptolémées ;
et nous verrons par-là comment celle-ci n’a été resserrée qu'en faisant rentrer
ses limites et ses grandes ouvertures vers son centre, dans trois ou quatre sens
principaux. Ces portes sont, t.° la porte dite des Catacombes, par où nous entrons
maintenant, établie pour conserver l’ancienne sortie vers Necropolis; 2.° celle
du Cimetière, pour joindre l’Heptastadium et ensuite la ville moderne; 3.° celle de
1 Esplanade, pour communiquer à la partie du grand port où aboutissoit la porte
de la L une , 4 - celle dite de la Colonne, ou Bâb el-Sedr, vers les ports du fleuve,
en remplacement de celle du Soleil; y ° enfin celle de Rosette, pour l’ancienne
issue vers Canope, aujourd’hui Abouqyr [139].
Ces portes sont, en général, revêtues de placage en granit ou de colonnes de
cette matière, qui leur servent de jambages (3). On en voit à des portes du côté
du fort triangulaire, qui sont formés de longs et beaux blocs de pierre numismale
polie. Le seuil, ainsi que le sommier, de ces ouvertures principales, est souvent
U” .e C,°lonne coucllée en «avers, et qu’on n’a pas même pris le soin d’aplanir; ce
qui nétoit pas indispensable, puisque les Turcs ne se servent pas de voitures.
Les bandeaux de la porte de Rosette, qui est très-élevée, sont d’un seul morceau
de granit, de meme que la colonne qui lui sert de seuil. Nous avons vu, dans
le parement des pieds-droits d une de ces portes, des pierres provenant d’une
frise de granit d’une très-grande dimension [i4 o].
| A u surplus, il règne, comme on peut s’en apercevoir, une grande confusion
d’âge et de caractère dans toutes ces constructions Grecques, Sarrasines et
Turques des fondemens et des murailles de la ville Arabe. Les tours Sarrasines
et modernes sont chargées, en différens endroits, d’inscriptions en caractères
Koufiques et Arabes. Les murs de cette enceinte sont communément construits
en petits moellons revetus de grosses pierres de taille. En général, ceux de leurs
matériaux qui ne proviennent pas de la démolition d’édifices antiques, sont d’une
espece plus grossière de pierre lenticulaire, formée d’un assemblage de petits coquillages
fossiles et spathiques liés, sans aucun ordre, par une sorte de ciment.
(1) Voyez planche 84, Ê. M . , et la suite, jusqu’à 90, (2) Voyez planches 88 et 89.
et ^ (3) Voyez les planches modernes déjà citées.
A. D.