de ces animaux écrasés par un personnage recouvert.de la dépouille d’un épervier.
Le passage de Strabon relatif à cette antipathie des Tentyrites pour le crocodile
est trop curieux pour tjue nous ne le rapportions point ici. « Les habitans de Ten-
» tyris, dit cet auteur (i), ont plus que tous les autres Egyptiens, le crocodile en
» horreur : ils le regardent comme le plus dangereux de fous les animaux sauvages.
» Quelques Égyptiens cependant, quoiqu’ils connoisseht la férocité de cet animal
» et qu’ils sachent combien il est nuisible à l’homme, l’honorent et ne lui font
» aucun mal : mais les Tentyrites le poursuivent de toutes les manières et le tuent.
» On prétend que de même que les Psylles de la Cyrénaïque sont doués d’une
» faculté naturelle qui les préserve de la morsure des serpens, de mêrrie' aussi
•n les Tentyrites jouissent d’une certaine propriété qui les empêche d’éprouver
» rien de fâcheux de la part des crocodiles. Bien plus, ils plongent dans les eaux
» où se trouvent ces amphibies, et les traversent dans tous les sens ; ce que per-
» sonne autre qu’eux n’oseroit faire. Lorsqu’on transportoit à Rome des croco-
» diles pour les spectacles du cirque, des Tentyrites les suivoient. Un réservoir
» étoit préparé pour ces animaux : il étoit percé, sur l’un de ses côtés, d’une ouver-
» ture par laquelle les crocodiles sortoient de l’eau et venoient s’étendre au soleil.
» Les Tentyrites les tiroient du réservoir avec des filets , pour les exposer dans
» farène, de manière qu’ils pussent être vus par les spectateurs; ils les remettoient
» ensuite dans le bassin, en y^descendant eux-mêmes.»
Dans le même passage, Strabon nous apprend que les Tentyrites honoroient
Vénus. C ’est ce qui résulte évidemment de la description détaillée que nous avons
donnée du grand temple de Denderah, où par tout, en effet, dans les bas-reliefs,
dans les frises, et dans lesUteux les plus apparens de l’édifice, on retrouve l’image
d’Isis-, la même que les Grecs nommoient Aphrodite ou Vcnus. ■ :
La suite de la citation de Strabon nous paroft mériter d’être remarquée. En
effet, ce géographe dit (2) qu’après le temple d’Aphrodite se trouve la chapelle
d’Isis, puis ce que l’on appelle Typhoniat et le canal qui va à Coptos, ville commune
( 1 ) ’EïtoÎcth. S i Sia<piopŸ'laç mçgL -nvg ¡OMg Aiyvvlwç ab eo abstinent : Tentyrïtæ omnibus modis io s pervestigant,
0 XDOxeSiixoç w /xgm i, k, 4^9içoç 7w ¿-nônar SueÁay vîyÔ/jUçu.1. atque occidunt. Sunt qui dicant.j quemadmodtim P sy lli apud
0 1 fÂ&i yàp «Mo/, Kcumf eiSb-nç r h xaxictv r i Çciv, ;iÿl à ç Cyrenaïcam regionem naturalem quamàam vim habent ad-
oAi'fy/ov ru» eaBpafmu , <¡iGcrm\ q/ju»ç , kj &7tïyyiTU\■ versus serpe fîtes j s ic et Tentyritis esse contra crocodilos ut
tint SI mr ru rço-mv cert^rtvvtn, k, S’.az%içÿvtnv aùrovç. Enoi n ih ïl ab eis damni accipiartt, sed intrépide urinentur et
P aaoBif reuç -nvg r stsç r « Kvprvaix (pvcnuiv ma. aquam traitent} alio nemine ándente. Clinique crocodili
tutnmJiHU tytiv rrçpg m iputrà, ¿7toç Kj n u g Ttrrv'e/lag <pa.tn Roinam allat i essent prcTspectàculo, Tentyriioe eos seque-
ist&ç xscyxSüMsç, ¿ f t fjtnSir vit aumv arájgiv, <¿Mt¿ x¡ bantur, et parata crocodilis piscina quâdam, et foramine
xohvfiÇàty ¿ S tà ç , ij Siampàr, /miSIvoç ctMK dappovrloç' tïg in uno laterum, u t ex aqua in apricum egredi possent :
n mr Vâpunv *opu<dtioi rvig xpoxoSaxoig i-mStifyug yq.ç/.r, Tentyûtce erant qui eos inletdum rete in aquam ipsi innrr,
iu>\ovSiivY ci TírTue^mt'yitopùrng r i Sï^apuvy.g Kj rftijuitioç trantes educebant in locum apricationi destinatum, u t à
moç tmj> /mclç 7u»y TrStvpuy, ugt k, rtig dnefoig íxCam to u -spectatoribus cerni possent ; alias rursum eos in piscin'am
ûSct%g, tiuaçn'escr tirai, ix*7roi Saur oi rirt /üv, i^thur-nç retrahebant. ( Strah. Geograph. lib . XVII, pag. 8 14 et 8 1 5 ,
Slx-niu -Q&Ç r i tiKiaçÂtsov, cig 5 van 7or 3 ta-mv ¿ ç^ S ra f, ed it. 1620. )
(2) "Oaneôtv S i r i vtà vig 'A<pQpS)'mg, "iatSbg igt\ i t ç jy
xamauuvng. ¿¡Ht Tvipúseta. XAMv/Mra, ¿ ti t i g Koifíov Siápvjé, aicKir xoirm
E ju s incolee preeter coeteros Ægyptios excellentes crocodi- Aiyjiüiav n ^ ‘A(
lum detestantur, et ex omnibus belluis inimicissimum habent. Post Veneris tern plum est Isidis fanum ; deinceps sun
Nani cceterij quanquam ejus anunalis inalitiam norint, et ea quee Typhonia vocantur, et fossa quee Copiant deferì,
fiumano generipemiciosum existiment, venerantur tamen et communem Ægyptiorum et Arabum urbem. ( Ibid. )
aux Égyptiens et aux Arabes. Peut-on s’empêcher de reconnoître dans ces indications
le grand temple de Dendérah, la petite chapelle d’Isis et d’Horus, située
derrière cet édifice, et le Typhonium! Cette conséquence découle naturellement
de l’état actuel des localités. Les restes du canal qui conduisoit à Coptos, donnent
encore le plus grand poids à cette opinion. En effet, aujourd’hui même les eaux
de l’inondation arrivent jusqtVau pied des décombres de Denderah, en coulant
sur un terrain que sa dépression naturelle annonce comme la continuation d’un
canal dont on retrouve des traces non équivoques un peu plus haut, en côtoyant
le désert. C ’est par-là que les eaux du fleuve arrivent jusqu’à la butte factice
sur laquelle s’élèvent les temples de. l’ancienne Tentyns. Nous conclurons
donc* de tout cela que les édifices de Denderah existoient à l’époque où Strabon
voyageoit en Egypte, c’est-à-dire, au temps de la conquête des Romains. Nous
reviendrons bientôt sur cette conséquence, qui nous importe beaucoup relativement
à ce que nous avons à dire sur l’antiquité des monumens de la ville de
Tentyns (i).
s. IX.
Résumé des Connaissances que l ’on avait sur les Temples de Tejityris avant
l ’Expédition Française.
N o u s nôusf sommes abstenus jusqu’à présent, dans les descriptions que nous
avons données des anciens monumens de l’Egypte, de faire mention des relations
des voyageurs qui nous ont précédés. En prenant ce parti, nous avons eu principalement
en vue d’écarter des discussions en quelque forte oiseuses et sans objet,
pour arriver à une connoissance plus exacte des monumens que nous avions à
décrire. Nous croyons cependant devoir nous éloigner, à l’égard des édifices de
Denderah, des règles que nous nous sommes prescrites. Ainsi, avant de terminer
la description de ces antiquités remarquables, nous ferons le résumé des notions
que l’on en avoit au moment de l’expédition Française en Egypte : on pourra
juger par-là de l’étendue des renseignemens que les circonstances extrêmement
favorables dans lesquelles nous nous sommes trouvés, nous ont permis de recueillir.
Beaucoup de voyageurs ont parcouru la haute Egypte avant nous ; mais
parmi eux nous nous bornerons à citer ceux que l’on peut réellement considérer
comme ayant donné quelques idées positives sur les monumens de Tentyns.
Le P. Sicard, qui parcourait la haute Egypte au mois de septembre 1 7 1 4 , ne
paraît avoir vu les temples de Denderah que de la ville de Qené, située un peu
plus haut, sur la rive droite du Nil. Il ne parle de ces monumens que pour
rapporter à leur sujet une fable qui paraît tout-à-fait absurde. Il prétend, d’après
un auteur Arabe, que le temple de Denderah a autant de fenêtres que l’année a
de jours ; que ces fenêtres sont tellement disposées, que chacune, répondant à un
degré du zodiaque, reçoit successivement les rayons du soleil. Rien de semblable,
d’après ce que nous avons dit, n’a pu exister dans la construction du temple.