consacré au Soleil, selon Macrobe ( i ) , et à la Lune, selon les écrivains plus
récens (2). Porphyre concilie ces deux opinions, en disant qu’Apis porte les
insimes et du Soleil et de la Lune (3). Je passe sur les rites et les différentes
cérémonies pratiquées en l’honneur d’Apïs , plusieurs traits en ayant déjà été
rapportés dans les citations de l’article précédent; ifcen est de même des prétendus
oracles, de la théophanie ou apparition et de la mort d’Apis : mais je
ferai mention d’un puits qui servoit à 1 abreuver a 1 exclusion de 1 eau du Nil (4),
parce que cette circonstance fixe la situation de l’édifice qui lui étoit consacré :
un puits creusé dans la vallée auroit fourni la même eau que celle du fleuve; ce
qui donne lieu de penser que ce puits étoit très-près de la montagne Libyque.
Il y avoit, selon Pline, dans le Nil près de Memphis, un lieu consacré à une
grande cérémonie annuelle : Memphi est locus in Ni/a, quem à figura vacant
pliialam (y). On n’a aucun moyen de retrouver le lieu dont il s’agit, et il est
plus intéressant de s’arrêter sur la tradition relative à la durée obligée de la vie
d’Apis : cette durée étoit de vingt-cinq ans, dit Plutarque, et il remarque que ce
nombre étoit égal au carré du nombre y et à celui des lettres Egyptiennes. C etoit
aussi le nombre des années d’une période luni-solaire assez exacte, qui accordoit
les mouvemens des deux astres; d’où l’on voit, avec Porphyre, pourquoi Apis
étoit consacré au Soleil et à la Lune, à Osiris et à Isis. Le renouvellement d’Apis,
tous les quarts de siècle, et les rites célébrés à cette occasion, avoient donc un
but d’utilité bien digne d’attention. Considéré sous ces aspects, le culte d’Apis présente
un véritable intérêt à l’étude et aux recherches des savans. La cérémonie
annuelle pratiquée au jour de la crue du fleuve explique la consécration d Apis à
Osiris-Nil; et la cérémonie vigintiquinquennale, sa consécration à Osiris-Soleil, a
lsis-Lune. C ’étoit dans le temple d’Apis que les rois étoient inaugurés, et là ils
prêtoient le serment, après avoir été introduits dans le sanctuaire, de ne jamais
ajouter un mois ni un jour à l’année, et de conserver intacte l’année de trois cent
soixante-cinq jours, telle qu’elle avoit été instituée par les anciens (6) : nouvel
indice de l’objet de ce culte. On a encore comparé Apis au taureau céleste, et
l’on a remarqué que le boeuf étoit le symbole de la terre féconde : mais il n’est pas
de notre sujet de développer tous ces rapprochemens.
On voudroit connoître avec plus de certitude le site de l’ancienne Nilopolis,
parce que c’étoit en ce lieu que le taureau sacré étoit entretenu avant de faire son
entrée à Memphis : dans te chapitre X V I , nous avons placé ce lieu à Meydoun,
qui est éloigné de Memphis de onze lieues; mais nous avouons qu’on manque de
renseignemens positifs pour en fixer la position.
Un sujet non moins intéressant que tout ce qui précède, est celui de la mesure
de l’accroissement périodique du fleuve, lequel se rattache à l’existence du dieu
Apis. Tous les ans, comme je l’ai dit, on célébrait à cette occasion une grande
( i ) L ib. 1 , cap. XXI. les signes auxquels on reco n n o issoit le taureau sacre.
( 2 ) Soidas m 'a » ( . Amm. Marcell. lib . X XII. ( 4 ) Æiian. De anim. lib . X I, cap. X. Piuiarch. Dl
(3) E u sè b e , Prcep. evang. lib. III > cap. X III. Je Is'ide et Osiride.
renvoie également ici à Jablonski, qu i a réuni dans l’b u - ( 5 ) Lib. V III, cap. x l v i .
vrage cité ci-dessus tous les passages des auteurs sur (6) Fabric. Biblioth. Lat. tom. J, pag. 391 ■
fete en son honneur, lafete du Nil : c’é-toitau solstice d’été. Un niiomètre placé
au temple de Serapis servott à suivre les progrès journaliers de l’exhaussement- la
coudee légale y etoit transportée avec solennité. Ce t usage continua d’être observé
,usqu a 1 epoque des chrétiens : dans la suite, la.coudée fut apportée annuellement
dans Jeghse ( t ) par iordre de I empereur Constantin ; So-zomène f i ) et So-
crate ( 3 ) confirment ce dernier fait: mais, sous l’empereur Julien on recom
mença a porter la coudée du Nil au temple de Sérapis (4 ).
Cette circonstance a fait conjecturer à Jablonski que le nom d’Apis ne signifie
autre chose que nombre, mesure : il tire ce mot de mu, d’où vient aussi en/,a
mesure de capacité chez les Hébreux, et même il identifie api et nilomhre • mai!
les savans n ont point adopte cette étymologie#
Ces remarques nous conduisent très-naturellement à dire quelques mots du
dernier culte dont nous avons à parler, celui de Sérapis, qui avoit donné son
nom au Serapeum, grand monument décrit par Strabon. Tout annonce qu’il était
sur le plateau ou sur le flanc de la montagne Libyque; car, de son temps, les
sphinx qui précédoient 1 édifice étoient presque cachés sous les sables « A la mort
» ÎA p is , dit Pausanias, on avoit coutume de l’ensevelir dans ce temple., qui
n n etoit ouvert aux étrangers, et aux prêtres eux-mêmes, qu’à cette seule époque »
Le plus célèbre temple de ce dieu étoit à Alexandrie, et le plus ancien à Memphis
(y). « Jupiter Sinopitcs, dit Eustathe dans son Commentaire sur Denys le
11 Périégète déjà cité, est un dieu Memphitique; car le Sinopiumest une montagne
» de Memphis. » Pourquoi Jablonski n’admet-il pas que le Serapeum de Strabon
soit le meme que l’antique temple de Sérapis cité par Pausanias ! Le Nil y arri-
voit sans aucune difficulté, soit par le canal occidental, soit par toute autre dérivation,
mais je crois plutôt par ce canal, parce qu’il donnoit le moyen de connoître
plutôt la marche croissante de l’exhaussement. Les savans sont partagés
sur 1 ancienneté du Sérapis Égyptien, parce que la plupart des auteurs qui l’ont
cité sont récens, . Toutefois la liaison qui existe entre les cérémonies pratiquées
dans les temples de Sérapis et d’Apis, doit fàire admettre le témoignage de Pausanias.
En outre, Plutarque, si bien instruit sur les choses d’Égypte, dit que Sérapis
est un mot Egyptien : à la vérité, il n’en interprète qu’une partie, o-aipei,qu’il explique
par ^a^oVuira. ou gaudium ( «¡2.1 en copte, ou festum ). Enfin il y avoit
dans le labyrinthe d’Égypte, qui étoit un monument bien antérieur aux Grecs,
un colosse de Sérapis ( 6 ). Les uns, dit Suidas, entendent par Sérapis, Jupiter; et
es autres, le Nil^ (7), C ’est celui, dit Aristide, qui en été fan croître le Nil et
dissipe les tempêtes, txmSm-. Au reste, Jablonski regarde Je nom de Sérapis
comme étant le mot même de nilomètre, acKps kto, sari-api, coiumna mensionis,
colonne de la mesure et du nombre .( 8 ) ; mais cette idée s:’écarte de la donnée de
utarqim, et il n’est pas permis d’abandonner cette autorité, quelqu’ingénieuse
soit Tautre étymologie.
(1) Rufin Hist, eccles. lib. n , cap. xxx.
(2) Sozom. Hist, eccles. lib. I , cap. V I I I .
(3) Socrat. Hist, eccles. lib. I , cap, X V III.
(4) Sozom. lib. v , cap. m .
(5) ¿n Attic, lib. i , cap. x vm .
(6) Plin. Hist. natur. lib. X X X V II, cap. V.
(7 ) Voc.
(8) Kqyej l'Exposition du système métrique des Égyptiens,
chap. x i l l , A . M . tom. I , pag. 7S5.