D E S C R I P T I O N D E S R U I N E S D A C H M O U N E Y N
du grand canal el-Dafa qui baigne les ruines, deux grosses pierres qui paroissent
avoir roulé du haut de la butte. Les'cheykhs que j’ai consultés ne connoissent
point 1 ancien nom du lieu, et ils disent seulement que le surnom du village lui a
ete donne a cause des colonnes qu on voit aujourd’hui dans les ruines.
Je ne trouve donc ici que de foibles vestiges de la ville dTbeum ou Ibiu :
mais je ferai remarquer qu au-dessous dEtsâ, sur le Nil, à sept mille cinq cents
métrés au nord-est^ est un village-appelé Baiâou ou Bayâhou, dont le nom a de l’analogie
avec 1 ancien nom Grec. On dit aussi Baioum, et les habitans se nomment
Baioumy. Quelques-uns prétendent que ce village est nouveau. Une butte de décombres,
également voisine (à trois mille mètres au nord de Tahâ et de la digue),
porte encore le nom de Koum el-A tnoudeyn, butte des colonnes : mais on n’y trouve
rien d antique ; seulement on y voit quelques débris en poteries et en briques (i).
A 1 ouest d Achmouneyn et au-delà du canal de Joseph,"sont les restes de
la ville de Tanis dont parle Strabon. Le nom actuel de Tonné, village bâti sur
ses ruines, ne laisse pas de doute sur sa position ; on l’appelle aussi Tonné Gebel,
ou de la montagne. C’est peut-être un reste de la distinction qu’on avoit établie
autrefois entre les noms de Tanis de la basse Egypte et de Tanis dans la Thc-
baide. Strabon dit que le canal partant de Thebdica Phylace conduisoit à Tanis.
Nous voyons aujourd’hui les restes de Tanis un peu à l’ouest du canal de Joseph ;
mais celui-ci s est peut-être porté à 1 est par la suite des temps. C’est le village
d Etqa qui est aujourd hui sur le canal même, et Touné en est à deux mille mètres
environ, sur la limite du désert. Le village est bâti au sud de l’ancienne ville ;
au lieu de buttes de décombres, comme on en voit par-tout, j’ai trouvé des
murs en briques crues, encore aujourd’hui debout, avec des débris de vases antiques.
Les briques sont de petite dimension; mais la construction est soignée
et faite par. assises bien réglées. Au nord et près d’un jardin, j’ai vu une quinzaine
de grosses pierres numismales, aujourd’hui informes pour la plupart,
et qui peuvent avoir appartenu à un temple, mais où aucun caractère,saucune
figure visible, n annoncent un temple au Soleil, comme des voyageurs le rapportent.
Plusieurs ont la forme de colonnes ; une, qui est encore debout en
partie, a deux mètres environ de diamètre. Au lieu d’exploiter la montagne, les
habitans de Touné brisent tous les jours ces anciennes pierres pour lés convertir
en chaux. Plusieurs autres pierres numismales qu’on trouve au sud de T oun é ,
auprès d’un étang, annoncent que la ville s’étendoit jadis jusque là; les habitans
assurent qu elles n’y ont pas été transportées.
; Les anciens Égyptiens ont exploité la montagne Libyque en face de Tanis.
-J y ai reconnu des excavations ; une grande catacombe y a été creusée, et la porte
a été pratiquée dans une grande façade coupée à pic et dressée. C ’est presque,
dans ce canton, le seul endroit de la chaîne où la pierre soit à découvert ; ailleurs,
elle est toujours cachée sous les dunes de sable. Auprès de cette grotte
antique, la chaîne s’abaisse vers une ancienne vallée comblée ; les Arabes ont
° " , ne T I.Ve.a“ reite Ib h men,ionnl-: i " e dans l'Itinéraire, à moins qu'on ne lise, dans Étienne de Byzance,
Kiior au lieu de Ipaor. 1
perce loin de la un chemin qui les mene a la petite Oasis, et qui conduit aussi
à Behneseh et au Fayoum.
Entre les ruines de Toune et la crete de la montagne, précisément en face
de I ouverture faite dans le rocher, il y a encore des ruines aujourd’hui cachées
en partie par les sables : on y aperçoit des murs de briques crues, encore debout.
Les briques sont petites, alternativement de champ et à plat. On trouve, aux environs,
des fiagmens d albatre et de marbre travailles, quantité de pierres numismales
taillées, et beaucoup de morceaux d’un ciment dur, fait de gros sable et de chaux.
Ce ciment est bien poli en dehors, et il à la couleur de l’enduit des citernes qu’on
trouve aujourd’hui en Égypte'. La nature des pierres que j’ai vues dans les ruines et
à Touné, annonce que la montagne Libyque est, dans cette partie, composée de
pierres numismales; à trois ou quatre cents mètres à la ronde, les dunes de sable
sont parsemees de briques cuites et d éclats de vases. Les ruines n’ont pas de noms
connus, les Arabes leur donnent le nom banal de Deyr, et ils m’ont dit que,
vers le nord, il y en a beaucoup de semblables dans la montagne.
Je dois dire ici un mot du lieu appelé Babeyn, où étoient de prétendues écluses
sur le canal de Joseph, que les voyageurs ont dit avoir vues au nord de Tanis. J’ai
voulu vérifier ce qu’il y avoit de positif sur le nom et sur l’existence de ces portes.
Je ne me suis pas contenté d’interroger les cheykhs et les habitans du lieu, dont
aucun, n avoit meme connoissance du nom de Babeyn ; j’ai parcouru encore pied à
pied les rives du canal, et je n’ai pas vu le moindre vestige d’une seule construction.
Des Arabes m’ont cependant parlé d’un endroit de ce nom, placé à l’ouest de
Darout-Achmoun, presque au sommet de la montagne ; mais ce sont deux portes
de catacombes percées dans le rocher, et qui conduisent à des salles où l’on trouve
des colonnes. Il devoit y avoir aux environs quelque position ancienne, correspondant
, suivant l’usage, à Ces hypogées ; je n’en ai vu cependant aucune, et l’on
ne m’a point parlé d’un lieu qui renfermât des antiquités. Des hommes de Tendeh
et d’el-Badramân m’ont aussi nommé un endroit du nom de Medynet el-Babcyn;
mais ils n en connoissent que le nom. Il est donc certain que les écluses prétendues
nont aucune existence , et je crois que c’est le sens du mot Arabe Babeyn, les
portes, qui a induit en erreur les voyageurs et les écrivains.
Il me reste à parler d’un endroit que Strabon nous a fait connoître sous le nom
d Hermopolitana Phylace. Voici comment il s’exprime : « A l’écart du Nil est
» Oxyrynchus.... ensuite Hermopolitica Phylace, certain lieu "où l’on fait payer un
» droit aux marchandises qu on transporte de la Thébaïde : là, on commence à
» compter par schoenes, de soixante stades chacun, jusqu’à Syène et Éléphantine.
» Ensuite vient Thebdica Phylace, et le canal qui conduit à Tanis. » On peut se
demander si ce premier poste étoit placé sur le N il, comme le fèroit entendre
Ptolémée 11), ou bien sur le grand canal. Strabon ne s’explique point sur sa position
précise. Si la position correspondante, sous le nom de Thebdica Phylace, étoit
(i) Ptolémée suppose 28" 15’ de latitude au point Ptolémée, qui n’indique pas particulièrement l'un ou
ont 1 S agit, et 2S“ 26 à Hermopolis; différence, i l ' l’autre de ces deux postes, avoit en vue, scion moi, ce
|f lS, * - ux niyr*an,ètres ] : cette distance convient dernier. Le passage ne renferme que le mot de Phylace
bien a Darout ei-Cheryf, où je place Thebaica Phylace. sans l’épi thète d’Hermopolitana.