au nord-ouest, au milieu environ de sa longueur. Elles présentent plusieurs pièces
liées les unes aux autres, et maintenant ensablées en partie. On trouve, dans
.quelques-unes de ces catacombes, des cavités prismatiques, comme celles que
nous verrons plus en détail dans la ville des Morts; et en général, les excavations
de l’île P/taros sont du même genre que celles de la côte de Necrópolis.
La mer couvre maintenant, dans tout le pourtour de l’île , des restes de
maçonnerie ; ce qui prouve que son territoire étoit autrefois habité et rempli
d’établissemens importans. On y voit en effet un monticule très-remarquable,
qui, par sa position, son volume, sa forme, paroît être l’emplacement du bourg
dont parle César dans la Guerre civile. « II y avoit, dit-il, dans l’île, des maisons
*> Egyptiennes et un bourg aussi grand qu’une ville ordinaire ; les habitans étoient
» dans l’usage de piller en tous lieux, comme font les pirates, tous les navires
» qui, par imprudence ou par l’effet du mauvais temps, s’écartoient tant soit
» peu de leur route [23 ]. » Hirtius ajoute, dans la Guerre d'Alexandrie, « que
» cette petite ville du Phare étoit fortifiée par de hautes tours jointes les unes
aux autres ( ou qui se touchoient presque ), et qui tenoient lieu de rempart (ou
» murailles continues ); enfin, que le genre des édifices qu’elle renfermoit n’étoit
» pas très-différent de ceux d’Alexandrie. » Toutefois ces maisons étoient plus
basses que celles de la ville d’Alexandre, puisqu’un peu plus loin il ne donne
à plusieurs d’entre elles que trente pieds de hauteur. César, s’étant rendu maître
de Pharos, livra le bourg au pillage, et il paroît qu’il fut ravagé de fond en
comble, comme Strabon le dira de toute la presqu’île [2.4]-
On trouve dans les auteurs anciens beaucoup de descriptions de l’île Pharos;
elles sont généralement intéressantes et se rapportent assez bien à l'état des lieux.
Nous avons continué de l’appeler indifféremment île ou presqu'île : on voit en
effet et l’on sait que, depuis long-temps, elle est liée à la terre ferme, et même
confondue avec elle, par un élargissement formé de dépôts dont nous expliquerons
la cause, et sur lequel on a assis la ville moderne.
Homère, le plus ancien de ces auteurs, comme géographe et comme historien
[25] aussi-bien que comme poëte, fait dire à Ménélas, qui étoit entré en
Egypte, après Paris et Hélène [26], par la bouche Canopique du N il, non loin
de l’île du Phare, que «dans la mer d’Egypte, vis-à-vis du Nil, il y a une certaine
» île qu’on appelle Pharos ; qu’elle est éloignée d’une des embouchures de ce
» fleuve d’autant de chemin qu’en peut faire en un jour un vaisseau qui a le
» vent en poupe. »
Ce passage a beaucoup fait travailler les commentateurs, les géographes et les
voyageurs. Mais d’abord il faut rabattre beaucoup de la précision mathématique
qu’on voudroit attendre d’un poëte : il faut ensuite faire attention que par les
mots vis-à-vis du N il Homère ne peut entendre qu’en face ou à peu près perpendiculairement
au cours général de ce fleuve; ce qui est vrai, en tirant du phare
une ligne vers le nord-est, chemin pour aller ait Nil. La distance qu’il donne
peut se prendre par rapport à toute autre des sept embouchures du fleuve, aussi
bien que par rapport à la Canopique, attendu que rien n’indique, dans ce passage
d Homere, qu il s agisse de faire un voyage du phare à cette bouche : cette distance
peut meme etre relative a 1 intérieur du Delta, dont les extrémités, ou les
issues du Nil, savançoient moins dans la mer au temps de Ménélas et de Protée,
cest-a-dire, il y a plus de trois mille ans, en suivant le système de chronologie
adopté. Enfin il faut considérer que la journée de navigation étoit une mesure
conventionnelle assez petite. N’est-il pas vraisemblable que Pline, qui cite cette
assertion d’Homère, et qui écrivoit dans un siècle où les connoissances géographiques
étoient plus généralement répandues, auroit relevé l’erreur si elle eût
été. choquante ! Mais, au contraire, il se sert de la même expression dans la
description qui! donne; il ajoute même une nuit à ce qu’on entend par journée
de navigation. Nous trouverons presque par-tout la même variation dans les
valeurs des mesures données par les anciens ( 1 ).
A u reste, peu importe la précision plus ou moins parfaite du poëte, pourvu
qu’il en résulte que l’île du Phare a peu changé par rapport au sol environnant
Alexandrie, et cette vérité importante, qu’elle étoit avant les temps historiques
beaucoup plus éloignée qu’elle ne l’est aujourd’hui du Delta ou de l’Égypte proprement
dite; pourvu encore qu’elle confirme cette ingénieuse explication de la formation
et des progrès de ce Delta, connue du père de l’histoire, et qu’il a si bien
rendue par cette belle expression : « L ’Égypte (2) est un présent du Nil [27]. »
Ménélas ajoute : « L ’île a un bon port, dans lequel je fus retenu. » Voilà
donc le premier et le plus ancien renseignement que nous trouvons sur l’état
ou etoit la contrée d’Alexandrie et de Pharos, bien avant la fondation de la
ville ( 3). Il est évident que ce port n’étoit que l’abri formé au nord-ouest par
l’île meme, qui faisoit, comme nous le verrons, un crochet vers le fort Turc
qui se trouve aujourd’hui sur ce bord du port vieux. Il est évident que ce port
particulier ne peut être celui des Pharites, port dont nous parlerons plus bas,
puisque Ménélas en vante la bonté : or l’anse des pirates du Phare étoit assez
dangereuse. De plus, Homère parle d’une époque où les deux grands ports
n étoient point encore séparés ; et certainement on ne regardoit alors comme le
véritable havre de ces parages, que la côte méridionale de l’île.
Hérodote, qui voyageoit en Egypte (4 ) à une époque où l’on pensoit à peine
a la contrée d Alexandrie, ne parle point de l’île du Phare. II est néanmoins surprenant
quil ne rappelle point ce qu’en avoit dit Homère, dont il connoissoit si
bien les ouvrages.
Strabon, qui vient immédiatement après ces deux peintres de l’antiquité, décrit
tres-bien lile Pharos, «oblongue, voisine du continent, qui forme auprès d’elle
» un double port par l’effet des sinuosités du rivage, qui présente deux caps avan-
» cés dans la mer ( y ), entre lesquels gît cette île qui s’oppose, suivant sa longueur,
(1 ) Cette réflexion ne s’applique pas à la géographie voyage en Egypte, et qu’il supposoit être celui du temps
d’Hipparque et d’Eratosthène. de Protée et de Ménélas.
(2) Herod. Hist. lib. 11. (4) En 460 avant J. C.
(3) Dans notre première période, guerre de Troie , ( 5 j VAcrotnchias à l'est, et Chmonesus à l’extrémité
1184 ans avant J. C. De plus, Homère peut avoir voulu gauche de la planche je .
décrire un état des lieux encore plus antérieur à son
A . D . r »