» après avoir marché environ deux heures, notre guide, nous montrant les restes
» d’un ancien édifice,éèt, près de là, quelques voûtes peu élevées au-dessus du sol,
» nous dit que c’fctpit en cet endroit qu’il y âvoit des momies d’homme. Nous
» reconnûmes facilement que nous n’étions pas sur des ruines de l’antique Égypte,
» mais sur des ruines chrétiennes, humides demeures de ces anachorètes qui, dans les
» premières années de notre ère, se réfugièrent dans les déserts de la Thébaïde.
» Pendant que nous considérions les restes du saint monastère, notre guide s’étoit
» mis à fouiller sous une des petites voûtes, et bientôt il nous appela pour nous
» faire voir un cercueil de bois de sycomore, qu’il venoit d’en tirer. Ce cercueil
» renfermoit un homme blanc dont les parties musculaires, la peau, les dents, les
» ongles et la barbe étoient parfaitement conservés, ainsi que le linceul qui enve-
» loppoit le corps. Nous n’aperçûmes cependant aucune trace d’embaumement.
» Cette étonnante conservation doit être attribuée à un terrain aride que jamais la
» pluie ni le fleuve n’arrosent, à un air sec et à un soleil brûlant. » Nous revînmes
de notre expédition, un peu honteux de son résultat, et en grondant notre guide,
qui ne concevoit pas pourquoi nous n’étions pas satisfaits.
En revenant à Syout, nous passâmes sur le plateau qui couronne la montagne
dans laquelle sont creusés les hypogées. Ce plateau domine, d’un côté, sur toute la
vallée du Nil, et, de l’autre, la vue s’étend au loin vers le désert de la Libye. Il est
couvert de tessons de poterie ; on croit même y reconnoître des restes de citernes
et de conduits' pour 'les_ eaux : on y remarque un grand nombre de débris de constructions
en brique. Toutes ces ruines, les hypogées et les fragmens de colonnes
que nous avons vus à Syout ou dans les environs, annoncent assez l’existence
d une ancienne ville. La position de Syout est irrévocablement fixée sur la carte
de l’Égypte qui a été levée pendant le cours de l’expédition Française ÉÉg toutes les
erreurs des voyageurs antérieurs et des géographes . (r) sont, par cela seul, rectifiées.
D un autre cote, les itinéraires anciens s accordent pour placer dans cette position
la ville qui, au temps de Ptolémée, portoit le nom,de Lycopolis. Les loups
ou les chacals y étoient en vénération, et cela explique pourquoi nous avons trouvé
dans la montagne une si grande quantité de débris de momies de ces animaux.
D ailleurs, il n y a point de ruines aux environs de Syout qui puissent être comparées
à celles que l’on y rencontre. Il est donc à peu près certain qu? la ville de
Lycopolis occupoit l’emplacement de Syout, entre le Nil et la montagne; que les
catacombes de cette ancienne ville étoient dans la montagne voisine, et qu’une
forteresse dépendante de Lycopolis existoit sur le plateau qui domine tout Je pays.
Quelques traditions anciennes, rapportées par Diodore de Sicile (2), tendent à
faire croire, en effet, que Lycopolis étoit une position militaire importante.
(1) Voyez d’AnvilIe, Mémoires sur I’JÉgypte,pag. 1S1. (2) Diod, Sic. B'tbl. hist. lib. 1 , pag. 99.
DES RUINES D’A CHMOUNE YN
O U
HE RMOPOL I S MAGNA;
P a r E. J O M A R D .
C H A P I T R E X IV .
§. I . "
Généralités.
L e nom d’Hermopolis a été. donné à plusieurs villes d’Egypte. Hermès ouThoth,
le Mercure Égyptien, étoit honoré, en divers lieux de cette contrée, pour les bienfaits*
sans nombre qu’on lui attribuoit. Il avoit inventé les arts agréables et les arts utiles :
on lui devoit les principes de la musique, de l’écriture, de la grammaire, de l’éloquence;
l’art de raisonner et celui de calculer; enfin la décou verte.des mesures et
la plupart des sciences (i). Ce personnage symbolique avoit un temple à Hermo-
polis Magna dans l’Heptanomide, et à Hermopolis'Parva dans la partie occidentale
de la basse Égypte; enfin l’on peut regarder la ville d’Hermonthis, au-dessus de
Thèbes, comme lui ayant été consacrée. Le surnom de Magna donné à la première
de ces villes annonce la prééminence qu’elle avoit sur les autres ; c’est ce que
1 etendue actuelle des ruines confirme très-bien. En effet, cette étendue ne le cède
point, si elle n’est supérieure, à celle des plus grandes villes dont nous avons
retrouvé les vestiges, Thèbes et Alexandrie exceptées.
La ville d’Hermopolis Magna étoit méditerranée, c’est-à-dire, située dans l’intérieur
des terres et au milieu d’une des plus grandes plaines de l’Égypte. Plusieurs
canaux du Nil s’y rendoient jadis, si l’on en juge par ceux qui subsistent encore
et qui arrosent la plaine. Non-seulement elle étoit la capitale d’une préfecture
appelée nomus Hcrmopolites, mais elle étoit indubitablement le lieu principal de
toute I Heptanomide : aussi elle n’a cessé de rassembler dans ses murs une grande
population , jusqu’à l’époque où l’empereur Adrien bâtit sur la rive droite du Nil,
en face même d’Hermopolis, une cité nouvelle où il déploya toute la grandeur
Romaine. C est a ce moment qu a commencé la décadence de la ville Égyptienne (al.
Les générations qui se sont succédées sur le sol de cette dernière, ont laissé
( r) Plut, de Iside et Osiride, Plat., Diod., &c. (a) Veyei pag. 2 , note 6.
A . D .