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et dépend de la hauteur, jadis fortifiée, sur laquelle fut élevée la mosquée de
Touloun. Tout auprès est une tourelle, ou plutôt un massif de forme circulaire,
que le peuple appelle Moustabet Fara’oun, le Siège de Pharaon, soit à cause
du voisinage de l’antique monument Egyptien, soit pour toute autre raison qui
nous est inconnue ( i ). Ce sarcophage fut transporté au palais de l’Institut et
ensuite à Alexandrie ; mais, à l’époque du départ de l’armée Française, il tomba
aux mains des Anglais avec les autres fragmens précieux de l’antiquité Égyptienne
recueillis par la Commission des sciences et des arts. Il est aujourd’hui
déposé au musée Britannique (2).
On ignore à quelle époque, à quelle occasion, ce sarcophage a été apporté au
Kaire, de quel lieu on l’a tiré, s’il vient d’Héliopolis ou de Memphis, des pyramides,
ou des hypogées de Babylone et de Troja; mais on sait mieux quel usage
en ont fait les modernes Egyptiens. Us ont trouvé quil formoit une excellente
auge ou abreuvoir, et ils ont pratiqué à l’un des bouts une ouverture pour vider
l’eau, comme au grand sarcophage en brèche Égyptienne d’Alexandrie : ainsi
l’eau a séjourné long-temps dans l’intérieur. Aidée du temps et du frottement,
elle a usé une partie de la sculpture, et il en est résulté que le dedans est beaucoup
moins bien conservé que le dehors. Ce sarcophage est en granit noir : sa
longueur est de 2",748 [ 8Js j p° ] ; sa largeur postérieure, de 1 *“,38 [ 4 Js 3P° ]; sa
largeur antérieure, de im,t7 8 [ 3ds 8po]; sa hauteur, de im,t92 [ 3 ds 8po ]. On
trouvera toutes les autres mesures soigneusement gravées dans les planches (3).
La presque totalité du monument est couverte de sculptures hiéroglyphiques,
soit au dedans, soit au dehors ; toutes, à l’exception de quelques cassures et de
l’intérieur, sont parfaitement conservées, et l’on peut même distinguer presque
tous les signes dans le fond du sarcophage. Une frise, composée d’étoiles Égyptiennes
( c ’est-à-dire, à cinq pointes aiguës), couronne les deux faces latérales
extérieures et les quatre faces du dedans. Ainsi qu’il est d’ordinaire, les signes
d’écriture sont tournés, dans le sens du personnage qu’ils environnent : il y a
donc à l’extérieur deux directions, l’une de gauche à droite ( sur la face antérieure
D (4) et sur la bande supérieure de la face C ) , l’autre de droite à gauche
(sur la face postérieure B et sur la bande supérieure de la face A ) . Quant au
reste des faces C et A , les figures hiéroglyphiques marchent les unes vers les
autres, comme les personnages de la procession : tournés, dans la première, vers
une double image de l’oeil symbolique sculpté très en grand; et, dans la seconde,
vers une sorte de tableau formé de neuf bandes horizontales d’hiéroglyphes. Une
disposition un peu différente et encore plus symétrique règne à l’intérieur. A
partir du milieu de la face antérieure, les figures et les caractères se dirigent à
droite et à gauche, et viennent se rencontrer au milieu de la face postérieure.
Les inscriptions se répètent en grande partie, autant qu’on peut en juger par
(1) Voye^ la Description du Kaire, É . M . tome I I , trait, et avec la dernière correction. Voyez l’explication
2.* partie, page 731. ■ des planches du volume V d*Antiquités.
(2) J’y ai recueilli une suite d’empreintes en soufre et
de dessins, qui ont permis de le graver complètement au
(a) Voyez planches 24, 23, A. vol. V.
(4) Voyez planche 24, A. vol. V.
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E T D E L A P R O V I N C E D U K A I R E . C H À P . X X . y
les caractères non effacés. Quant aux figures mêmes qui composent ces pro-
cessions, sur les huit faces dont je viens de parier, elles sont au nombre de
huit au dehors, et de vingt-une au dedans, compris §ÉÉ symbolique porté sur
un autel, et un triple serpent qui accompagne la croix à anse ; elles retracent
les memes personnages qui se voient ordinairement sur les monumens fiméraires.
Au dehors, c’est l’initié ou le défunt qui, conduit par le prêtre masqué en chacal
(c est-à-dire, celui des funérailles), est d’abord admis en présence du symbole
dOshis, ensuite paroit occupé à entendre ou à lire un texte sacré. Au dedans, ce
sont dix-neuf figures de divinités, toutes portant Je bâton augurai et la croix à
anse; puis loeil dOsiris et le serpent dont je viens de parler : dix marchent Aans
un sens, et onze dans 1 autre, portant la tête humaine, ou celles du belier, du
chacal, de lepervier, du boeuf et du lion.
Vingt de ces figures de divinités ont au-dessus de la tête une petite inscription
de trois à quatre signes ou plus, servant à les distinguer d’une manière caractéristique;
la figure debout, qui est sculptée cinq fois à l’extérieur, est également
surmontée de trois . .quatre ou cinq signes hiéroglyphiques, lesquels indiquent
peut-être l’état ou le degré des épreuves assignées à l’initié ou à l’ame du défunt
: car les figures sont absolument identiques, à l’exception d’une qui est un
peu plus ornée, ce qui annonceroit que le personnage est parvenu à un degré
plus avancé : parmi les cinq caractères que celle-ci porte au-dessus de la tête,
on remarque une croix ‘f . Je distinguerai dans le nombre des vingt-neuf personnages
du monument une figure de femme coiffée de l’image du scorpion, que
j’avois déjà dessinée une fois dans le petit temple d’Isis à Karnak, symbole remarquable,
sur lequel je n essaierai pas cependant de risquer une hypothèse. Ce
nest pas le lieu d établir des conjectures sur la signification de ces personnages,
ni sur le sens de plusieurs symboles et signes d'écriture, dont plusieurs sont dignes’
¿attention à cause de leur rareté dans les inscriptions, tels que des formes de
végétaux et d autres fort curieuses : on les trouvera tous rassemblés dans le Tableau
méthodique des hiéroglyphes ( i ). Il y a au reste dans ces textes beaucoup de répétitions
symétriques, et par conséquent le sujet des inscriptions n’est pas aussi
étendu quon pourroit le supposer au premier coup d’oeil. Je viens à l’image
bizarre qui est représentée au fond du monument : c’est une figure de femme
sculptée, comme toutes les autres, en relief dans le creux, mais d’une beaucoup
plus grande proportion. Les figures de fkce ne sont pas communes parmi les
bas-reliefs Égyptiens ; nous en avons vu et dessiné une dans les hypogées de
Thèbes (2). Il y a aussi un hiéroglyphe qui représente une tête d’homme de
face; mais on auroit de la peine à citer beaucoup d’autres sujets de face parmi
les bas-reliefs vraiment antiques. Celui qui est sculpté de cette manière dans l’intérieur
du sarcophage du Kaire, présente une autre singularité : c’est que les
avant-bras manquent à la figure, ou plutôt, que chaque bras est remplacé en
entier par une sorte de règle droite qui n’a pas forme humaine, et qui s’arrête
(0 Voyez A . vol. V , planches 30, 31. (2) Voyez A. vol. I I , planche 36, fig. 3.