
la troisième, celle du grand port que nous examinons. C ’est celle-ci sans doute
qui sappeloit Posidéium, d’un surnom de Neptune. 11 y avoit d’ailleurs dans le
grand port un temple de ce dieu, ou une partie du rivage, qu’on nommoit le
Posidéium, et que nous verrons bientôt [63].
D ’après toutes ces difficultés, on sent bien maintenant le motif et l’utilité de
la construction du fanal du phare, et du choix de son emplacement. On voit
aussi quel trait de génie et de hardiesse c’étoit de la part des anciens, pour les
usages desquels les ports fermés étoient indispensables, d’avoir choisi celui-ci de
préférence sur le reste de l’espace du port d’Eunoste, et de l'avoir clos ensuite
en coupant l’ancienne rade par le môle de sept stades et profitant d’une saillie
de l’île Pharos. « Le grand port est très-bien fermé par la nature ( à l’entrée ) et
» par XHeptastadium (ou par l’art) » , dit Strabon [64]. Il lui donne le nom de
maximus, sous lequel il a toujours été désigné dans l’antiquité. C’est même de
lui que parlent Josèphe et tous les autres auteurs anciens, lorsquils disent simplement
le port d’Alexandrie ( comme on peut le vérifier par les détails que
renferment à son sujet les passages où ils le désignent ainsi ) ; soit parce qu’on
aboutissoit de là dans tous les autres bassins, qui n’en étoient que des subdivisions,
et même dans l’Ëunoste, l’une de ses dépendances; soit par les autres circonstances
que nous allons voir.
En supprimant un moment par la pensée le môle de XHeptastadium ( supposé
placé dans la direction que je lui ai donnée plus haut), on voit, par l’examen de
l’état des lieux et par l’historique de la fondation, pourquoi les anciens n’eurent
d’abord en vue que ce port, avantageusement resserré à son entrée, et lui donnèrent
ensuite le nom de maximus : il se trouvoit presque tout fait et d’une capacité
suffisante, et ils l’appelèrent souvent, par cette raison, le Port [65]. Il ne fit que
conserver son nom générique, et l’on n’eut plus qu’à en donner un nouveau au
port d’Eunoste. De plus, par la construction de XHeptastadium, il se trouvoit le
plus grand de tous, et ils l’appelèrent, par comparaison, maximus. Aussi est-ce
lui que les fondateurs eurent premièrement en vue dans le placement de leurs
établissemens, et dont ils faisoient l’usage le plus fréquent et le plus important :
ils rassemblèrent autour de lui leurs édifices de luxe, qu’ils étendirent principalement
le long de sa partie orientale, la moins avantageuse pour la marine;
ils laissèrent leurs établissemens d’utilité publique dans son enfoncement le plus
profond et le plus calme, autour de Rhacotis, l’ancienne cité, et des bassins
d’Eunoste et de Kihôtos, qui étoient des succursales du grand port.
« Il étoit si profond même sur ses bords, selon Strabon, que les plus grands
y> vaisseaux pouvoient approcher sans danger jusqu’à toucher les degrés qu’on y
» avoit pratiqués. » Ces marches devoient se trouver dans toute la partie voisine
de l’origine de XHeptastadium, où nous verrons qu’étoient les établissemens de
marine nommés apostasis. « Mais il se subdivisoit en plusieurs ports ( 1 ). »
C ’étoient sans doute de petites démarcations faites le long du rivage pour séparer
les stations des navires d’espèces, de nations ou de commerces différens,
( 1 ) St ra b. Gtogr . l ib. XVII .
comme
comme cela se pratique encore chez nous. Les petits ports des Rois, d’An-
tirrhode, et les Apostases, que nous parcourrons, sont des preuves de ce que
j’avance [ 66 ].
Josèphe ajoute à ces qualités, que l’intérieur du grand port étoit très-sûr, et
il lui donne trente stades d’étendue. En prenant toujours le stade Grec de quatre-
vingt-quinze toises, le portant autour du port neuf, depuis le rocher du phare
jusquau-delà de XAcrolochias actuel, et se rapprochant du port d’Eunoste, à cause
de l’ensablement plus grand du port neuf et de la direction occidentale de
1 Heptastadium, on trouve cette mesure d’une justesse très-satisfaisante. Elle vient
encore confirmer tout ce que nous avons dit sur la forme et la position de
divers objets : elle fait voir combien le grand port s’est rapetissé.
Quant à la profondeur et à la sûreté, elles sont pareillement bien diminuées
aujourd’hui, et ce double changement est dû à la même cause. Les vents de
nord-ouest, qui sont les plus violens et les plus habituels, ont corrodé, élargi la
passe, et comblé avec ses débris l’intérieur du bassin, en le laissant ouvert à
toutes les agitations de la haute mer [67]. On peut estimer la hauteur de cet
encombrement par le moyen des sondes : celles de la passe du grand port sont
a peu près les mêmes que celles du centre du port vieux; et comme le fond de
celui-ci a été aussi un peu exhaussé par le lest des navires et par les causes physiques
que j’ai indiquées, je crois pouvoir supposer que sa profondeur réduite
etoit autrefois de trente-six pieds, et qu’elle étoit commune au grand port: or
les sondes réduites du centre de ce dernier bassin ne sont plus aujourd’hui que
de douze pieds environ, d’où il suit que son ensablement, depuis deux mille ans,
pourroit s’évaluer à vingt-quatre pieds.
R E S T E D U P É R I M È T R E D U G R A N D P O R T .
Nous continuerons maintenant de parcourir le reste du pourtour du grand
port ancien depuis 1 origine de 1 Heptastadium jusqu’à la dernière extrémité du
vieux promontoire de Lochias, et d’examiner les autres ruines qui s’y trouvent.
G R A N D E P L A C E .
On n aperçoit point de ruines antiques à l’origine que nous avons fixée pour
le môle de XHeptastadium, parce que cette partie a été singulièrement modifiée
par les divers établissemens qui se sont successivement portés vers ce point
important : mais il y a au pied du monticule de Rhacotis un espace vide assez
remarquable; et en avant de la muraille Arabe on voit la suite de cet espace, où
se trouve aujourd hui un cimetiere Turc qui renferme plusieurs tombes assez
riches et clegantes. C est la sans doute que s’ouvroit la grande place qu’Hirtius
nous dit etre au-devant du fort placé à la tête du premier port de XHeptastadium,
et sur laquelle l’armée d’Alexandrie se mit en bataille. Cette circonstance suppose
une surface assez considérable, et nous voyons que cet espace est en effet très-
vaste. Lensemble du récit dHirtius, et le nom *\'area qu’il emploie au lieu de
p/atea, indiquent que ce local étoit absolument nu, qu’il ne faisoit point partie de
» • D - E