55 à cette mer. 55 Son grand axe, parfaitement parallèle à la côte, étoitcomme un
môle ou une barrière placée en avant contre.les vagues du large ; et l’on s’aperçoit,
.d’après cette disposition, qu’il n’y avoit plus à établir dans la mer qu’une ligne de
séparation intérieure, semblable à celle qui supporte aujourd hui la ville moderne,
nour former deux excellens ports, comme on verra que les anciens le projetèrent
sur-le-champ. Quinte-Curce dit même (tant la forme et la situation de
l ’île étoient avantageuses ) qu’Alexandre, « à son retour du temple de Jupiter
55 Ammon, ayant examiné la position des lieux entre la mer et le lac Mareotis,
55 avoit d’abord résolu de bâtir sa nouvelle ville dans l’île même du Phare; mais
» qu’ayant remarqué que sa surface ne pouvoit pas contennutn grand établissement,
» il choisit l’emplacement où se trouve maintenant Alexandrie. »
L ’île du Phare s’étendoit donc autrefois du couchant au levant, à partir de
l’extrémité la plus avancée du cap des Figuiers, vers le château actuel du phare.
Elle étoit séparée du continent par un intervalle de neuf cents pas, dont nous
parlerons ailleurs. Il est présumable qu’au temps de Strabon le corps de l’île proprement
dhe se bornoit à ce que nous avons indiqué dans l’Alexandrin restituta.
Son prolongement par une suite de rochers qu on voit en avant de 1 anse sablonneuse
actuelle, où fut le port des pirates Pharites, et peut-être par la digue aujourd’hui
existante jusqu’au château moderne du phare, étoit vraisemblablement
très-étroit. Cette foible barrière a pu être en partie détruite par la m er, qui frappe
là avec toute sa violence, et qui n’aura laissé subsister que la ligne de récifs qu’on
voit aujourd’hui. Ces roches, avec l’île elle-même et une partie des bancs des
passes du port vieux, farmoient l’ancien sol, dont la masse étoit encore plus imposante
dans les temps antérieurs à Alexandre, et faisait qu’on pensoit a y placer
une ville [2.8 J. « Paria situation qu Alexandre avoit choisie, ditDiodore de Sicile,
5> il avoit procuré à sa ville l’avantage d'avoir dans son port l’île du Phare. 51 Cette
île se prolongeait donc très-certainement d’une manière quelconque dans le grand
port [29.]. En effet, l’île tout entière n’est qu’un rocher calcaire arénacé, très-
décomposable par l’air et par l’eau, comme l’indiquent principalement le vaste
plateau inférieur et les récifs qui l’entourent. A u nord et au sud, la partie supérieure
de ses bords est escarpée généralement, et il est aisé d’y remarquer les effets
destructifs, soit des pluies, soit de la mer, qui en sapent continuellement le pied.
Cependant cette corrosion s’étend à une moindre distance dans le port vieux, parce
que cette partie de la presqu'île est à l’abri des vents régnans et des vagues du
large. Là le plateau supérieur est formé de tranches verticales ou à demi renversées,
comme si cette position résultoit d’un éboulement semblable à celui de nos
falaises de Normandie. Le sable qui provient de la destruction de la côte extérieure,
est porté par les vents d’ouest et de nord-ouest vers l’extrémité orientale
de l’île, derrière laquelle il forme un atterrissement dans la petite baie abritée par
les récifs, au nord; et, au sud, dans le fond du port Eunoste. Cette corrosion
est sur-tout remarquable à la pointe, occidentale de l’île, qui est coupée à pic et
séparée d’un écueif à fleur d’eau qui en faisoit autrefois partie. Enfin les foibles
marées de la Méditerranée doivent concourir encore à la destruction de la côte.
Cette baie du nord qui s’est d’abord agrandie par la rupture de la barre de
récifs, puis approfondie par 1 action de la mer, et ensuite comblée au point où
nous la voyons, ne peut être que le petit port des pirates Pharites, dont il eût
question dans l’article 23 de l’Appendice; du moins le récit que fait Hirtius d’une
fausse attaque de César, le prouve assez clairement [ 30 ].
En parlant de l’île en général, Strabon dit: «D e notre temps, César, pendant
>5 la guerre d’Alexandrie, dans laquelle cette île prit parti pour ses rois, la ravagea. •>
Elle étoit donc, par son étendue, sa population et ses ressources, un objet de
quelque importance dans les affaires générales du royaume, et assez considérable
par rapport a la grande ville. Il paroît que Strabon veut parler d’un ravage de
fond en comble que cette île éprouva; car il ajoute que néanmoins, de son temps
encore, cest-à-dire, sous Auguste, ou environ un demi-siècle après la guerre,
quelques marins habitoient près de la tour du phare, à l’extrémité orientale de l’île.
Mais il faut que la ville et les autres établissemens de I île Pharos aient été rétablis
peu de temps après Strabon, suivant le texte de Pline, qui attribue à César lui-
meme 1 envoi qui y fut fait d une colonie pour la repeupler [ 3 1J.
T O U R D U P H A R E .
Autour de l’emplacement où nous reconnoîtrons que se trouvoit la fameuse
tour du phare, on ne connoît d autres restes d antiquité que quelques piliers qu’on
aperçoit sous 1 eau quand la mer est tranquille, au-dedans de l’entrée du port
neuf. Peut-etre sont-ce les restes d une partie des fondations de l’ancien phare, ou
de quelques constructions faites en prolongement du plateau sur lequel cet édifice
et ses accessoires se trouvoient assis.
C ’est en cet endroit, bien clairement indiqué sur les trois planches, et qui supporte
le chateau moderne, qu étoit évidemment construit l’ancien phare. L e promontoire
( oriental ) de l’île Pharos, dit Strabon, est un rocher aussi entouré par la mer
que les récifs dont il a été question dans l’article précédent [32]. Nous pouvons
donc regarder le rocher du phare comme un cap anciennement détaché de la
grande île.
Josèphe, confondant pour un moment, comme la plupart des auteurs anciens,
le rocher du phare avec la grande île Pharos, dit « qu’elle supporte la tour du
» phare, et qu’autour de cette île ont été construits des murs énormes qui brisent
55 la mer et rendent l’entrée du grand port plus difficile et plus périlleuse par sort
55 resserrement. » 11 est évident qu’on ne peut Supposer des constructions aussi
considérables qu’autour du rocher de la tour ; et encore auroient-elles été immenses
a cause de la profondeur des eaux qui baignent cet îlot. Les restes apparens de
piliers dont il a été question tout-à-l’heure appartenoient peut-être aux fondations
de ce revêtement, dont la mer a rongé les bases [33].
La tour, suivant Strabon, « étoit faite de pierre blanche >5, exploitée vraisemblablement
dans les bancs de la côte, ou dans le rocher même qui lui servoit de
base [34]* cc Elle etoit merveilleusement construite et composée de nombreux
>5 étages. >5 Elle fut effectivement comptée parmi les merveilles du monde. Il