l'aspect et l’étendue d’une ville. Les Israélites durent sans doute, dans leur capti
vité, être employés à des travaux de cè genre dans d’autres villes que Pithom et
Ramessès; quelques traditions locales auront pu apprendre aux Septante qu’Helio-
polis étoit du nombre, et les entraîner à ajouter, dans leur traduction, cette
ville aux deux autres.
Sous le règne de Sésostris, Héliopolis étoit déjà un des boulevarts de l’Égypte
On lit dans Diodore de Sicile, que ce prince fît construire un mur qui s’étendoit
de Péluse a Heliopolis, pour opposer une barrière aux courses des Arabes et
des Syriens. Son fils et son successeur fit élever dans Héliopolis deux obélisques
en mémoire d’un événement qui, tel qu’il est raconté dans Diodore, prouveroit
que ce Pharaon etoit aussi cruel que superstitieux. Après une cécité de dix ans
un oracle lui ordonna « de faire un voeu au dieu d’Héliopolis et de se laver
» les yeux avec l’urine d’une femme qui n’eût eu de commerce qu’avec son mari:
» il essaya celle d’un grand nombre de femmes, à commencer par la sienne; il
» ne trouva le remède qu’il cherchoit que dans l’urine de la femme d’un jardinier,
« qui eut un tel succès, qu’il l’épousa après sa guérison. Il fit brûler les autres
» toutes vives dans un village qui fut appelé depuis le Tertre sacré. Il accomplit I
» ensuite son voeu à Héliopolis, conformément à l’oracle qui lui avoit ordonné
» d’y faire élever deux obélisques d’une seule pierre de huit coudées d’épaisseur
» et de cent coudées de hauteur (i). » On n’ose point, d’après tout ce que l’on
connoît des artifices des prêtres pour se faire craindre des peuples et des rois,
rejeter cet événement au rang des fables; mais on doit convenir cependant qu’il
en porte tous les caractères.
On peut lire dans Pline (2) le nom de quelques autres rois d’Égypte qui
embeliirént également cette ville.
Si nous passons a une époque moins reculée, nous voyons Strabon, sous le I
regne d Auguste, visiter Héliopolis. Le temps, qui dans ses révolutions élève et I
renverse tour-à-tour les empires, entraînoit déjà cette ville vers sa ruine. Ses I
rues étoient désertes; ses édifices présentoient de toutes parts des marques delà
fureur de 1 insensé Cambyse, de ce farouche conquérant, qui se plut à renverser I
les monumens les plus-précieux, à embraser les villes et à outrager jusqu’aux
morts. Le collège des prêtres subsistoit encore; mais ils ne cuitivoient plus les
sciences, et ils bomoient leurs occupations au service des autels. Cependant I
1 observatoire où Eudoxe avoit étudié les mouvemens des corps célestes, existoit
toujours, et 1 on montra au voyageur Romain les appartemens que cet astronome
et son maître Platon avoient occupés.
Le nom d Héliopolis; sous lequel nous avons désigné jusqu’à présent la ville
dont nous nous occupons, se compose de deux mots Grecs qui signifient la ville I
du Soleil: elle a conservé jusqu’à nos jours des traces de cette dénomination;
les Égyptiens modernes et les géographes Arabes nomment ses ruines tff-
A'yn-ech-chems [fontaine ou oeil du Soleil], et quelquefois a u s s i A Ù J L
(1) Diodore de Sicile, liv. i , traduction de l’abbé Terrasson.
(2) Hisr, nat. Iib. x x x y i, cap.9.
Mcdynet-cch-clwns I
cien nom Égyptien. En effet, les Hebreux lappeloient On (i), mot qui signi-
fioit soleil dans la langue Égyptienne, ' ainsi que Saint Cyrille le dit positive-
ment dans ses commentaires sur le prophète Osée ; SeAtbns 1 1 êrpm
Si 'HA/tf, "A-ntU Aiyjorlw Sms ÜAs¿st. "Chi Si Içj vjlt’ a.irvç S lÍAio«. bilium
eiùm Lunoe, Sù/is autem nepotem, Apin esse Ægpptii fabulantur. On autem secundhnt
ipsùs est sol.
Les auteurs Qobtes la nomment aussi UI« On; et dans la version Qobte de la
Bible, elle est désignée à-la-fois sous ce nom et celui de LRí.ki julthpb Tbaki-mpirê
[ville du Soleil ].
Les soixante-dix rabbins qui ont traduit en grec le texte Hébreu de la Bible, ont
toujours rendu On par HA/«7faAi?. Il ny a aucun doute qu’ils ne connussent parfaitement
pour chaque ville d’Égypte le nom national et le nom Grec correspondant.
Cest a tort qu’on refuseróit cette foible connoissance géographique à un si
grand nombre d hommes également savans dans les deux langues, et habitant
1 % P te a une epoque si rapprochée de la soumission de ce royaume aux armes
Macédoniennes.
La position géographique d Héliopolis a été l’objet des recherches de plusieurs
savans distingués. Quelques-uns, parmi lesquels se trouve M. Larcher-fz),
ne pouvant concilier les récits de Strabon, d’Hérodote, de Diodore, de Pto-
lemee, &c. ont cru pouvoir affirmer que deux villes de Ce nom avoient existé
a-là-fois; savoir , lune dans le Delta et vers son sommet; l’autre fort près de là,
mais dans le nome Arabique, c’est-à-dire, dans cette partie de l’Égypte qui étoit
a lest de la branche Pélusiaque. Ils pensent que la première est la ville célèbre
dont parlent Hérodote et Strabon. Nous osons combattre leur opinion.
f®utre le peu de vraisemblance, en effet, que deux villes du même nom aient
existé aussi près lune de l’autre, et que ce soit la moins considérable, la moins
célébré, qui ait laissé sur la terre et dans la mémoire des Égyptiens, des traces
de son existence et de son nom, observons qu’aucun des auteurs anciens que nous
avons cites, ne parle de ces deux villes, et qu’ainsi l’on seroit contraint de dire:
« Herodote, Strabon, &c. ont oublié celle qui étoit dans le nome Arabique ;
» Diodore, Ptolemée, 1 Itinéraire d’Antonin, &c. ont passé sous silence celle qui
» etoit dans le Delta. » Nous le demandons, cela est-fl probable (3)!
Ce moyen d aplanir les difficultés, en multipliant l’objet décrit, ne devroit
etre employé quà défaut de toute autre explication ; et ici sur-tout il devenoit
(r) II paroltroît, d après un passage de Jérémie, cha- plusieurs écrivains à placer, comme lui, Héliopolis dans
pitre XLiii, v. 13, que de son temps les Hébreux don- le Delta.
noient aussi à Héliopolis le nom de vqv rv a Beytfc (3) Ptolémee parle, il est vrai, de deux villes d’Hélio-
Chcms [Maison du Soleil]. polis; mais, comme il place l’une d’elles à un sixième de
(2) Article Héliopolis de la Table géographique qu’ il degré au sud du sommet du.Delta, et à un tiers de degré
a jointe a sa traduction d*Herodote. au sud de la capitale du riome Héliopolite, on voit
Si nous ne citons ici que ce savant, c’est qu’il a traité qu’elle est, en ce moment, étrangère à notre discussion,-
cette matière avec plus de détail que personne, et que la et que ce n’est point vers l’obélisque de Mafaryeh, ni
confiance qu'inspire sa profonde connoissance de la entre les branches du N il, au sommet du Delta, qu’on
langue Grecque, peut bien être le motif qui a déterminé peut la placer.